Tard dans la nuit de jeudi dernier, le verdict est tombé. Imed Dghij, porte-parole des «Hommes de la Révolution du Kram» (association membre de la Ligue nationale de protection de la révolution), est condamné à 14 mois de prison ferme pour incitation à la haine. Serait-ce un premier pas vers la dissolution des LPR ? Le procès du «meneur» des Hommes de la révolution s'est ouvert mercredi 26 mars, au Tribunal de première instance de Tunis. Un procès où le show était omniprésent, notamment du côté des avocats de la défense. En effet, ces derniers, plutôt que de parler du droit absolu, ont continué à faire du spectacle et de la politique. En tout cas, pour ceux qui sont restés pour le défendre. La comparution de Imed Dghij a enregistré un rebondissement spectaculaire du côté de ses avocats. Certaines figures connues, à l'instar de Abderraouf Ayadi, président du Mouvement Wafa, et Samir Ben Amor, membre du Congrès pour la République, tous deux députés à l'Assemblée nationale constituante, ne se sont pas présentés, bien que s'étant déclarés pour la défense de Dghij. D'ailleurs, ils étaient présents à son premier procès (13 mars 2014). Visiblement, ils ont privilégié leur travail de députés. D'un autre côté, une partie des avocats qui se sont présentés, eux, à la salle d'audience, dont Abdelwaheb Maâter, ancien ministre du Commerce, se sont retirés. Ils ont même remis en cause le procès, sans pour autant s'attaquer proprement à la justice. En effet, la défense a mis en avant le caractère politique du procès, outre le non-respect des procédures pour un procès équitable, concernant l'arrestation, le mandat de dépôt et l'expertise de sa ligne de téléphone portable. Une expertise que les avocats n'auraient pas pu examiner avant le procès, selon leur affirmation. Pour la défense, toujours, Imed Dghij est « victime » d'un procès qui prend une tournure politique. Outre les vices de procédures avancées, ils estiment que sa condamnation est fortement liée à la feuille de route issue du dialogue national. Car elle signifie clairement la dissolution des Ligues de protection de la révolution (!). Rappelons que Imed Dghij, meneur des «Hommes de la révolution du Kram», a été arrêté, dans la soirée du mercredi 26 février, au Kram (banlieue nord de Tunis). Une arrestation intervenue suite à une plainte déposée par le syndicat des agents et des fonctionnaires du district de sécurité nationale de Tunis, pour avoir menacé les policiers de mort, via les réseaux sociaux. Rappelons aussi que l'arrestation a provoqué l'indignation et la colère d'un certain nombre de membres de l'Assemblée constituante, qui sont allés jusqu'à rencontrer le ministre de l'Intérieur, pour soi-disant des « éclaircissements » sur cette affaire, et invoquer les «droits de l'Homme». Une réaction qui n'a pas manqué de susciter la colère de nombreux citoyens, hommes politiques et représentants de la société civile. Car quand des députés défendent l'appel à la haine, la violence et les menaces de mort, cela révolte, indépendamment des tendances politiques. L'arrestation de Dghij et l'émission d'un mandat de dépôt contre lui, le 4 mars, ont provoqué des troubles durant plusieurs jours, avec des affrontements, entre ses «milices» et les forces de l'ordre. «C'est triste de voir aujourd'hui, des élus de la nation se mobiliser pour des hors-la-loi. Certains se sont même présentés pour le défendre, criant son innocence et dénonçant «une machination et un complot», nous a déclaré un jeune homme présent, à l'évidence politisé. Et d'ajouter : «C'est triste de voir ce personnage appelant sans cesse à la haine, à la violence et au meurtre, devenir, pour certains, une figure emblématique de la révolution». Pour plusieurs, Imed Dghij est un hors-la-loi qui a pris Le Kram en otage, via la Ligue de protection de la révolution, considérée, par ailleurs, comme une organisation de «miliciens» payés par certains partis politiques ! La condamnation de Dghij à 14 mois de prison ferme serait-elle un signe pour les autres membres des LPR ? Finira-t-on par respecter, justement, la feuille de route et s'engager dans la dissolution de ces soi-disant organisations ? La révolution a un Etat qui la protège, comme l'a affirmé Mehdi Jomâa, le chef du gouvernement. Dans tous les cas de figure, la Tunisie ne réussira pas à se relever et aller de l'avant, tant que les LPR transgressent la loi, impunément. Dans un Etat, la loi est là pour être respectée par tous et nul n'est censé l'ignorer. Personne n'est au-dessus d'elle, non plus.