A la suite d'une dispute, une jeune femme a été maltraitée par des policiers au centre de la capitale devant de très nombreux témoins Il était environ midi sur l'avenue Bourguiba à Tunis, mardi 12 août, lorsque Fadil Aliriza, un journaliste américain, a entendu des cris de femme. «On l'entendait depuis le Grand Café où j'étais installé», raconte le journaliste. Il s'est approché de la foule qui s'était formée au milieu de l'avenue et a vu une jeune Tunisienne d'une vingtaine d'années se battre avec une femme policière. Cette dernière «l'a frappée d'une claque violente, puis elle lui a tiré les cheveux». Les gens présents autour de la scène se sont énervés contre la policière : «Honte à toi», criaient-ils. D'autres agents de l'ordre ont cherché à disperser la foule en assurant que tout allait bien. La jeune femme hurlait, «elle avait l'air traumatisée», témoigne le journaliste. «Elle leur disait ne me touchez pas, lâchez-moi», affirme Ghaya Ben Mbarek, une étudiante en relations internationales également témoin de l'incident. Selon elle, plusieurs voitures de police sont arrivées en renfort. Puis, Fadil Aliriza assure qu'un groupe de policiers l'a prise par le bras et s'est dirigé vers le poste de police de la rue Mohamed El Aziz Taj, à quelques pas de là. Sur le chemin, le journaliste a vu un policier en civil lui donner un coup de poing; «la femme policière et ses collègues lui tiraient aussi les cheveux et la poussaient tandis qu'elle continuait à hurler». «Je leur demandai : qu'a-t-elle fait ? Je suis journaliste, pourquoi la frappez-vous?», raconte-t-il. Mais la présence du reporter n'a pas dissuadé les policiers. Dans une ruelle à droite du poste de police, la jeune femme a reçu de nouveau des coups de la part de la policière avec qui elle s'est disputée au début. «Ça ne vous regarde pas, vous ne savez pas ce qu'elle a fait», a fini par répondre un agent. Le démenti de la police «Si elle a été frappée, c'est qu'elle était fautive», nous affirme-t-on au poste de police mercredi avant de nous demander de partir. «Nous n'avons rien à vous dire», s'emportent alors les agents du poste de la rue Mohamed El Aziz Taj. «Ça n'arrive jamais, on ne frappe pas les femmes», assure un policier de l'avenue Habib-Bourguiba en souriant. D'autres agents nient en bloc qu'un tel évènement ait eu lieu, sans même essayer de se renseigner auprès de leurs collègues. Certains finissent par se souvenir de l'incident : «C'était une bagarre de femmes», raconte une autre femme policière, «ça a dégénéré». Pour tous les agents évoquant l'incident, c'est la jeune femme qui a déclenché les coups, «elle est folle», ont-ils répété plusieurs fois. Au poste de police, jeudi, le chef adjoint a nié les violences : «Il s'agit d'une folle, nous l'avons envoyée directement à l'hôpital psychiatrique de La Manouba». Mais aucune trace de son passage n'a été conservée selon les policiers qui donnent simplement son prénom : Latifa. A l'hôpital psychiatrique Razi de La Manouba, aucune personne du nom de Latifa n'a été accueillie depuis le 12 août. L'établissement assure par ailleurs qu'il est impossible d'interner une personne aussi facilement. «Soit la personne se présente en consultation volontairement, soit elle est transférée sous ordre formel du procureur de la République», a expliqué le directeur de l'hôpital Chafik Abdeltif. Une procédure judiciaire, donc, qui n'aurait pas pu être effectuée en un jour. Psychologiquement fragile ou non, la jeune femme a été victime de la violence policière en plein centre de la ville à une heure d'affluence, selon plusieurs témoins. En toute impunité.