«Je ressens une grande tristesse face à ce que j'ai vu», déclare Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice Le ministre de la Justice, Hafedh Ben Salah, et la secrétaire d'Etat chargée des Affaires de la femme et de la famille, Neila Chaâbane, ont effectué, mercredi, une visite d'inspection au centre de rééducation des mineurs délinquants de Gammarth. Ils y ont pris connaissance de l'état des lieux du centre et des conditions de rétention des adolescents. Des représentants du ministère de l'Intérieur, de l'administration pénitentielle et des agents du centre ont été associés à cette visite. Cette dernière a débuté par l'inspection des dortoirs où une odeur putride (urine, humidité) était camouflée par l'épandage de détergents aromatisés à même le sol. Chaque dortoir est une grande salle avec des lits doubles superposés avec, à l'extrémité, des toilettes rudimentaires manquant des commodités basiques à même de préserver la dignité du détenu. Dans la salle tenant lieu de cuisine, trois adolescents étaient en train d'éplucher les légumes au milieu des boîtes de conserve et des ustensiles de cuisine d'une hygiène douteuse, deux agents de rééducation y officient en l'absence d'un cuisinier. Même constat à l'infirmerie où un agent de sécurité supplante le cadre de santé. Plusieurs salles sont inexploitées en raison de l'état délabré du bâtiment, un manque d'équipement constaté dans les ateliers de mécanique, d'électronique, de menuiserie et dans la salle d'informatique. Les cours censés lutter contre l'illettrisme et la déscolarisation des adolescents n'ont pas encore commencé. Au cours de la visite, plusieurs défaillances ont été signalées par le directeur du centre de rééducation des mineurs délinquants de Gammarth, Abderraouf Zribi, a l'exemple du déficit d'infrastructure, le manque de personnel qualifié, l'absence d'agents de nettoyage. Abderraouf Zribi a aussi tenu à attirer l'attention sur l'absence d'accompagnement des délinquants suite à leurs séjours dans le centre. « Les jeunes sont souvent livrés à eux-mêmes à la fin de la détention, la formation donnée par les éducateurs est ainsi interrompue », déplore le directeur. Concernant les cas de punition corporelle rapportés par certains enfants, Inès Garbaâ, psychologue au centre depuis 8 ans, a expliqué que les cas enregistrés résultent essentiellement de l'absence de personnel qualifié et formé à l'éducation et l'encadrement des jeunes délinquants, précisant que la majorité des agents sont habitués à traiter avec les adultes plutôt qu'avec des mineurs. La psychologue a appelé les autorités concernées à réfléchir aux moyens d'accompagnement des délinquants à leur sortie du centre, mettant l'accent, à cet égard, sur la difficulté d'intégration du jeune dans la société. « L'adolescent retourne au même environnement hostile avec des parents réticents à son retour à l'école ou à l'apprentissage », a-t-elle expliqué. Pour Neila Chaâbane, secrétaire d'Etat chargée des Affaires de la femme et de la famille, l'établissement ne répond pas aux normes d'hygiène et les enfants doivent être transférés dans un autre établissement. Visiblement courroucé par les dépassements constatés, le ministre de la Justice, Hafedh Ben Salah, s'est refusé à toute déclaration aux journalistes. «Je ressens une grande tristesse face à ce que j'ai vu. Une réunion sera tenue avec les ministères concernés afin de réfléchir aux solutions à même de redonner la dignité aux personnes vivant ici», s'est-il borné à dire. Le centre de rééducation des mineurs délinquants de Gammarth héberge 37 adolescents de 13 à 17 ans pour une période allant d'un à 9 mois.