Beaucoup de constitutionnalistes reprochent à l'instance ses décisions qu'ils jugent pas convaincantes Plusieurs experts ont relevé des irrégularités dans les décisions de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, qui a rejeté la semaine dernière l'ensemble des recours relatifs à la loi électorale. "Après lecture des décisions de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, nous avons constaté des manquements profonds, que ce soit au niveau de la forme, des procédures ou du fond", a déclaré le député et universitaire Fadhel Moussa, lors d'une journée d'étude organisée avant-hier à Tunis par l'Association tunisienne de droit constitutionnel comparé et de droit international, en collaboration avec la fondation allemande Konrad-Adenauer. L'instance en question avait rejeté les recours concernant l'exclusion des sécuritaires et des militaires du vote, la question de la parité horizontale sur les listes électorales, le découpage des circonscriptions électorales, la caution financière des candidats à la présidentielle, ainsi que le contentieux relatif aux listes des électeurs. Mauvais usage de la constitution L'ancien doyen de la faculté des Sciences juridiques de Tunis estime que les décisions sont «médiocres et ne sont pas dignes de la plus haute instance juridique du pays en cette phase de transition». Selon lui, l'argumentaire justifiant les décisions de l'instance n'est pas assez solide, en témoigne l'usage d'un certain nombre d'articles de la nouvelles constitution qui, par essence, n'entrent en vigueur qu'après les prochaines élections. «Qu'elle soit temporaire ou pas, et quoi qu'on en dise, cette instance provisoire dispose des prérogatives d'une cour constitutionnelle, a-t-il ajouté. Ses décisions sont d'une extrême gravité, sachant qu'il y a eu des interprétations très discutables de certains articles de la constitution». Fadhel Moussa soupçonne l'instance d'avoir pris la décision préalable de rejeter l'ensemble des recours. «Cette instance semble influencée par la situation transitoire, qui lui dicte de ne pas perdre du temps en prévision des élections, a-t-il précisé. Ce type de raisonnement n'est pas celui d'une cour constitutionnelle». De son côté, la présidente de l'Association tunisienne de droit constitutionnel comparé et de droit international, Mouna Kraiem Dridi, a critiqué la composition même de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, jugeant que la moitié de ses membres sont nommés directement ou indirectement par le chef du gouvernement. Selon elle, cela crée "un déséquilibre" à l'intérieur de l'instance. Toutefois, elle estime que l'indépendance des juges constitutionnels et de la justice en général dépend beaucoup plus des qualités propres des juges que de la partie qui les nomme.