Toutes ces opérations se classent justement dans ce qu'ils appellent la déstabilisation en cette période sensible de l'histoire du pays C'est hier que le ministre de l'Intérieur a annoncé le déplacement de groupes terroristes vers la région du Kef. Il a ajouté, dans une déclaration radiophonique, que les villes de Jendouba et de Kasserine, donc la région du nord et du centre ouest du pays, sont menacées par des attaques terroristes. La déclaration de Lotfi Ben Jeddou intervient après un formidable coup de filet opéré par les services spéciaux, en coordination avec les renseignements généraux, ces derniers jours. Malgré cette opération d'envergure, peut-être la plus importante depuis que la lutte « sérieuse » contre le terrorisme a commencé, et malgré le démantèlement de cellules d'appui logistique, financier, de recrutement et de communication, il est évident que les capacités de frappe et de mobilité des terroristes semblent intactes. Ces barbus hirsutes, contrairement à ce qu'on peut croire, ont de la méthode. Cela nous rappelle la célèbre citation de Jean-Pierre Filiu, universitaire français, historien et spécialiste de l'Islam contemporain, qui a dit un jour : « Dans le terrorisme, il faut raisonner en termes de flux, et non en termes de stock ». Pourquoi ? Parce que le flux se renouvelle indubitablement, contrairement au stock, qui peut être nettoyé, vidé une bonne fois pour toutes. C'est, hélas, l'histoire de la Tunisie avec le terrorisme, et l'histoire de toute la terre avec ce fléau. Neuf en état de fuite Après vérification avec Sofiane Selliti, procureur adjoint de la République, porte-parole du ministère public, il déclare à La Presse que dans la dernière opération, 28 individus ont été identifiés : 19 sont en garde à vue, dont douze mis en examen par le juge d'instruction. Mais neuf sont encore en état de fuite. Voilà qui expliquerait une partie du mystère. Seulement deux jours après la conférence de presse du ministère de l'Intérieur, présentée avec organigramme et portraits à l'appui, les terroristes, privés d'une partie de leurs chefs, parviennent à effectuer des déplacements et le font savoir. Leur capacité de nuisance, ajoutée à cet esprit de défi belliqueux, n'a pas été entamée manifestement. Au fait, comment parviennent-ils à se déplacer aussi facilement dans le pays ? Un pays de plaine ! Mis à part les quelques monts dont le point culminant est celui de Chaâmbi, avec 1.544 m. Et si la Tunisie était une terre montagneuse, quel aurait été notre sort ? Au milieu de l'équipement électronique, quantité d'argent et toutes sortes de matériel saisis, il y avait bien en vue le fameux livre, en photocopie, « Idarat Ettawahoch », traduit par les Américains par «Management de l'ensauvagement », qui peut signifier tout simplement : comment créer le chaos. Le démantèlement spectaculaire des forces spéciales qui a établi le lien organique reliant la Katiba, « brigade » Okba Ibn Nafaâ, à l'organisation Ansar Echaria, a révélé également l'imminence d'un attentat à la voiture piégée, doublé d'un assassinat politique. Toutes ces actions se classent justement dans ce qu'ils appellent la déstabilisation du pays, précisément en cette période sensible. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur leur a répondu que, pour ce qui est de l'opération électorale, « nous sommes prêts, plus de 50 mille policiers seront déployés, en plus de l'armée »... Comprenez : n'y comptez pas ! Cela étant dit, et malgré l'ampleur de l'opération et l'interpellation de dirigeants terroristes de premier rang, les deux groupes ne sont pas neutralisés, ni privés de leurs moyens. La tristement célèbre Fatma Zouaghi, brillante étudiante en médecine, était l'un des maillons de transmission entre le dirigeant d'Ansar Echaria, Abou Iyadh, le Tunisien, et celui de la Katiba Oqba Ibn Nafaâ, l'Algérien Khaled Chaieb. Des ramifications qui s'étendent de part et d'autre du territoire national et qui rendent la lutte antiterroriste autrement plus ardue. Au final, les terroristes infestent les montages, mais sont également nichés dans les quartiers. La stratégie de petite prime offerte pour toute dénonciation prouvée pourrait être en cette période d'une grande efficacité.