Témoins d'un mode de vie révolu, bon nombre de ces édifices sont en état de délabrement. Quelques-uns d'entre eux bénéficient d'un programme de réhabilitation dans le cadre du projet de tourisme authentique. La délégation de Béni Khédache se trouve dans le gouvernorat de Médenine, dans le sud-est de la Tunisie. Le relief est dominé par le Djebel Dahar, une chaîne montagneuse qui délimite deux régions, la plaine côtière de Jeffara à l'Est, et le bassin du Grand Erg oriental à l'Ouest. Le Djebel Dahar prend la dénomination locale de Demmer, qui culmine au niveau du Djebel Mzenzen à 690 m. L'air y est sec, les paysages arides. Rien ne laisse penser qu'il y a plus de 250 millions d'années, une mer recouvrait le site. Pourtant, des fossiles d'organismes marins en témoignent, notamment à Kef Nsourra. «C'est le seul affleurement du Permien marin d'Afrique, et l'unique affleurement paléozoïque en Tunisie», précise Houssine Yahiaoui, géologue. Sur les crêtes dentelées des monts ocres, s'élèvent des Ksour (pluriel de Ksar). Ces édifices se confondent à merveille avec le paysage. De loin, on les distingue à peine. Les Ksour sont constitués de Ghorfas, des cellules voûtées disposées sur un ou plusieurs étages, et entourant une cour centrale. Les Ksour étaient utilisés pour stocker céréales, olives et autres denrées alimentaires. Ils avaient aussi un rôle de protection. «En temps d'insécurité, les Ksour servaient de refuge aux tribus berbères», affirme Mansouri Ali, chercheur à l'Institut national du patrimoine. Sur les cimes des montagnes, on peut aussi trouver des citadelles (Galaâ), qui servaient également de refuge. Les Ksour ne sont plus utilisés depuis les années 1970 ou 1980, à cause de la sécheresse, du changement de mode de vie et de l'exode. Selon Mohamed Zemmouri, président de l'Association de développement durable de Médenine (ADD), il y a environ 80 Ksour dans la région. Beaucoup sont en ruine. De grenier à maison d'hôtes Le Ksar Joumaâ a été construit en 1773. Il compte 180 Ghorfas, dont plus de la moitié a été réhabilitée. Certaines Ghorfas (une quinzaine) ont été aménagées en chambres, d'autres en restaurant et en salon de thé. Les travaux sont financés par l'ADD et gérés par l'Institut national du patrimoine (INP). Le cachet originel et le mode de construction à la pierre, chaux et gypse, ont été préservés. «On utilise de la chaux de Thala et du gypse de Tataouine. Le ciment est interdit», affirme Zouhayr Othmani, employé, originaire de la région. «Pour construire le plafond, poursuit-il, on n'utilise pas de poutrelles métalliques mais des planches en bois, sur lesquelles on pose les pierres et la pâte de gypse. On les enlève une fois l'édifice solidifié». Sur les voûtes de certaines chambres anciennes, on peut découvrir diverses inscriptions et dessins en relief, résultant d'un moulage. «Chaque Ksour est un livre, chaque Ghorfa est une page de ce livre», affirme Houssine Othmani, guide local. Originaire de Béni Khédache, Houssine est passionné par l'histoire de sa région et aime côtoyer les vieux, à la recherche de la moindre information sur ses origines. «Ces insignes sont les consignes des bâtisseurs pour les générations futures. Elles nous éclairent sur leur manière de vivre, sur comment conserver les biens dans les Ghorfas, etc. Il y a même un acte de mariage». L'homme désigne un dessin représentant des pieds et des mains disposés de part et d'autre d'une palme. «Cela symbolise l'engagement des époux pour la vie». D'autres Ksour sont en cours de réhabilitation, à l'instar de Ksar Hallouf, où l'accueil, la salle de prière et l'huilerie ont été restaurés en partenariat avec l'INP.