L'ODC a clairement signifié son refus catégorique quant à la décision, ou projet de décision, de transfert des affiliés non solvables de la Cnam. Le ministère des Affaires sociales récuse et réaffirme l'obligation du règlement des dettes La Caisse nationale d'assurance-maladie, comme les autres caisses sociales, croule sous le poids du déficit chronique. Des solutions doivent être trouvées, dans l'urgence, pour éviter le pire. A défaut de pouvoir engager sereinement une réforme structurelle profonde et efficace à plus ou moins long terme, peut-on avoir recours à des solutions rapides, faciles à exécuter, au risque de léser davantage les couches sociales les plus vulnérables, sans pour autant sortir la caisse de l'impasse? L'Organisation de défense du consommateur, comme son nom l'indique, ne l'entend pas de cette oreille et réagit et hausse le ton contre toute tentative supplémentaire de détérioration du pouvoir d'achat du consommateur. La dernière en date, parvenue sous forme de requêtes aux services de l'ODC, est la décision de la Cnam de transférer de la filière numéro 2 (médecin de famille) à la filière publique tous les affiliés qui ont dépassé le plafond annuel de 200 dinars (dépenses médicales) et qui n'ont pas encore remboursé leurs dettes à la Cnam. Ces affiliés devraient donc perdre leur médecin de famille et avoir recours aux hôpitaux publics pour se soigner. Décision devant entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2015. Décision-sanction L'ODC, qui a réagi dans un communiqué rendu public le 9 décembre, qualifie cette décision de sanction contre les affiliés et estime que celle-ci est inadmissible pour au moins trois raisons. La première : la décision de transfert est irrecevable dans la mesure où le transfert en question est une proposition encore au stade de projet et en cours de discussion. L'information ainsi fuitée serait-elle un ballon d'essai ? La seconde : la décision de transfert ne peut être appliquée sans que les affiliés n'en soient informés préalablement. La troisième : la Cnam est tenue d'appliquer la loi 2004-71 portant institution d'un régime assurance-maladie et en particulier son article 24 qui stipule que «les actions de la caisse contre les personnes à qui des avantages au titre de ce régime ont été octroyés indûment sont prescrites après 2 ans». Or, dans le cas échéant relatif au projet de transfert des affiliés, un certain nombre de dossiers remontent à 2007, apprend-on du côté de l'ODC. L'Organisation, qui a fortement réagi et fait appel aux médias, compte faire entendre sa voix pour défendre le consommateur embourbé dans une spirale d'augmentations successives et généralisées des prix, notamment des soins médicaux et des médicaments. A ce titre, le plafond des dépenses médicales fixé à 200 dinars par an devient inapproprié voire irréaliste. «Par ailleurs, il faut admettre que la détérioration du pouvoir d'achat des Tunisiens explique en partie l'incapacité de certains affiliés à rembourser leur dette à la Cnam», souligne-t-on du côté de l'ODC. Vendredi dernier, le président de l'ODC, Mohamed Zarrouk, a réitéré au ministre des Affaires sociales la détermination de l'organisation à défendre les intérêts du consommateur. A ce titre, la convocation d'une réunion du conseil national de l'assurance-maladie a été suggérée en vue de réexaminer les filières de remboursement des dépenses médicales en tenant compte de la détérioration du pouvoir d'achat du citoyen. L'ODC a tenu à préciser à La Presse que le ministre des Affaires sociales a promis que la date du 1er janvier 2015 sera reportée et que le projet de transfert sera révisé et étudié en profondeur dans la cadre de larges concertations auxquelles prendront part tous les partenaires. Le ministère dément Alors que tout paraissait clair comme de l'eau de roche, et qu'une éclaircie pointait à l'horizon, le ministère des Affaires sociales a publié, samedi, soit le lendemain, un communiqué pour tout démentir et remettre en question cette affaire de transfert d'une filière à une autre. Le ministère précise que le fait de «dépasser le plafond fixé par la loi, dans le cadre des soins dans le secteur privé, ne donne pas droit aux prestations du service public». Dans son communiqué, qui fait référence au décret N°2007-1367 du 11 juin 2007, portant sur les modalités de choix du régime de soin, le ministère souligne encore que le règlement des factures est considéré comme une dette qui doit être obligatoirement remboursée à la Cnam, selon un échéancier établi avec l'assuré. Le ministère a profité, de surcroît, de l'occasion pour rappeler à l'ordre les assurés sociaux et leur demander de s'adresser aux centres régionaux et locaux de la Cnam, afin de s'enquérir de leurs dettes et recevoir un relevé détaillé de leurs dépenses de soins auprès des prestataires privés. Affaire à suivre. L'impératif pour la Cnam, déficitaire, de récupérer son dû est compréhensible, mais il ne faut pas omettre non plus que les Tunisiens payent de leur poche (à leurs propres frais) 40% des coûts de soins de santé (chiffre officiel). Le taux est, selon les connaisseurs, très élevé par rapport aux ratios internationaux.