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Voilà pourquoi «Ettaghawel» ou l'omnipotence d'un parti, une politique-fiction, ne passera pas en Tunisie
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 11 - 2014


Par Chedly BEL HADJ*
Un mot est sur toutes les lèvres depuis juste après les dernières élections en Tunisie, un mot qu'on retrouve dans toutes les discussions, sur toutes les ondes de radios, sur tous les plateaux de TV, dans tous les journaux, mot repris par tous les férus et épris de la politique, qu'ils soient professionnels, amateurs ou simples citoyens curieux d'être au fait de ce qui se passe ou se trame dans les sphères semi-opaques mais toujours changeantes du monde et de la classe politiques. Ce mot, qui n'a pas tout à fait son équivalent en langue française, emploie une métaphore faisant appel à la puissance d'un ogre vorace («ghoul») qui mange tout et ne laisse rien aux autres rappelant Gargantua. Ce mot, «Ettaghaouel» doit être compris dans le sens de concentration, accaparement ou monopole excessifs et préjudiciables des pouvoirs entre les mains d'un parti politique, d'un clan, d'une caste ou d'une seule personne. Il a été utilisé par des politiciens, en particulier ceux qui ont été déçus par les résultats des élections législatives et qui se cramponnent à la scène en soulevant un nouvel épouvantail dans le mince espoir d'avoir une place au soleil
A mon humble avis, la concentration exagérée des pouvoirs, qu'appelle aussi hégémonie, prépondérance, ou encore omnipotence qui sous- entend la toute puissance, ne peut avoir lieu qu'avec la conjugaison de plusieurs facteurs dont les plus importants me semblent être les suivants:
1- Un système politique favorisant l'accaparement des pouvoirs
Un système politique permettant l'appropriation et peu à peu, l'appétit venant en mangeant, la confiscation des pouvoirs de leurs légitimes dépositaires (le parlement pour le pouvoir législatif, le gouvernement pour une partie du pouvoir exécutif). En dehors des régimes monarchiques de type autocratique où régnaient des rois dotés de pouvoirs absolus qu'on nommait ‘'rois despotes'', régimes relevant d'une période révolue hormis quelques rares cas qui survivent encore, il existe aujourd'hui des régimes républicains de type présidentiel où le président est à la fois chef de l'Etat et chef du gouvernement. Il est nanti de larges pouvoirs qui dépassent les pouvoirs ‘'normaux'' d'un président ‘'normal'' et on dit alors que le régime est «présidentialiste».
En vérité, ce genre de régime n'est généralement pas prévu dans la Constitution des pays, car il ouvre la voie vers l'accaparement des pouvoirs. Ce sont ‘'l'entêtement'' des faits et de la réalité du ‘'terrain'' qui l'imposent. Il peut être institué à la suite d'une forte instabilité dans le pays (exemples: troubles avec les pays voisins ou entre les ethnies et les tribus composant le pays ou prépondérance d'une tribu, etc.) ou à la survenance régulière de coups d'Etat comme il fut un temps en Amérique latine (on les appelle alors «pronunciamiento ‘') et en Afrique («putsh» pour les anglophones) où les exemples étaient légion ou, enfin, à l'apparition de très fortes personnalités au sommet du régime dotées d'un charisme et d'un prestige dus à une légitimité historique: héros de guerre, l'exemple de Winston Churchill qui n'était ‘'que'' Premier ministre dans une monarchie constitutionnelle de type parlementaire ; héros de guerre de libération, comme Charles de Gaulle, héros de lutte d'indépendance à l'instar de Bourguiba, Ben Bella, Houphouet Boigny, L.S. Senghor, N'Krumah, G.Sélassié, empereur d'Ethiopie etc.) ; ou enfin auteurs de révolution ( Mao Tsé Toung, Fidel Castro, J. Abdennasser, etc.).
2- Un goût immodéré pour le pouvoir.
