Le taux de production des tapis et des tissages ras enregistré en 2013 est de 68 mille mètres carrés ; un taux scandaleux dû à des défaillances multidimensionnelles... Le secteur du tapis traditionnel et des tissages ras souffre, depuis 14 ans, d'une régression allant crescendo. Le tapis tunisien, réputé mondialement par sa qualité irréprochable, son authenticité, son originalité et sa durabilité à travers les temps, n'a toujours pas joui de l'attention politique qu'il mérite. Alors que la tapisserie iranienne et celle turque marquent leurs présences prestigieuses à l'échelle internationale et que des tapis bas de gamme, car fabriqués à partir de matériaux frugaux, envahissent nos marchés et nos foyers, le tapis traditionnel tunisien se trouve délaissé par le consommateur local et exclu du marché international. Cette crise revient à la concomitance de multiples facteurs, d'ordre politique, économique et promotionnel. A vrai dire, les décisions politiques servant la promotion de ce créneau semblent se restreindre à de timides actions annuelles, comme les salons et les expositions-ventes. Selon l'avis d'un certain nombre de professionnels spécialisés dans la production des tapis traditionnels et des tissages ras (comme le margoum, le klim, heml, le bakhnoug, etc), les parties concernées ne manifestent pas un intérêt palpable à la promotion de ces produits traditionnels et encore moins au développement d'une spécialité qui tend à s'émousser. D'ailleurs, faute de mécanismes de formation professionnelle des jeunes en tapisserie et en tissage, les jeunes sont dans l'incapacité d'apprendre ce savoir-faire ancestral. A l'absence de mécanismes de développement et de promotion du tapis à l'échelle locale, s'ajoute un manque de stratégies et de mesures favorables à la valorisation de ces produits sous d'autres cieux. Résultat : une activité qui stagne et qui vire sitôt vers une régression indéniable. Production en chute libre La régression dont souffre le secteur remonte en effet à l'an 2000. Elle est caractérisée, entre autres, par une chute considérable du taux de la production et par l'absence des exportations directes. Après avoir connu un essor notable, avec un pic du taux de production atteignant les 641 mille mètres carrés, la courbe dégringole pour ne compter, en 2009, que 216 mille mètres carrés. Après les événements du 14-Janvier 2011, les choses vont de pire en pire : le taux de production des tapis et des tissages ras enregistré en 2011 n'était que de 111 mille mètres carrés, soit une chute de plus de 50%. Et l'année dernière, ce taux a encore baissé d'un cran pour s'arrêter à seulement 68 mille mètres carrés. Les producteurs, pour leur part, expliquent cette décroissance par de multiples facteurs dont le problème de commercialisation des tapis à l'échelle locale. Il faut dire que le consommateur tunisien opte de plus en plus pour des tapis synthétiques car nettement moins chers. Pour les tapis traditionnels, le mètre carré d'un tapis à points varie de 140dt à 300dt. Pour les tissages ras, il varie de 60dt à 70dt. Le consommateur tunisien ignore sans doute que la durabilité du tapis traditionnel et sa valeur décorative et artistique excèdent de loin les produits synthétiques. D'un autre côté, l'augmentation notable du coût des matières premières complique les choses. La laine —principale matière de base des tapis traditionnels— est passée de 5dt le kilo, l'année dernière à 7dt et à 10dt le kilo actuellement. La régression de la tapisserie traditionnelle relève également du social. Les artisanes œuvrant dans les ateliers de production endurent souvent des conditions de travail lamentables, un travail pénible et sous-rémunéré. Celles vivant dans les zones rurales sont fort exploitées et ne perçoivent que des miettes. C'est pour cette raison d'ailleurs que certaines d'entre elles préfèrent désormais vendre par elles-mêmes leurs productions dans les souks régionaux et auprès des commerçants. Il est à noter que les artisanes spécialisées dans le tapis traditionnel ne sont plus que 4.000 femmes. Faute de stratégie de promotion et de développement de cette spécialité, elles risquent leur gagne-pain et le savoir-faire des prédécesseurs. Le sauvetage de ce créneau relève également de la volonté du consommateur et sa conviction en l'impératif de consommer tunisien, à la fois authentique et tendance.