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L'ère des lumières et de la délectation
Chronique des arts: Vues panoramiques italiennes entre le XVIIIe et le XIXe siècle
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 06 - 2010

L'exposition qui nous est proposée dès ce soir et successivement à la Chambre des Députés du Bardo (29-30 juin) et à l'Institut culturel italien (5 juillet) est d'un grand intérêt historique dans le domaine de l'art italianisant.
En effet, les œuvres picturales choisies parmi les riches collections de la Galleria Sabauda (1) (images peintes mais aussi gravées) mettent en valeur le thème du paysage urbain italien entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Cette période est celle d'un grand changement dans la notion de représentation et de perception du Réel.
Le XVIIIe siècle, celui des philosophes et de l'«ère des lumières», est à l'origine d'un appauvrissement significatif du sentiment religieux dans pratiquement toute l'Europe. Comme le soulignait l'académicien Marcel Brion durant les années soixante(2) : «La conception du surnaturel et sa représentation avaient perdu (en ce temps-là) de leur intériorité et de leur référence à l'âme». La pensée philosophique avec son théisme diffus allait ainsi largement influencer même les peintres de sujets religieux pour les orienter plutôt vers le paysage humanisé, moins divinisé. Marcel Brion déclare à ce sujet : «Il est incontestable que la manière de regarder la nature, de la percevoir et de l'appréhender comporte, en tant qu'acte sensoriel, un arrière-plan philsophique». Et d'ajouter : «L'intérêt que l'homme porte au visible et au pensable se polarise sur un unique foyer, le reste n'ayant d'existence et d'être qu'en raison de sa proximité ou au contraire de son éloignement par rapport à ce centre». Le champ libre était ainsi ouvert à cet art nouveau et de la plus pure délectation, à travers des vues panoramiques italiennes, elles-mêmes au service d'intérêts topographiques certains. Cet intérêt, comme nous allons le voir à travers les œuvres que voici, va ainsi se développer dès la fin du XVIIe siècle et se parfaire durant le siècle des Lumières philosophiques, d'expansion terrestre et de découvertes dans tous les domaines de la vie active.
En Italie même, cette nouvelle forme de «réalisme», le védutisme (manifestation d'une vision plus objective et anti-conformiste de la réalité), allait prendre racine et prospérer à Venise, Rome et Naples.
Le paysage urbain italien allait progressivement s'affirmer surtout dans les villes culturellement actives comme Milan et Turin d'où nous vient cette magnifique collection. Le «Grand Tour» qu'entreprirent, durant longtemps, les peintres, mais aussi les gens de lettres et les musiciens, accourus de toute l'Europe, passait inéluctablement par Rome et son Colisée mythique, côté documentaire.
Dans la brève présentation des artistes et des œuvres originales de cette mostra unique en son genre à Tunis, nous avons insisté sur cette notion de védutisme, car elle est fondamentale pour mieux pénétrer l'esprit des œuvres et les caractéristiques qui ont poussé leurs auteurs à les entreprendre. Le védutisme qui, de Canaletto à Gaspar Van Wittel, en passant par Michele Marieschi ou Francesco Guardi est, disons- le autrement, une transfiguration poétique du réel avec, selon le tempérament de chacun des artistes, des conceptions différentes, mais sans cesse renouvelées. Différentes et renouvelées par la façon détaillée, les endroits réels, les phénomènes atmosphériques et météorologiques, les effets lyriques des palettes… Tout cela comme les prémices du grand romantisme européen, etc.
Voici donc ce petit tour d'horizon analytique et biographique dû, en très grande partie, à l'Encyclopédie Larousse qui nous a prêté main forte.
Gaspar Van Wittel, peintre néerlandais (Amersfoort 1652 - Rome 1736)
Peintre de genre, Gaspar Van Wittel fut très tôt sensible à cette nouvelle forme de «réalisme» comme d'ailleurs de très nombreux peintres néerlandais et, notamment utrechtois, qui commençaient à divulguer dès 1674, dans la représentation des villes et des paysages, dépassant la vision classicisante et idéalisante, pour une observation analytique et une transcription exacte du détail.