Il est aussi des cas où la totalité des pouvoirs est confisquée par des politiciens qui utilisent les moyens démocratiques prévus par la Constitution (élections, cooptation, désignation par le parlement etc.), pour arriver au sommet de l'Etat et qui, sitôt investis, font tout pour changer les textes et façonner le régime à leur guise et selon leurs goûts. Ils ne sont plus ‘'présidents'' mais ‘'Führer'' (conducteur, guide, ex: Hitler) El Duce (guide, ex: Mussolini), le père de la nation (Staline), le Combattant suprême (Bourguiba), le Sauveur de la nation, le Guide de la révolution (Kadhafi, Saddam Hussein, etc.) avec des variantes dans la qualification du guide (suprême, unique, etc.), le père des Calmâtes (Ceausescu) ou même Empereur (Bokassa), jouant sur la fibre sensible, l'imaginaire de la population et sur les éléments fédérateurs: l'appartenance à la nation, son unité, sa grandeur, le péril et les dangers qui guettent le pays, etc.
Ces dirigeants ont en commun leur amour excessif pour le pouvoir et la puissance et leur tendance à diriger les affaires nationales de façon autoritaire et arbitraire devenant pour la plupart des dictateurs implacables et sanguinaires n'hésitant pas à éliminer leurs concurrents, souvent de proches compagnons de lutte et des parents, et à engager leur pays dans des guerres incertaines tout en ne sachant jamais tirer les leçons de leurs échecs répétés. Il semble que certains de ces despotes souffrent de maladies psychologiques: psychopathologie, psychose, paranoïa, et divers complexes et troubles, (Hitler, Idi Amine Dada, Pol Pot, etc.)
Enfin, il ne faut pas omettre de signaler que de nos jours encore, il peut apparaître même dans les sociétés les plus développées et de tradition démocratique bien ancrée des dirigeants exceptionnels qui, de par leur envergure, leur intelligence, leur savoir-faire et bien entendu leurs ambitions personnelles, profitent, avec l'assentiment et l‘admiration, voire l'adoration de leurs gouvernés, mais aussi avec la torpeur de ceux qui auraient dû réagir, de leur leadership, leur prestige et leur charisme pour s'approprier plus de pouvoirs que ce que la Constitution et les textes de loi leur ont accordé (de Gaulle, H.Bourguiba, J.F Kennedy, F.Mitterrand, M.Thatcher, E Berlusconi, etc.).
3- Absence ou dysfonctionnement des institutions et des structures officielles et officieuses jouant le rôle de ‘'gardes fous ‘' et de barrières aux dépassements et aux détournements des lois et des procédures réglementaires et aux excès et abus de pouvoir des gouvernants. L'inexistence de structures organisationnelles permettant le fonctionnement normal de l'Etat est plutôt rare dans un pays stable mais elle peut être constatée quand un coup d'état survient et entraîne la suspension des organes essentiels du pays: dissolution du parlement, cour ou conseil constitutionnel, conseil d'Etat, Tribunal administratif, etc. Le renvoi, si ce n'est pas l'élimination physique des opposants, des principaux chefs de l'armée, des corps chargés de la sûreté, etc. Le mauvais fonctionnement des institutions est, lui, le résultat de la mauvaise gestion des dirigeants entraînant affaissement de l'économie, corporatisme, favoritisme, laxisme, corruption, dégradation des mœurs d'un côté, mais aussi népotisme et dérive monopoliste ( ou monopolistique) du pouvoir de l'autre.
4- Torpeur et silence des médias en général
La presse et les journalistes ont bataillé dur pendant longtemps pour mériter le titre de 4e pouvoir, tant redouté par les sphères du pouvoir au point que certains journalistes peuvent faire et défaire des carrières (cas de l'affaire ‘'Watergate' et la démission du président Nixon) et sont à la fois craints et courtisés par le monde politique et deviennent même des ‘'vedettes'' auprès de l'opinion publique. Hélas, il existe aussi des journalistes qui oublient leur rôle essentiel et deviennent des ‘'marionnettes'' entre les mains des gouvernants et se mettent à ‘'enjoliver'' toute action d'une part et de flatter sans arrêt l'égo du chef et de chanter sans arrêt ses lauriers.
