Par Abou Khalil* Vous, les partis politiques... que vous soyez de gauche, de droite, du centre, islamiste, communiste, salafiste, novembriste ou que sais-je encore, comment avez-vous géré, deux ans durant, cette démocratie obtenue par le sacrifice de centaines de martyrs et de milliers de blessés ? Vous, les partis qui avez eu le pouvoir sur un plateau d'argent, sans avoir lancé un seul slogan, sans avoir fait le moindre geste et sans avoir participé, un tant soit peu, à la révolution de la liberté et de la dignité, Vous, les gens de la Troïka, qui avez confisqué à la jeunesse tunisienne «sa» révolution parce que innocente, ni calculatrice ni opportuniste, sincère, spontanée, non encadrée, désorganisée et sans arrière-pensée, Vous, les gens de la Troïka qui n'avez aucune expérience du pouvoir, vous vous êtes lancés, tête baissée et sans aucune étude préalable, sur cette «ghanima» (butin) qui, en fin de compte, n'a pas été facile à digérer, Vous, les politiques qui avez, à un moment ou à un autre, flirté ou essayé de flirter avec l'ancien régime, Vous, les politiques qui êtes, tous les soirs, sur les plateaux de télévision, en train de verser des larmes de crocodile sur le sort de la Tunisie et de son peuple, Vous, les politiques qui déclarez, à tous ceux qui veulent vous entendre, que vous n'êtes là que pour servir et sauver notre pays parce que vous seuls détenez la vérité, Vous, politiciens ambitieux qui courez, depuis toujours, derrière le pouvoir, ne pensez, surtout pas, que le peuple est si naïf que cela, Vous, pour la plupart, politiciens très classiques, vous nous avez démontré votre égoïsme et «rassurés» sur votre incompétence, Vous, les islamistes qui avez encouragé nos jeunes hommes et nos jeunes filles à partir pour le jihad en Syrie, dans l'espoir de mériter une place au Paradis, les premiers pour combattre des musulmans comme eux, les secondes pour le jihad ennikah, appuyé par une fatwa unique et qui n'a pas son pareil dans le monde musulman, qu'allez-vous répondre, à ce propos, demain, à vos semblables et après demain, à Allah ? Vous, les islamistes qui pensez introduire le wahhabisme en Tunisie, terre de l'Islam authentique, pays qui a donné des maîtres en théologie et dans les sciences de la religion, universellement connus et reconnus, vous croyez, en formatant nos petites filles dès l'âge de quatre et cinq ans, en leur faisant porter le niqab ou le hijeb, et en inculquant à ces anges, ce rite religieux importé d'ailleurs ? Même si ce n'est pas vous qui en êtes les maîtres d'œuvre, vous en assumez la responsabilité car, détenant le pouvoir, vous avez laissé faire ces cheikhs — de l'âge des ténèbres — des Kouttabs, mal ou pas du tout contrôlés ! Vous, les gens de la Troïka, quel est votre bilan après deux ans de pouvoir ? Vous, les partis au pouvoir, pourriez-vous nous dire, sincèrement, ce qu'a rapporté de positif, au peuple, cette belle révolution de la dignité et de la liberté, saluée aux quatre coins du monde ? Vous, les islamistes au pouvoir, pourriez-vous nous expliquer pourquoi : L'économie du pays est à plat (cherté de la vie, dépréciation du dinar, production du phosphate souvent à l'arrêt, hausse du chômage, etc.) ? Les arsenaux disséminés un peu partout dans le pays, alors que vous faisiez la sourde oreille aux nombreuses mises en garde ? Le terrorisme qui s'installe chez nous, alors que vous avez été, plusieurs fois, prévenus ? Les cadres valables, que ce soit dans les services sensibles de l'Etat (renseignements, sécurité, etc.) ou dans l'administration ont été mis à l'écart et remplacés par des partisans, militants certes, mais incompétents ? Notre belle Tunisie, jadis citée en exemple, le pays de Tahar Haddad, de Aboulkacem Chebbi, de Farhat Hached et de Habib Bourguiba, est retombée aussi bas et se trouve classée parmi les tout derniers ? Vous tous, votre bilan est remarquablement négatif. Messieurs les politiques, du gouvernement comme de l'opposition, par cette soif inassouvie du pouvoir vous avez déçu non seulement tous les Tunisiens et toutes les Tunisiennes, mais même nos amis étrangers qui ont été grandement surpris car, croyant en l'exception tunisienne, ils pensaient que l'élite de notre pays était bien différente de celle du monde arabe, où le maintien au pouvoir, coûte que coûte et quel qu'en soit le prix, est une question quasi génétique. Ils se sont, malheureusement, trompés. Vous, politiciens de tout bord, le peuple, qui vous a longtemps suivis et a cru en vous, vous demande de disparaître et de vous faire oublier parce que vous lui avez fait perdre un temps très précieux. Il vous démontrera qu'il est capable de régler ses problèmes. Il vous assure qu'en très peu de temps, il relèvera ce défi et le pays redeviendra la Tunisie que nous aimons et telle que nous l'avons toujours connue : rayonnante, prospère, parfumée et solidaire. *(Ancien cadre supérieur)