Des conditions de vie difficiles pour une population fermement attachée à ses terres Jamais mieux qu'en ces temps la nature n'est aussi prodigieuse dans les contrées du Nord-Ouest, en particulier dans les zones forestières où les prodiges naturels se conjuguent merveilleusement à l'éclat de la lumière pour faire de ces magnificences naturelles un véritable éden où il fait bon vivre. Malheureusement, l'homme, s'il a réussi à s'adapter au climat rude et éprouvant de ces lieux, n'est nullement parvenu à briser les carcans de la misère et à se créer des conditions de vie décentes; toutes ces régions ont été marginalisées et longtemps considérées comme les oubliées de la croissance. A Ouergha comme à Jbel Kharrouba, ou encore à Garn Halfaya, la misère de la population saute aux yeux et le visiteur ne retiendra, à coup sûr, que des images d'hommes éprouvés, le visage rabougri et ridé, et parfois habillés en haillons, néanmoins se sentant fort attachés à leurs terres et fiers de leurs origines. En sillonnant les nombreuses zones forestières, en partant de Sakiet Sidi Youssef jusqu'aux frontières du gouvernorat de Jendouba, l'on ne peut que remarquer des hommes s'activant à travailler la terre ou à surveiller quelques ovins ou des nourrices mamelues, en train de paître dans les champs, naturellement quand la météo est clémente. A les regarder de près, ils sont de vrais sportifs que n'effraie nullement «un tour à pied» qui, pour les citadins, passerait pour une prouesse. On y gagnera aussi de découvrir, fort amoureusement, une faune et une flore sauvages que tout campagnard connaît sur le bout des doigts. Et puis, il faut s'immerger de tout son être dans l'ineffable beauté des lieux pour vivre l'enchantement. Il faut aussi se garder de formuler l'inévitable jugement péremptoire du visiteur pressé, quant à la situation socioéconomique de la population, car si elle se plaint, par endroits, des difficultés de la vie, elle affiche ailleurs sa fierté d'être parvenue à se frayer un chemin et à se doter de moyens à même de lui assurer sa survie et même une part de son bonheur, car les habitants des zones forestières cultivent chez eux un véritable atavisme paysan quand ils s'installent dans les zones urbaines et considèrent, selon Si Tahar, un quinquagénaire habitant à Oued Tarfa, une zone forestière escarpée de Sakiet Sidi Youssef, que seule la terre natale est source d'enthousiasme. Si Tahar pratique l'apiculture biologique et l'élevage des ovins et des volailles. Malheureusement, une épidémie aviaire a eu raison cette année de sa basse-cour, et tous les poulets et les poussins ont péri à la suite de cette «catastrophe» imprévue. D'ailleurs, partout dans la région et même dans tout le gouvernorat, la population a été éprouvée par cette épidémie sévère qui a ruiné une partie non négligeable des revenus de nombreux ménages dans la mesure où l'élevage des volailles constitue, inévitablement, une composante de la chaîne de production, où se bousculent élevage ovin, caprin et bovin, ainsi que l'apiculture, l'arboriculture et indéniablement les cultures céréalières et le maraîchage, d'autant plus que l'élevage du poulet de ferme est conçu à la fois pour assurer une partie de la consommation des ménages en œufs et en viande blanche et aussi une source de revenus pour certaines familles. Dans tous les cas de figure, les prodiges forestiers demeurent toujours méconnus pour beaucoup de Tunisiens, chez qui l'on a peut-être tordu, allègrement, le coup au désir d'évasion et de découverte des zones forestières où les habitants se sentent, à bien des égards, mutuellement solidaires, que ce soit en période de crise ou de fête. Leur credo est toujours vivace : «Aime ton voisin, veille sur lui comme il veille sur toi, mais laisse sa barrière en place». Les affaires de barrière et de frontières des terres constituent souvent, hélas, la principale pomme de discorde entre ces gens-là, et la justice est, à maintes reprises, saisie de ce type d'affaires pratiquement interminables et source de mauvais voisinage.