La loi autorise-t-elle Béji Caïd Essebsi à accepter l'offrande de ses amis émiratis ?Et si les autres politiciens suivaient l'exemple du président de Nida Tounès et mobilisaient leurs amitiés qui n'attendent que leur feu vert pour les inonder d'aides et de subventions innocentes ? S'agit-il d'un cadeau personnel offert par le gouvernement des Emirats arabes unis à Béji Caïd Essebsi et en contrepartie de quels services rendus ? La question s'est posée avec insistance à la suite des révélations parues sur les réseaux sociaux indiquant que les Emirats arabes unis ont offert deux voitures blindées au président de Nida Tounès en vue d'assurer sa protection, eu égard aux menaces terroristes à répétition en cette période particulière où tous les politiciens se trouvent sous les balles des jihadistes. Et on s'attendait à ce que Nida Tounès infirme l'information, mais il l'a bien confirmée tout en précisant que «ce sont d'anciennes et de solides amitiés au sein de l'Etat émirati qui ont pris l'initiative de fournir les deux voitures blindées au président du parti en vue de renforcer sa sécurité personnelle et celle du groupe sécuritaire l'accompagnant dans ses déplacements et lors de ses activités». Et le bureau de presse du parti d'ajouter: «L'opération s'est déroulée conformément aux procédures légales en vigueur et les pouvoirs compétents en ont été informés». Ce qui revient à dire que les pouvoirs publics autorisent que des chefs de partis politiques reçoivent des cadeaux personnels de la part de pays étrangers. Et les supputations et les interrogations de pleuvoir sur les réseaux sociaux et parmi l'opinion publique et les observateurs suivant l'évolution de la scène politique nationale à moins de deux mois du démarrage de la campagne électorale en prévision des législatives prévues pour le 26 octobre prochain. Si ses amis émiratis fournissent à Si El Béji deux voitures blindées, qu'est-ce qui les empêcherait de lui accorder une assistance financière en signe de soutien actif au processus démocratique dont Nida Tounès défend, bec et ongles, les couleurs ? Si le président de Nida Tounès accepte l'offrande émiratie et que personne n'élève la voix pour crier au scandale en dénonçant l'argent étranger coulant pour canaliser, à souhait, les prochaines élections, pourquoi s'étonner que d'autres amis prennent Si El Béji en exemple et mettent à la disposition de leurs alliés tunisiens les subsides dont ils ont besoin pour s'offrir les meilleures chances de remporter le maximum de sièges au sein de la future Assemblée des députés du peuple ? On a ouvert une porte Autant d'interrogations que La Presse a soumises à l'appréciation de certains acteurs du paysage politique et civil national pour sonder leurs réactions face à un phénomène qui risque de tout dévaster si l'on ne prend pas la courageuse décision d'y mettre un terme avant qu'il ne soit trop tard. qu'il sera difficile de refermer Pour Riadh Ben Fadhl, secrétaire général du parti Al Qotb et membre du Front populaire, «accepter une aide à caractère sécuritaire d'un pays étranger est, le moins qu'on puisse dire, incompréhensible. Je ne sais pas si la loi tunisienne permet que des responsables politiques reçoivent de tels cadeaux ou offrandes. Et même si c'est le cas, il faut y mettre un terme immédiatement. Tout simplement parce qu'en ouvrant cette porte, il sera impossible de la refermer. Si El Béji, dont l'expérience, le tact et la sagesse ne sont plus à prouver, a bel et bien commis une erreur même si on cherche au niveau du parti à faire passer la pilule que ce sont les amis émiratis qui ont pris l'initiative et qu'on ne pouvait pas les offenser en refusant leur cadeau. Si El Béji est finalement faillible comme tous les hommes». La loi est bien claire Jawhar Ben M'barek préfère répondre aux questions de La Presse en sa qualité de professeur de droit constitutionnel pour insister sur la dimension juridique de l'affaire. «S'il s'agit d'un don de la part de l'Etat des Emirats, il existe deux empêchements légaux l'annulant. D'abord, le décret-loi sur l'organisation des partis politiques empêche absolument le financement étranger. Ensuite, la loi électorale actuelle est également contre le financement étranger et prévoit des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui y ont recours. Au cas où des personnes privées seraient les donateurs des deux voitures blindées, le décret-loi sur les partis politiques ne les empêche pas d'y recourir, mais dans le cadre d'un plafond déterminé à l'avance. Dans tous les cas, si les deux voitures sont utilisées lors de la campagne électorale, l'on peut considérer qu'il s'agit d'une certaine forme de financement étranger de la campagne électorale, ce qui est absolument interdit, que ce soit de la part des Etats ou des personnes privées», tient-il à souligner. C'est à la Cour des comptes d'intervenir Du côté de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), une source autorisée précise : «Le contrôle du financement des partis est du ressort de la Cour des comptes. L'Isie ne peut intervenir que quand Béji Caïd Essebsi présente officiellement sa candidature à l'élection présidentielle et qu'il utilise les deux voitures en question lors de sa campagne électorale. De toute façon, l'Isie a mis en place un mécanisme de contrôle général et notre mobilisation demeure de mise en vue de dévoiler, à temps, les éventuelles infractions».