La nouvelle loi pour l'encouragement du mécénat culturel en Tunisie est considérée comme un exploit par les ministères de la culture, de l'Economie et des finances, qui ont été à l'origine de sa promulgation. Le samedi 5 juillet 2014, M. Mourad Sakli, ministre de la culture, a annoncé, lors d'une conférence de presse, que des mesures seront adoptées pour encourager le mécénat culturel en Tunisie, et ce, dans le cadre de la loi de Finances complémentaire. Celle-ci prévoit une déduction fiscale pour les entreprises et les personnes physiques qui s'engagent à soutenir les activités culturelles et artistiques. Ce mécanisme, a-t-il dit, permettra de financer les activités culturelles, particulièrement dans les régions, et de leur accorder une certaine autonomie financière de gestion. Lors d'une séance plénière, qui s'est tenue le lundi suivant, l'Assemblée nationale constituante a examiné et approuvé cette nouvelle loi qui stipule que tout investissement sera exonéré de l'assiette imposable à hauteur de 100%. Le mardi 2 septembre 2014, une deuxième conférence de presse a eu lieu au musée du Bardo, sur le lancement de la campagne de sensibilisation au mécénat culturel en Tunisie, en présence du ministre de la culture et du ministre de l'Economie et des finances, M. Hakim Hamouda. Ce dernier a affirmé que cette loi concernant le mécénat culturel en Tunisie est la plus avant-gardiste de toutes celles qu'il a connues. M. Sakli, quant à lui, a déclaré que le développement du mécénat constituera une nouvelle source de financement. Et ce sont les institutions culturelles qui, d'après lui, bénéficieront des premiers mécènes qui émergeront suite à la promulgation de cette nouvelle loi. Le ministre de la culture a, par ailleurs, annoncé qu'une commission de mécénat sera mise en place au sein du ministère de la culture, et sera représentée par le ministère de tutelle, le ministère de l'Economie et des finances et la banque centrale. Elle aura pour rôle d'identifier le projet (culturel ou non), sans pour autant avoir un droit de regard sur le contenu. Autant cette nouvelle loi fait le bonheur des acteurs culturels et des artistes, autant elle suscite leurs interrogations : Pour que cette loi soit effectivement applicable, ne nécessite-t-elle pas un décret d'application ? Quelle stratégie a-t-on mis en place pour évaluer l'impact réel de cette loi et de sa pertinence ? Qui est concerné par cette loi donnant droit au mécénat déductible ? Le mécénat se traduit par le versement d'un don. Quelle serait sa forme ? En numéraire, en nature ou en compétence ? Faut-il une convention de mécénat qui fixerait les modalités entre bénéficiaire et donateur ? Le mécénat ne doit-il pas être clairement distingué du parrainage (sponsoring en anglais) ? Quelles sont les procédures liées à l'exonération ? A-t-on prévu des plateformes, web ou autres, pour mettre en relation des acteurs culturels et des entreprises ? Quels sont les critères de jugement de la commission de mécénat ? Dans quelles conditions, cette commission se réunira-t-elle et selon quel calendrier ? Comment vérifier l'éligibilité d'un projet ? A qui ou à quoi doit-on avoir recours en cas de non-acceptation des projets proposés? Et, puisqu'il est question de privilégier les régions qui souffrent d'un manque flagrant d'infrastructures culturelles et de ressources financières pour leurs activités, a-t-on prévu une décentralisation, au niveau administratif, pour que le promoteur d'un projet culturel puisse déposer son dossier, le suivre, le défendre et faire valoir son droit aux avantages accordés par cette loi, sans être obligé de se déplacer ? Le 3 septembre 2014, un jour après la conférence de presse, ne trouvant pas de réponse à leurs questions, des cinéastes ont fait circuler sur le net, une pétition, réclamant un décret d'application. On en est aujourd'hui à plus de 195 signatures. Les signataires disent qu'il y a «silence radio» de la part des autorités concernées. Ne risquent-ils pas de conclure que cette loi, annoncée comme un exploit, n'est qu'un effet d'annonce ? Le ministère de la culture assure, toutefois, que le projet de développement du mécénat en Tunisie ne l'empêchera pas de continuer à faciliter l'exercice culturel et artistique et à financer des projets. Quant au «silence radio» sur les procédures concernant le mécénat, il sera bientôt rompu par une série d'informations et un guide de démarches à suivre, qui paraîtront sur le site du ministère de la culture. De toutes façons, nous dit-on, cette loi est un acquis. Elle est applicable et rétroactive.