C'est à Rome que Van Wittel découvrit l'art du védutiste Codazzi, spécialiste des vues de la Ville éternelle. Il réalisa 50 dessins illustrant le cours du Tibre pour servir aux travaux d'ingenerie dans l'aménagement d'une tranche du fleuve. Dessins repris en peinture. Il contribua aussi aux guides illustrés de Rome, en vogue à l'époque, par la représentation de nombreuses vues urbaines en Italie.
Les deux œuvres que voici Il Colosseo (Le Colisée de Rome) et La darsena di Napoli (Le fleuve) datent de 1720/1740.
Entre 1680 et 1685, il devient le maître incontesté du védutisme, peignant les villes comme une entité moderne et vivante. Toutes ces peintures, comme celles signalées, sont réalisées d'après nature.
Le nombre considérable de ses œuvres dispersées rend un répertoire chronologique et iconographique de son œuvre, difficile à établir.
Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (Venise 1697-1768)
Canaletto est le peintre des vues vénitiennes par excellence. Décorateur de théâtre à ses débuts, il n'aura de cesse, par la suite, de «théâtraliser» ses visions lagunaires dans sa peinture. Ses vues authentiques ont été inspirées des modèles Carlevarijs et Van Wittel. Celles du Grand Canal vers Le Rialto; Le Rio de Mendicanti; le Campo dei Santo Giovanni et Paolo ou, comme à travers cette œuvre unique dans cette exposition: Il molo con Il palazzo ducale e il ponte della paglia. Des œuvres qui, très tôt, lui ont valu un succès international.
Sa carrière de védutiste s'affirme à Rome, en 1719. Retour à Venise où il devient un précurseur dans sa manière d'échelonner les différents plans de ses compositions. Canaletto a aussi utilisé la chambre optique dans le cadrage de ses tableaux.
En 1746, il s'établit à Londres et peint les vues de la tamise. Il intéresse les aristocrates anglais (le duc de Richmond, le comte de carlysle...). 53 peintures et une centaine de dessins figurent dans les collections de la Couronne britannique. Retour à Venise qui a enfin retrouvé sa fréquentation touristique. Il meurt en 1768, une vingtaine d'années, avant la révolution française.
Francesco Guardi (Venise-1712-1793)
Avec Canaletto, ce peintre d'origine noble est un védutiste par excellence. Ses vues de Venise sont pittoresques et minutieuses. Issu d'une famille de peintres, il est difficile d'attribuer à chacun de ses frères, comme à lui-même, ce qui lui revient.
C'est tardivement aussi (à 50 ans) qu'il délaisse les tableaux religieux pour la veduta dont il renouvelle profondément l'inspiration. Là où Canaletto s'en tient à une représentation d'une froide projection, Francesco Guardi ajoute une chaude lumière.
Quatre œuvres de ce peintre sont présentes ici, nous montrant, dans le détail, ces phénomènes atmosphériques-météorologiques que nous évoquions plus haut.
Laurent (Loranzo) Pécheux, peintre français( Lyon 1729- Turin 1821)
Membre de l'Académie de Saint-Luc en 1762, Laurent Pécheux voyage en Italie, à partir de 1764. Tour à tour portraitiste et directeur de l'Académie de Parme, il séjourne à Naples puis à Rome où il exécute des fresques au Palais Borghese.
Il se fixe, par la suite, à Turin, jusqu'à sa mort. Nombreuses sont ses œuvres entre paysages et portraits. Ses compositions possèdent des tons chauds avec de grandes masses sombres. La Veduta della vigna(1804) que voici le révèle comme un «débiteur» du courant néo-classique.