Quant aux autres médias, il ne faut pas mésestimer le rôle de la télévision avec ses reportages et ses documentaires qui marquent facilement l'esprit des téléspectateurs (ne dit on pas que l'image a remplacé l'écrit) et des réseaux sociaux nés avec l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (Ntic) dont l'Internet est le produit le plus remarquable. Ces réseaux, dont ‘'facebook'' et ‘'twitter'' sont les plus renommés, rendent tellement de services qu'on les confond avec des services publics et ont, paraît-il, dépassé l'influence de la presse écrite. Mais Internet et ses infinies applications, qui ont de plus en plus d'importance et d'influence dans la vie quotidienne, surtout auprès des jeunes possèdent de multiples inconvénients non moins importants: désinformation, usurpation d'identité, violations de la vie privée et des données personnelles, atteinte au droit à l'image, au droit à l'oubli, mais aussi arnaques, fraudes et escroqueries diverses.
5- Rôle insignifiant de l'opposition. Dans tout régime républicain se voulant être démocratique, le rôle normal des partis situés en dehors de la classe dirigeante est de s'opposer à celle-ci en contrôlant la conformité de leurs faits et décisions par rapport à la Constitution et aux textes de loi en vigueur et de dénoncer les dépassements et les détournements qu'elle relève en vue de les éviter s'ils n'ont pas été déjà commis et de les corriger et les sanctionner, le cas échéant.
Malheureusement, dans les sociétés à parti unique et les régimes autocratiques, les partis composant l'opposition ne jouent qu'un rôle décoratif et symbolique servant plus à embellir la façade du pouvoir, à faire l'éloge du dictateur et ses acolytes que de le critiquer et discuter ses choix dans l'intérêt de la patrie. Souvent, pour remplir ce rôle ô combien dégradant, ils acceptent des commissions peu élevées, des subsides, car cette tâche, comme la délation n'est jamais respectée ni par ses commanditaires et ses bénéficiaires qui en ont juste besoin pour améliorer leur image de marque et avoir les coudées franches ni par ceux qui la subissent et l'abhorrent.
6- Effacement et léthargie du tissu associatif, des groupes de pression et de personnes agissant à titre personnel, parce que proches de la source de l'information, ou d'intellectuels (historiens, écrivains, universitaires, etc.), pour stigmatiser et fustiger les fautes des gouvernants et leurs dépassements et dont le but est de tirer la sonnette d'alarme et d'attirer l'attention sur ces fautes et excès.
Ce manque de prise de conscience ne peut être que le résultat d'efforts soutenus sinon acharnés des gouvernants relayés par des collaborations prenant de multiples formes, venant même de l'étranger, servant à endormir et ‘'anesthésier ‘' le sentiment de rejet et de refus de l'injustice et des excès dont peut se rendre coupable la classe dirigeante du pays.
D'autres éléments peuvent être ajoutés aux facteurs sus-exposés pour créer des circonstances favorables à l'instauration d'une concentration des pouvoirs ou d'une dictature dans les pays encore ‘'jeunes'' souffrant de lacunes nécessitant beaucoup de temps pour disparaître complètement comme l'analphabétisme, la pauvreté, l'inexpérience et la fragilité de l'Administration, l'absence d'une classe intellectuelle, ou de faits naturels : sécheresse périodique, crises économiques, etc.
Des experts n'hésitent pas à rationaliser et à trouver une légitimation à ce typs de régime, au moins pendant une période, venant après le changement de régime comme une révolution ou l'indépendance pour permettre au pays de créer une administration et des structures nouvelles et efficaces et des pratiques démocratiques dans la société.
La situation actuelle en Tunisie permet-elle une hégémonie du pouvoir ?
Il faut maintenant vérifier si ces facteurs ou l'un d'entre eux s'applique à la situation actuelle de la Tunisie.
