«Les études arabes au Portugal et le rôle des arabisants dans les échanges culturels entre le Portugal et le Maghreb» Sur l'invitation du Département des Lettres de l'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, Mme Eva Maria Von Kemnitz, docteur ès lettres en Histoire et Théorie des Idées et professeur à l'Université de Lisbonne, a donné une conférence sur le thème «Les études arabes au Portugal et le rôle des arabisants dans les échanges culturels entre le Portugal et le Maghreb», le jeudi 4 décembre. Les interférences culturelles luso-maghrébines, héritées d'une histoire commune, ont contribué largement à l'élaboration de la notion de la «maghrébinité», marquée durant des siècles par de multiples échanges politiques, économiques, sociaux, culturels et religieux. Le Portugal, comme l'a souligné le Pr Von Kemnitz, offre un cas atypique de l'orientalisme dans la mesure où bien qu'il ait entretenu des contacts suivis avec l'Afrique du Nord et le monde islamique, ses réalisations intellectuelles dans ce domaine d'étude demeurent peu connues du grand public. Le territoire du Portugal actuel a pourtant fait partie de Dar al-Islam sous la désignation de Gharb al-Andalus, la domination politique de l'Islam dans la péninsule Ibérique ayant pris fin au milieu du XIIIe siècle, mais la présence culturelle et linguistique arabe est demeurée vivante jusqu'au XVIe siècle, et les Arabes y ont laissé leurs empreintes et influences. Pourtant l'arabisme ou le développement des études orientales au Portugal n'ont connu leurs débuts qu'à la fin du XVIIIe siècle dans une conjoncture de rapprochement politique et diplomatique avec l'Afrique du Nord, et pour des raisons géostratégiques et économiques liées au Brésil qui, à l'époque, était partie intégrante de l'empire portugais d'outre-mer. Dans cet ordre d'idées, le Pr Von Kemnitz a mis en exergue l'importance des échanges commerciaux et culturels, et de l'activité diplomatique qui, de par le truchement de commerçants, de lettrés et d'agents diplomatiques, ont permis une accumulation de connaissances et d'expériences des sociétés musulmanes du Maghreb et une familiarisation avec les coutumes et usages du Maghreb. La langue arabe était, en sus, le principal outil de travail, ce qui a développé chez les Portugais une appréciation très particulière de cette langue. Cet intérêt pour la langue arabe n'a d'ailleurs pas tardé à se manifester vers la fin du XVIIIe siècle chez des interprètes portugais — notamment des hommes d'Eglise — dont la condition religieuse leur permettait de disposer de leur temps libre et de travailler indépendamment du monde académique. A titre d'exemple, le couvent dont relevait le Franciscain Joao de Souza était devenu le centre d'études arabes au Portugal et recèle des publications spécifiques telles que des dictionnaires et des manuscrits arabes. Le mouvement commercial, culturel et politique entre le Portugal et le Maghreb est non sans rappeler le rôle prépondérant des échanges entre les peuples et les cultures dans le développement des idées et de la pensée scientifique dans tous les domaines.