L'attaque terroriste à Kasserine continue à occuper le devant de la scène politique et médiatique nationale. Le gouvernement vient de prendre des «mesures préventives» gardées secrètes. L'opinion publique attend cependant des actes concrets et une réelle stratégie de lutte contre leterrorisme Maintenant que tout ou presque a été dit sur l'opération terroriste qui a ciblé le domicile familial à Kasserine du ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, l'opinion publique nationale attend toujours quelle réponse concrète vont opposer les autorités publiques aux semeurs de mort qui ont transféré leur vile besogne des montagnes de Chaâmbi et de Salloum vers la ville de Kasserine. Hier, les trois présidents, Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar et Mehdi Jomâa, ont réuni le Conseil supérieur de la sécurité pour évaluer l'opération terroriste de Kasserine. Au terme de la réunion, on apprend qu'«un train de mesures préventives ont été prises, notamment aux plans juridique et sécuritaire, en matière de lutte contre le terrorisme». Seulement, Ridha Sfar, ministre délégué chargé de la sécurité nationale, qui a fait cette déclaration ne livre aucune précision sur la nature de ces mesures ou sur leur contenu effectif. Certes, on est en droit d'invoquer le caractère confidentiel et hautement sécuritaire de ces mesures. Il reste, toutefois, que les Tunisiens ont besoin d'être éclairés sur ce que leur gouvernement envisage de réaliser sur le terrain, surtout que les déclarations et les révélations qui ont accompagné l'opération terroriste de Kasserine ont révélé plusieurs dysfonctionnements au niveau de la stratégie de lutte contre le terrorisme mise en place jusqu'ici. Faut-il imposer des «mesures dissuasives», comme n'a pas manqué de le relever Ridha Sfar dans sa déclaration, ou faut-il écouter, enfin, les spécialistes et les experts qui n'ont pas attendu que le gouvernement sollicite leur concours pour proposer leurs approches sur la meilleure stratégie à mettre en œuvre en vue d'extirper le cancer terroriste ? Une agence nationale de sécurité qui n'attend pas les ordres Président du conseil scientifique du Centre international des études stratégiques, sécuritaires et militaires, le Dr Fayçal Chérif estime que «les solutions à moitié ne mèneront à rien. La question est beaucoup plus profonde. On ne doit pas se limiter à la révision de la loi antiterroriste ou au renforcement de la coordination entre les corps sécuritaires, l'armée, la police et la garde nationale qui se consacrent actuellement à la lutte contre les terroristes, oubliant le corps de la douane dont le rôle est déterminant en matière d'éradication de la contrebande, levier fondamental de l'action terroriste». «Il n'y a pas d'autre solution que la création d'une agence nationale de sécurité dont les compétences seront totales. En plus clair, une institution dont les prérogatives commencent par le renseignement pour s'étendre à l'intervention sur le terrain, sans attendre les ordres de quiconque. L'agence dont nous préconisons la création ne se limitera pas uniquement à la lutte contre le terrorisme. Elle sera chargée de veiller à suivre toute action pouvant porter atteinte à la sécurité nationale: sécurité économique, contrebande, sécurité informatique, sécurité des aéroports, etc.», tient-il à ajouter. «Malheureusement, pour le moment, les insuffisances ou les échecs que tout le monde a décélés dans l'action de nos forces de sécurité reviennent à l'état de déchirement que vivent les corps sécuritaires auxquels on a confié la responsabilité de lutter contre le terrorisme. Nous attendons toujours les instructions pour pouvoir agir sur le terrain, nous ont assuré plusieurs cadres sécuritaires de terrain nous avouant qu'ils ne veulent pas prendre l'initiative de peur d'être désavoués par leurs supérieurs», précise encore le Dr Chérif. «Si le gouvernement veut nous écouter, nous sommes disposés à lui offrir notre expertise», conclut notre interlocuteur. Un appel ou une sollicitation qui rejoint les déclarations livrées à une TV privée par Mazen Cherif, spécialiste des groupes jihadistes. Il a, en effet, précisé qu'il a été chargé par le ministre de l'Intérieur d'élaborer une étude à caractère préventif sur les plans que les jihadistes pourraient préparer. «Malheureusement, au bout de six mois de réflexion, il a été mis fin à ma mission sans que je ne reçoive aucune explication plausible», a-t-il révélé. Reste ceux qui continuent toujours à appeler au dialogue avec les terroristes, estimant que leur retour à la juste voie est encore possible. Il est affligeant de voir que beaucoup de chaînes et de médias leur ouvrent leurs antennes et leurs colonnes et leur donnent l'opportunité de professer leurs visions, sous le faux prétexte de l'opinion et de l'opinion contraire, comme s'il s'agissait d'un débat d'idées ou d'approches intellectuelles.