1- Le régime politique
Les régimes qui se sont succédé depuis la monarchie (Beylicat) imposée par les Ottomans dans les années 70 du 16ème siècle, la Tunisie n'a connu que des périodes où le peuple est toujours écarté du pouvoir. Jamais consultés, jamais associés, les Tunisiens ont vu défiler différents types de systèmes, du pouvoir sans partage du Bey à la dictature douce ou ‘'soft' 'mais éclairée de Bourguiba ‘'le Combattant suprême'' qui ne tolérait pas, malgré sa position prépondérante sur le pouvoir, l'opposition virulente venant de partis ou de chefs indociles à la dictature plus visible et plus ‘'costaud'' d'un général de l'armée reconverti un peu tard aux affaires civiles et à la politique.
Aujourd'hui, un régime de démocratie parlementaire est instauré par la Constitution de juin 2014, la 1ère depuis 1959, créant ainsi la 2e République de Tunisie après celle de 1957. La nouvelle Constitution n'a pas été enfantée par les députés en place avant la Révolution qui se contentaient de révisions et ‘'retouches'' sur commande et à la mesure du hôte du palais de Carthage d'alors mais le fruit d'un soulèvement du peuple, d'une véritable révolution avec ses morts et ses blessés. La nouvelle Constitution limite les pouvoirs du président dans le sens où ses domaines d'intervention sont bien déterminés même si la possibilité de présider les réunions du cabinet et d'y intervenir a été ajoutée à ses prérogatives et donc à sa faculté d'influer. A l'inverse, elle a augmenté les attributions du Parlement et du Premier ministre.
Peut-on oser penser que ce peuple frustré, meurtri et mis à l'écart pendant des siècles et des décennies va accepter un gouvernement qui va lui tourner le dos ou l'ignorer comme ses prédécesseurs? Il est permis d'en douter fortement.
2- Un goût immodéré pour le pouvoir
C'est connu, le pouvoir grise et change la personnalité et le comportement de certaines gens arrivées au pouvoir, pas toutes heureusement. Combien de personnes jugées faibles et sans envergure aucune se révèlent, une fois au pouvoir, de véritables dictateurs sans scrupules et avides de domination et de prépondérance sur les autres.
Néanmoins, ce risque est beaucoup plus faible quand les structures et les outils servant de garde-fous fonctionnent de manière optimale et peuvent alors dénoncer et empêcher toute volonté de dépassement ou d'usurpation du pouvoir au détriment de l'Etat et des citoyens.
En Tunisie, hormis les chefs des deux grands partis qui jouissent d'un charisme que les autres chefs de parti ne peuvent leur contester et qui, du fait de leur longue expérience et de leur âge, font preuve, quand il le faut, de sagesse et de modération mais aussi de doigté dans la direction de leur organisation et d'un sens de stratégie politique qui ne font qu'ajouter à leur prestige.
Compte tenu des qualités des deux chefs sus-visés, qui, actuellement, en Tunisie, peut prétendre se prévaloir d'une légitimité, même historique, lui valant de se proclamer au-dessus des lois ? L'arrivée d'un nouveau dictateur semble écartée tant que le pays avance dans la bonne voie, la voie démocratique.
3- L'absence d'institutions
Si notre pays a survécu aux troubles et à la situation de vide qui a immédiatement suivi la révolution de 2011 et n'a pas totalement sombré et ne s'est pas ‘'délabré'' ou carrément ‘'désintégré'' comme cela a été constaté à la même époque et pour les mêmes raisons, dans d'autres pays arabes, c'est dans une très large mesure grâce à la solidité des institutions tunisiennes qui ont continué de remplir leur rôle et d'assumer leurs responsabilités sans grand dommage.
A côté du devoir d'assurer la marche des rouages de l'Etat et de l'Administration, ces institutions ont été créées pour contrôler tant a priori qu'a posteriori la gestion des affaires publiques par les administrateurs de l'Etat. Certaines d'entre elles travaillent directement au sein du Premier ministère et des départements ministériels sous la forme de directions générales (du contrôle des entreprises publiques, des dépenses publiques, du contrôle de la gestion, de l'audit interne...), d'autres sous leur tutelle comme la Cour des comptes et le Conseil constitutionnel, supposés totalement indépendants.
