La lutte contre le terrorisme est sécuritaire, politique, culturelle, sociale... La création d'un pôle de lutte contre le terrorisme s'inscrit dans une logique où le sécuritaire, le politique, l'éducationnel sont interdépendants L'annonce a été faite par Mehdi Jomâa lors de sa conférence de presse, mercredi dernier, consacrée au bilan de ses cent premiers jours à la tête du gouvernement. Il s'agit de la création d'un pôle pluridisciplinaire de lutte contre le terrorisme. L'annonce est-elle venue satisfaire les revendications maintes fois exprimées par les spécialistes appelant à ce que l'effort d'éradication de l'hydre terroriste obéisse à une stratégie commune où se conjuguent et se complètent le sécuritaire, le social, le culturel et le religieux ? Les spécialistes qui n'ont pas attendu la réaction du gouvernement pour créer leurs propres associations à l'instar du Centre tunisien des études de sécurité globale dirigé par Nasr Ben Soltana ou le Centre international des études sécuritaires, stratégiques et militaires présidé par Badra Gaâloul, ont-ils été écoutés par le gouvernement et associés au projet relatif au pôle antiterroriste ? La sécurité est globale Contacté par La Presse en vue de sonder sa réaction quant à la création du pôle en question, Fayçal Chérif, expert en questions stratégiques et militaires et président du comité scientifique du Centre des études sécuritaires, stratégiques et militaires, réplique: «Pour nous, le terme sécurité nationale est beaucoup plus large. On devrait adopter une approche selon laquelle la sécurité est avant tout globale. Nous considérons que la lutte contre le terrorisme doit englober tous les aspects de la vie nationale. Il ne s'agit pas de se limiter à un traitement exclusivement sécuritaire ou juridique. Il faudrait mettre en œuvre une stratégie globale qui ne néglige aucune donnée. Outre la mobilisation sécuritaire ou la formation de magistrats spécialisés en matière de lutte contre le terrorisme, il faudrait penser ainsi à réviser notre enseignement afin de le prémunir contre les fléaux qui le rongent et qui ouvrent la voie à la formation de terroristes». «Malheureusement, ajoute-t-il, encore une fois, personne au gouvernement n'a pris le soin de nous consulter ou même de prendre connaissance des études ou recherches que notre centre est en train d'élaborer. Pour autant, nous sommes disposés à offrir notre expertise au gouvernement à condition qu'il nous contacte». De son côté, Noureddine Neïfer, expert en études stratégiques, considère que le pôle antiterroriste annoncé par Mehdi Jomâa doit «concilier les impératifs de droit national (Code pénal et loi de 2003 sur le terrorisme et le blanchiment d'argent), d'une part, et les conventions ratifiées par la Tunisie comme la Convention arabe de lutte contre le terrorisme, ainsi que les conventions onusiennes en la matière, d'autre part». Deux impératifs Il estime également que la proposition de Jomâa satisfait deux besoins. «D'abord, un besoin interne de lutte contre le terrorisme avec une juridiction appropriée. Ensuite, un besoin international dans la mesure où la Tunisie deviendra, ainsi, un partenaire fiable en matière de juridiction dans les affaires et les litiges relatifs au terrorisme. Ces deux aspects s'imposent face à la nébuleuse et aux réseaux terroristes et permettront de raffermir davantage la coopération régionale et internationale dans ce domaine», indique-t-il. Du côté du Centre des études de sécurité globale, on insiste sur l'impératif de la coordination entre les parties prenantes engagées dans la lutte contre le terrorisme «afin que l'échange des données soit plus fluide». Une mesure nécessaire L'objectif est, selon les spécialistes du centre, «d'échanger les informations rapidement afin de permettre une intervention plus prompte des unités sur le terrain». «La surveillance des réseaux et la détection des messages codifiés lancés aux cellules dormantes doivent aussi bénéficier d'un intérêt plus poussé», font valoir les mêmes spécialistes. Il est à préciser que le Centre tunisien des études de sécurité globale organise, les 23 et 24 mai, une conférence internationale sur le thème : «La Tunisie entre les défis géostratégiques du terrorisme et les exigences de l'intérêt national». Pour sa part, le Centre international des études sécuritaires, stratégiques et militaires organise, en juin prochain, un colloque qui portera sur «les menaces terroristes, du Sahel à la Méditerranée».