Inhumation de 775 victimes récemment identifiées SREBRENICA, Bosnie (Reuters) — Plusieurs centaines de milliers de musulmans bosniaques ont assisté dimanche à l'inhumation de 755 victimes du massacre de Srebrenica récemment identifiées, quinze ans après les faits. Le 11 juillet 1995, les forces serbo-bosniaques emmenées par le général Ratko Mladic s'emparaient de cette ville de l'Est de la Bosnie, que l'Onu avait déclaré "zone de sécurité". Malgré la présence de 400 Casques bleus néerlandais, près de 8.000 musulmans allaient être exécutés dans ce qui est considéré aujourd'hui comme le plus grand massacre commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Hier, les cercueils drapés de vert, sont passés de main en main avant d'être portés en terre. Des femmes en pleurs murmuraient des prières, agenouillées près des tombes de marbre blanc. "Il ne me reste rien", confie Hatidza Mehmedovic, 58 ans, en larmes, venue enterrer son mari et ses deux fils, tués à l'âge de 18 et 21 ans. "Maintenant je peux seulement me battre pour que justice soit faite", ajoute-t-elle. Un Croate de Bosnie, Rudolf Hren, a subi en 1995 le même sort que des milliers de ses voisins non Serbes et était le seul à être enterré dimanche selon le rite catholique. "Rudolf est enterré aux côtés de ses amis avec qui il est resté jusqu'au dernier jour", explique sa mère Barbara Hren, qui a perdu un autre fils lors des massacres. Mladic et l'ancien président bosno-serbe, Radovan Karadzic, ont été inculpés de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Karadzic, jugé actuellement à La Haye, a rejeté tous les chefs d'inculpation, y compris celui relatif à Srebrenica. L'Union européenne a fait de l'arrestation de Mladic une étape clé en vue d'une adhésion de la Serbie, où il pourrait se cacher. "Karadzic est devant la justice et il est important que ce procès se termine et que justice soit faite, mais il est encore plus important que le commandant des forces serbes responsable de ces meurtres comparaisse devant la justice", a déclaré Stephen Rapp, ambassadeur itinérant des Etats-Unis en charge des crimes de guerre. Après le massacre, les Serbes avaient jeté les corps des victimes dans des charniers avant de les déplacer à l'aide de bulldozers dans des tombes plus petites pour tenter de dissimuler l'ampleur des faits. Plus de 3.700 victimes ont été inhumées au Mémorial de Srebrenica-Potocari après avoir été extraites des charniers et identifiées. Les autorités sont toujours à la recherche de restes humains déposés dans des tombes anonymes, comme celle découverte en juin dans le village de Zalazje, où des experts ont trouvé jusqu'à présent les restes de six victimes. Le massacre continue de peser sur la vie politique bosniaque, marquée par les divisions entre Serbes, musulmans et Croates. Les musulmans reprochent à la communauté internationale de n'avoir rien fait pour empêcher le massacre. En amont du cimetière, les survivants, épaulés par une ONG allemande, Zentrum Politische Schönheit (Centre pour la beauté en politique) ont placé une affiche sur laquelle on peut lire "Onu pilier de la honte" pour dénoncer l'édification prochaine d'un monument censé illustrer le rôle de l'Onu dans ces événements. Le monument, constitué de deux lettres géantes "UN" (pour ONU), fera huit mètres de haut et rassemblera plus de 16.000 chaussures, symbolisant les victimes. La porte-parole de l'ONG allemande, Merima Spahic, a indiqué qu'il servirait de "métaphore de l'immense trahison de l'Onu en Bosnie qui n'est pas parvenue à protéger les victimes."