En sus des institutions et des associations internes, il y a nombre de structures et d'organisations internationales, les unes spécialisées dans le contrôle du respect des droits de l'Homme et le suivi des pays dans leur cheminement vers la bonne gouvernance qui édicte et exige la transparence et la stricte application des lois internes et des conventions internationales qu'elles soient bilatérales ou multilatérales, les autres, expertes dans l'analyse, l'évaluation et la notation, entre autres, des performances économiques et le bon usage des crédits accordés par des organismes financiers spécialisés.
4- Rôle de l'opposition
Dans les pays à gouvernance démocratique fondée sur l'alternance au pouvoir, les partis politiques dans l'opposition jouent un rôle de contrôleur et de censeur et ne cherchent qu'à relever et ‘'épingler'' les fautes du parti aux commandes de l'Etat pour s'en servir le moment venu. En Grande- Bretagne, un gouvernement parallèle appelé ‘'cabinet fantôme'' est même constitué pour contrôler et remplacer celui en place, sans perdre de temps, quand l'occasion se présentera. Il n'échappe à personne que les partis de l'opposition en Tunisie, unis dans leur combat contre l‘oppresseur, ont été, avec d'autres, la centrale syndicale et surtout les masses, populaires, à l'origine de la révolution et ont dans une grande mesure participé à écrire la Constitution sous sa forme définitive et à construire et'' dessiner'' le régime et à imposer avec toutes les forces vives et les composantes du pays le processus démocratique sous l'égide, la responsabilité et la direction d'un ‘'Comité du dialogue national'' (entre la ‘'Troïka'' au pouvoir et l'opposition) dénommé ‘'le Quartet'' qui office toujours..
Qui pourra empêcher l'opposition de remplir à nouveau son rôle d'affronter le parti qui cherchera à imposer ses points de vue et sa politique sans tenir compte de l'intérêt bien compris du peuple et de la nation d'autant plus que la nouvelle opposition sortie des urnes lors des élections législatives, plus importante en nombre et plus compacte que celle de la période ‘'transitoire'', bénéficie de nouvelles prérogatives introduites par la nouvelle Constitution (interpellation et convocation des membres du gouvernement et même du président, dépôt d'une motion de censure, présidence de la Commission financière pour mieux contrôler les engagements et les dépenses publiques, etc.) à côté de celles déjà existantes.
5. Rôle de la presse.
A l'image de l'opposition, la presse a un rôle important dans la vie politique du pays, celui de commenter et de critiquer l'action du gouvernement et de mettre en exergue non seulement les bonnes décisions qu'il peut prendre mais aussi et surtout les mauvaises initiatives et les erreurs et les fautes qu'il peut commettre dans la gestion des affaires importantes, urgentes ou non, du pays.
Il n'est pas exigé de nos journalistes de s'immiscer et de fouiner dans les dossiers personnels et la vie privée des hommes politiques, comme le font les journalistes, les investigateurs, les reporters et les ‘'paparazzi ‘' dans les sociétés occidentales, car, au demeurant, nos journalistes n'en ont pas les moyens, mais, sinon de tirer la sonnette d'alarme, au moins d'attirer l'attention sur les ‘'gaffes'' du gouvernement et des politiciens de façon générale. La presse retrouvera son rôle naturel, celui de critique comme le rappelle le dicton ou la pensée «il n'y a point d'éloge flatteur sans la liberté de critiquer» qui surplombe la 1ère page d'un hebdomadaire national.
Le minimum requis, c'est de ne pas jouer le jeu de la classe politique, des partis et des organisations. Toutefois, il faut reconnaître que depuis la révolution, on n'assiste plus à un ''matraquage'' systématique en faveur de l'équipe gouvernementale et nombre de journalistes qu'il serait fastidieux de citer se sont avérés très professionnels et ne cessent de faire montre d'objectivité et d'un sens aigu de la critique constructive et positive de nature à contribuer au retour de la crédibilité des journalistes et de l'attirance de leur profession, l'une des plus nobles, des plus belles et des plus passionnantes qui puissent exister. Le reste doit suivre l'exemple...