Giovanni Migliara (Alexandrie 1785-Milan 1837)
Giovanni Migliara a débuté comme décorateur de vedute au théâtre Carcano (1804) et à la Scala (1803-1809). De santé fragile, il ne fit, à partir de 1810, que des petits travaux de peinture à l'huile et à l'aquarelle sur
différents supports : toile, soie, ivoire.
Ses deux œuvres, ici, sont effectivement de petits formats identiques (34x44cm) : Les colonnes de San Lorenzo à Milan et Une vue de Venise datant de 1814. Son style et ses thèmes historiques et médiévaux sont subtilement imprégnés de romantisme, puisque ce courant bat déjà son plein en Europe. Nombreuses commandes de l'aristocratie milanaise. Giovanni Migliara devient peintre attitré à la cour du Roi Charles-Albert de Sardaigne. Jusqu'à sa mort, il continue à produire surtout des intérieurs d'églises mais dans un style topographique.
Jules - César-Denis Van Loo, peintre français (Paris 1743- 1821)
Fils de Carle Van Loo, cet «ultime représentant de la florissante dynastie des Van Loo» fut admis par faveur, en 1767, au concours du Grand Prix de Rome et logé à l'Académie de France. En 1784, il est reçu à l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il expose aux salons de 1784 à 1817.
Spécialiste du paysage d'hiver enneigé, l'Italie va l'inspirer vers la cinquantaine, autrement. En témoignent d'ailleurs les deux œuvres présentes dans nos murs : des paysages aux environs de Turin, effets d'un crépuscule du matin plutôt printanier, chaleur doucereuse, lumière tamisée.
Michele Marieschi (Venise 1710-1743)
On attribue à Michele Marieschi un autre patronyme : Francesco Albatto! Sa vie est peu connue. Il fut (peut-être) l'élève de Canaletto car il avait débuté comme lui dans les décors de théâtre. Son père était graveur sur bois et c'est sans doute de là, que lui est venue une certaine dextérité. D'un séjour en Allemagne, il revient entre 1730 et 1735 où il s'inscrit à la Fraglia dei Pittori, la guilde des peintres vénitiens. De nombreuses œuvres aujourd'hui attribuées à cet artiste l'avaient été d'abord à Canaletto. Deux œuvres Vedutta Del Canal Grande et Veduta della Chiesa di Santa Maria delle carita témoignent de la façon, quasi identique à celle de Canaletto, d'échelonner les différents plans de ses compositions avec le même sens de la «théâtralisation», sans oublier la similitude des palettes.
Federico Moya(?) (Milan 1802-Dolo 1885)
De cet artiste milanais, d'origine espagnole, nous ne savons rien. Même son nom n'est pas certain. Mais vu les repères chronologiques de sa naissance et de son décès, nous pouvons dire qu'il a traversé le XIXe siècle comme Victor Hugo, le père du romantisme français, qu'il est mort à l'époque où la vague de réalisme et de naturalisme, celle des impressionnistes, puis des expressionnistes, un peu plus tard, avaient débordé l'art européen en réaction contre ce même romantisme et l'académisme classique. La seule œuvre de Federico Moya est dans la lignée des védutistes, mais avec un siècle de distance par rapport aux artistes védutistes de la première heure.
Le paysage urbain de Venise (en arrière-plan) n'est là que comme un décor de théâtre. Ce sont les gondoliers dans leurs mouvements marins qui symbolisent la ville. Le ciel, lui, dans sa clarté blanchâtre est par dessus tout comme pour rappeler le paysage divinisé, cher aux romantiques.
Présentation, analyse
et synthèse de :
(1) Ces œuvres proviennent, en partie, des collections des Savoies, ainsi que d'acquisitions et de donations qui ont enrichi le patrimoine muséal piemontais.
(2) in : La grande aventure de la peinture religieuse/Le sacré et sa représentation. Ed. Librairie académique Perrin. Paris 1968.


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