A 44 ans, Yacine Channoufi donne l'air d'être plus jeune. Cet ex-cadre de la douane, devenu l'un des plus puissants sponsors de l'association sportive du Club Africain, cache derrière son regard bon enfant et son flegme «british» une confiance en ses moyens, une farouche détermination à relever les défis et une témérité de kamikaze. La preuve est qu'il a «osé» se présenter à l'élection présidentielle, en dépit du lourd déficit qu'il traîne en matière de politique. Entretien. D'aucuns savent que vous êtes étranger aux affaires de la politique. Qu'est-ce qui vous a encouragé à présenter votre candidature à la présidentielle ? A la faveur de ma double formation militaire et douanière, j'ai appris à relever les défis. Et là, laissez-moi vous révéler que si j'ai décidé d'aller aux urnes malgré mon inexpérience politique, c'est tout simplement parce que ceux qui ont dirigé le pays depuis la révolution du 14 janvier 2011 accusent le même déficit en la matière. Et pourtant, tout le monde sait que vous vivez aisément en Europe. N'est-ce pas, dès lors, un saut dans l'inconnu que vous avez effectué ? Qu'à cela ne tienne. Effectivement, ma situation professionnelle à l'étranger est, Dieu merci, des plus aisées, grâce aux sociétés que j'y ai créées. Mais, cela ne m'a nullement empêché de tenter l'aventure, d'abord parce que je suis, de nature, l'homme des défis, ensuite parce que j'ai la conviction inébranlable que servir son pays est un devoir sacré, quitte à consentir des sacrifices et à ne pas sortir vainqueur des urnes. On dit que vous faisiez partie du clan des Trabelsi, au temps de l'ancien régime. N'estimez-vous pas que cela risquerait d'être un handicap majeur lors du décompte final ? C'est vrai que j'avais collaboré avec les Trabelsi. Mais je dois préciser que notre partenariat était circonscrit, en toute transparence, au secteur du poisson. Un point à la ligne. Et les activités de contrebande ? Ce sont, croyez-moi, des rumeurs stupides et sans fondement. La preuve est que je suis devant vous, en chair et en os, sans avoir fait l'objet de la moindre poursuite judiciaire, depuis mon retour au pays. Quelles sont vos impressions après vos premières visites à travers le pays ? Après avoir sillonné les régions de Gafsa, Tozeur et Bizerte, dans le cadre de ma campagne électorale, quelle ne fut ma peine en constatant, de visu, combien ces régions souffrent. Cela va de la pauvreté au chômage, en passant par les insuffisances criardes dans les domaines de l'infrastructure, de la santé, de l'eau et de l'environnement. Mon père qui, en 1973, travaillait à Gafsa m'en avait déjà longuement parlé. 41 ans après, le décor est hélas encore là, maussade, lugubre, triste. En cas d'accession à la magistrature suprême, seriez-vous capable de nous faire oublier ces misères ? Je n'ai pas une baguette magique, mais si je venais à être intronisé au palais de Carthage, je pense sincèrement que mon programme électoral pourrait servir à quelque chose. En effet, ce programme est essentiellement articulé autour des axes suivants : la jeunesse, l'infrastructure, l'emploi, la santé, le tourisme, la décentralisation et la coopération internationale. A propos de ce dernier volet, je ferai tout pour ramener les investisseurs étrangers (surtout les Chinois et les Japonais), pour conquérir d'autres marchés mondiaux pour nos produits destinés à l'exportation. Parallèlement, j'œuvrerai pour une meilleure ouverture sur le marché algérien, dans le cadre d'un partenariat plus solide qui mettrait surtout fin au phénomène de la contrebande qui est florissant aujourd'hui à nos frontières avec ce pays. Par ailleurs, je préconise la révision, vers plus de souplesse, de la loi pénale sur la drogue. Quelles sont vos chances de réussite dans la course ? Ma confiance est grande en le peuple tunisien qui doit opter pour la vague des jeunes politiciens libres, en vue de lendemains meilleurs. Ne pensez-vous pas que les dés sont déjà jetés avec la candidature de Béji Caïd Essebsi ? Avec tous mes respects pour tous mes concurrents, je crois que «Si Béji» a tort de croire qu'il a gagné d'avance, car je suis persuadé que le scrutin du 23 novembres sera des plus indécis.