6- Rôle de la société civile et du tissu associatif
Il faut ajouter aux structures étatiques d'autres non étatiques reconnues et autorisées par le gouvernement et dont l'objet et l'essence même consistent à faire face à l'Etat et de contrebalancer sa puissance en défendant les intérêts et le niveau de vie des travailleurs et des ouvriers, composante majoritaire du peuple: la centrale syndicale (l'Ugtt) dont le poids et l'importance ne sont plus à démontrer depuis avant l'indépendance et qui a joué un rôle très positif dans le déclenchement de la révolution et dans la gestion de la période post révolutionnaire et qui continue à ce jour. Les syndicats sont devenues au nombre de trois aujourd'hui avec l'avènement de la pluralité suite à la révolution de 2011. Par ailleurs, on doit à la vérité de dire que le travail de l'Organisation de défense des consommateurs (ODC) reste en deçà des attentes de la masse populaire.
S'il faut accorder le préjugé favorable aux institutions officielles qui font de leur mieux pour remplir leur rôle comme il se doit, on doit être moins tolérant avec les institutions non officielles, c'est-à-dire les organisations non-gouvernementales (ONG) qui n'ont aucune raison de ne pas accomplir leurs missions avec le maximum d'objectivité, de professionnalisme et de célérité, d'une part, et de saisir qui de droit en vue de corriger les lacunes et faire sanctionner les dépassements, le cas échéant.
Parmi les plus importantes institutions locales qualifiées d'intérêt public, citons la Ligue tunisienne des doits de l'Homme, l'Ordre des avocats et l'Ordre des commissaires aux comptes, etc.
Un grand nombre d'autres associations, souvent présidées par de jeunes femmes, dont le but est de préserver les acquis de la Révolution et d'accompagner son évolution (Atide, ‘'Mourakiboun'' composées de jeunes cadres dynamiques et dévoués ont vu le jour depuis lors. En toute sincérité, l'abnégation, le sérieux et l'esprit de sacrifice qu'ils ont démontrés dans l'exécution de leur mission volontaire (non rémunérée) font honneur et plaisir à voir.
Tout le monde s'accorde à dire que le rôle de la société civile a été l'un des plus significatifs lors de la révolution et après pour éviter et surtout empêcher qu'elle ne soit détournée et récupérée au profit d'une classe ou des forces contre-révolutionnaires. Par dizaines de milliers, défiant un soleil de plomb et les menaces terroristes, les hommes et souvent les femmes plus que les hommes surtout dans la capitale, sont descendus dans la rue pour exprimer, pour hurler doit-on dire, leur colère et leur obstination à refuser toute forme de discrimination et de nouvelle dictature.
Conclusion
Si un seul des facteurs ci-dessus exposés continue de remplir dignement son rôle et ne dévie pas, malgré vents et marées, il n'y a aucune raison d'appréhender l'élection du président de la République issu du même parti qui a remporté les élections législatives et par conséquent le risque de voir une concentration des pouvoirs, ‘'ettaghaouel'' comme ont l'ont qualifié certains. Cette hypothèse comporte plus d'avantages que d'inconvénients et facilite la bipolarisation de la scène politique qui recèle, elle aussi, plus de bienfaits que de méfaits. Mais ce n'est pas là notre propos d'aujourd'hui
La peur de l'enclenchement de l'omnipotence et de la prépondérance d'un parti sur les autres et du retour de la dictature sont somme toute compréhensibles et personne ne voudrait revivre ce qu'a enduré la majeure partie du peuple pendant plus de 50 ans du fait de cette situation, mais il ne faudrait pas en faire une fixation et chercher à rationaliser ce qui n'est qu'une vue de l'esprit, une hypothèse d'école et une politique-fiction. Sinon, cela reviendrait à brouiller et à ‘'polluer'' l'esprit des électeurs par un ‘'effet campagne'' ou ‘'effet marketing de base‘' en termes de communication pour introduire une dose de trouble et de manque d'appréciation et même de discernement dans leur évaluation de la réalité des choses et des faits concrets. Il faut concéder quand même que la vigilance doit rester de mise.
*Juriste, Tunis


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