Le gouvernement Jomâa a franchi le pas en décidant la fermeture du poste frontalier de Ras Jedir pour que la Tunisie «ne se transforme pas en terre d'asile» et pour que le scénario de 2011 ne se reproduise pas. En attendant, Marzouki cherche toujours un remplaçant au général Mohamed Salah Hamdi Avec les événements douloureux qui se déroulent en Libye depuis plus de deux semaines et avec les analyses des experts qui se disputent la qualification de la situation dans ce pays voisin (guerre civile, désobéissance généralisée, guerre de bandes armées, guerre de rue, etc.), il est une réalité que personne n'est plus en mesure de contester : le pays voisin a bel et bien sombré dans le chaos et nul ne peut plus prédire de quoi sera fait l'avenir des Libyens. Seulement, il est aussi une réalité affligeante : ce qui se passe en Libye ne concerne pas uniquement les Libyens dans la mesure où il touche directement la Tunisie. Et l'affluence massive des Libyens sur le poste frontalier de Ras Jedir, des étrangers y travaillant et des Tunisiens qui y résident fuyant les massacres de démontrer que la Tunisie et les Tunisiens vivent intensément la tragédie qui terrasse ce pays voisin depuis que les terroristes jihadistes ont décidé d'en faire leur fief sur la voie de la création de leur Etat qu'ils présentent comme l'Etat islamique providentiel comparativement à ce qui se passe en Irak et en Syrie. Reste à savoir comment le gouvernement Jomâa se comporte-t-il face à cette nouvelle donne dans un contexte national et régional le moins qu'on puisse dire sensible et truffé d'embûches et dans un paysage politique local caractérisé par la suspicion, la division et la discorde sur la meilleure stratégie à mettre en oeuvre en vue d'affronter, avec l'efficacité et la célérité requises, l'hydre terroriste installé aux Jebels Chaâmbi, Sammama et Ouergha et présent aussi dans nos villes, à travers les cellules dormantes qui attendent les instructions pour agir. La cellule de crise présidée par le chef du gouvernement en personne a beau multiplier les décisions en vue de maîtriser la situation : évacuation immédiate des Tunisiens résidant en Libye, aide aux étrangers bloqués sur la frontière tuniso-libyenne pour qu'ils rejoignent leurs pays le plus tôt possible, sécurisation des frontières ; ce sont là les mesures prises pour que «la Tunisie-comme l'a précisé clairement le chef du gouvernement - ne soit qu'une zone de transit et non pas une terre d'asile en raison de la situation délicate que traverse le pays». En d'autres termes plus concis, ce qui s'est passé en 2011 lors de la révolution libyenne ne se reproduira pas. Le ministre des Affaires étrangère Mongi Hamdi l'a clamé haut et fort : «La Tunisie n'est pas en mesure d'accueillir à l'heure actuelle les centaines de milliers de Libyens et d'étrangers qui y cherchent refuge en fuyant les bombes des terroristes et les massacres qu'ils commettent dans l'impunité totale». Malheureusement, le discours réaliste professé au niveau de La Kasbah est confronté à la sourde oreille du palais de Carthage où Moncef Marzouki, le président provisoire, continue à s'opposer, pour des raisons qu'il présente comme humanitaires et relevant de l'essence même des droits de l'Homme, à la fermeture des frontières tunisiennes face aux flux de plus en plus considérables de réfugiés qui cherchent à entrer dans notre pays. Qu'importe les intérêts stratégiques de la Tunisie menacés par ces centaines de milliers de fuyards, quel crédit accorder aux avertissements exprimés par les experts ou spécialistes qui attirent l'attention sur la possible infiltration parmi le flot des réfugiés des jihadistes tunisiens qui sont partis préparer leur guerre contre l'Etat tunisien dans les camps d'entraînement en Libye et qui ont reçu les instructions pour rentrer et se terrer dans l'attente des ordres de la part de leurs commanditaires. Pour Marzouki, l'essentiel est de se comporter en défenseur ardent des droits de l'Homme, plus particulièrement celui du droit à l'asile, même si l'intérêt national est menacé et même si «les infiltrations explosives» attendues (voir l'article de Mohsen Zribi dans notre édition du vendredi 1er août 2014) qui pourraient englober également les jihadistes libyens risquent de chambarder de fond en comble la stratégie d'éradication de l'hydre terroriste mise en œuvre jusqu'ici. La discordance entre La Kasbah et Carthage sur cette question cruciale a été reconnue officiellement par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mokhtar Chaouachi, qui a souligné que «les avis exprimés au sein de la cellule de crise ne vont pas toujours dans le même sens», ce qui revient à dire que Marzouki a bel et bien une approche autre que celle prévalant à la présidence du gouvernement. Et maintenant la question qui se pose d'elle-même : en suivant les événements qui n'augurent rien de bon (accrochages à Jendouba, région d'El Fouzaia) entre un groupe d'extrémistes et les forces de sécurité, échange de tirs à Fernana, publication sur Internet par Ansar Echaria d'une déclaration appelant les forces de sécurité à abdiquer, etc.), comment nos forces armées et de sécurité intérieure vont-elles procéder pour poursuivre la lutte contre les terroristes, rétablir la confiance des Tunisiens ébranlée ces derniers jours par cette fâcheuse campagne de dénigrement menée contre l'institution militaire et contribuer à maintenir vivace la mobilisation populaire face à la nébuleuse terroriste? En attendant, il faut bien que Marzouki trouve un remplaçant au général Mohamed Salah Hamdi démissionnaire de ses fonctions de chef d'état-major de l'armée de terre et premier responsable de la lutte antiterroriste ? La liste des candidats est sur le bureau du président qui fait durer le suspense.