Par Abdelhamid GMATI On nous dit que la transition est terminée. Soit, sur le plan technique, puisque les nouvelles institutions ne sont plus provisoires et s'inscrivent dans une durée de cinq ans. Mais la révolution qui a mis fin à un régime dictatorial est-elle pour autant terminée ? Résolument non, puisque les objectifs et les revendications n'ont pas été satisfaits, loin s'en faut. On s'est doté d'un nouveau régime et on a eu droit à beaucoup de promesses. Seront-elles tenues ? Le Tunisien, généralement tenté par l'optimisme, espère et est avide de bonnes nouvelles. En aura-t-il ? L'année a commencé avec un froid glacial très difficilement supporté par les populations du Nord-Ouest, déjà terriblement démunies. Signes des temps : plusieurs familles tunisiennes, fascinées par la neige abondante, ont choisi de passer leurs vacances dans ces contrées. Une sorte de réconfort matériel et moral pour les populations. Les observateurs, toujours vigilants, décèlent quelques signes de changements, quelques signes prometteurs. Le conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT), réuni le 29 décembre 2014, estime que la détente de la situation politique, suite à l'achèvement du processus de transition démocratique avec succès, comporte en soi des messages rassurants pour les opérateurs et les investisseurs à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, et augure de perspectives positives sur le plan économique. Dans un communiqué, le conseil insiste sur la « nécessité pour tous de s'investir pleinement pour exploiter au mieux ce climat favorable afin de stimuler l'activité économique et d'accélérer le rythme des réformes nécessaires à jeter les bases de la croissance économique et de la stabilité financière requises ». Dès sa prise de fonction officielle, le nouveau président de la République s'attela à la tâche. En deux jours, il multiplia les réunions avec les responsables, traitant des questions cruciales et urgentes : il chargea le nouveau président du parti vainqueur aux législatives de proposer la personnalité qui formera le prochain gouvernement ; il chargea l'actuel Premier ministre de poursuivre ses fonction jusqu'à la formation du nouveau gouvernement et lui demanda de mettre à la disposition des populations sinistrées du Nord-Ouest, soumises depuis deux jours aux affres d'une vague de froid sans précédent, tous les moyens dont dispose l'Etat pour les aider à surmonter leur situation assez délicate, et pour veiller à ce qu'elles ne manquent de rien. Il adressa les mêmes demandes au ministre de l'Intérieur. Son intérêt s'est également porté sur les conditions de vie des populations du Sud, confrontées à l'avancée des dunes et à la désertification. Il promit au père et à la veuve de Chokri Belaïd de dévoiler la vérité sur le meurtre du martyr. Tout cela s'inscrit dans le cadre de ses promesses électorales. Des réunions ont eu lieu, groupant plusieurs partis concernés afin de parvenir à un accord sur la formation du gouvernement. Et on nous dit que le gouvernement comprendra 35 membres, à savoir 22 ministres, 3 ministres délégués auprès du chef du gouvernement et 10 secrétaires d'Etat. L'annonce en sera faite demain, lundi 5 janvier. Acceptons-en l'augure. De même en ce qui concerne la question sociale: le ministre des Affaires sociales assure que le climat social ne cesse de s'améliorer : « Je prévois une compréhension réciproque entre l'Ugtt qui prendrait en considération la situation économique actuelle du pays et le gouvernement qui a intérêt à achever ces négociations dans les meilleurs délais. Surtout avec le feu vert du gouvernement pour le lancement des négociations sociales, signalant que 98 accords ont été signés, ces derniers temps, dont 57 dans le secteur public. Il y a un apaisement qui se manifeste par le nombre des grèves qui a sensiblement baissé au mois de novembre. Cette tendance baissière a déjà continué sur le même niveau au cours de ce mois. C'est le même constat pour les préavis de grèves et les sit-in. On est en droit de s'attendre alors à de bons résultats dans de brefs délais, surtout que les indices positifs sont multiples ... Il y a eu un accord entre le chef du gouvernement provisoire Mehdi Jomâa, le secrétaire général de l'Ugtt, Houcine Abassi, le président de l'ARP, Mohamed Ennaceur, et Béji Caïd Essebsi en sa qualité de président du parti Nida Tounès, au sujet des augmentations salariales dans la fonction publique. 650.000 fonctionnaires seront concernés par ces augmentations ». Grâce à une hausse de 300% de la production d'huile d'olive (280.000 tonnes), le secteur agricole va connaître une croissance de 8% en 2015, contre 2% en 2014. Cette prévision du ministère de l'Agriculture se base aussi sur une production escomptée de 20 millions de quintaux de céréales et la croissance de 3 à 5% de la plupart des autres secteurs agricoles, ce qui permettra de porter le taux de couverture de la balance commerciale à 90%. De son côté, le ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines a affirmé, dans un communiqué publié vendredi 2 janvier, que les tarifs de l'électricité et du gaz n'augmenteront pas pour l'instant, contrairement à ce qui était véhiculé par les rumeurs. Il y a tout de même une ombre au tableau : l'augmentation, depuis le 1er janvier, du prix du lait stérilisé demi-écrémé. Ces signes prometteurs se poursuivront-ils et seront-ils étendus à tous les secteurs ? Un optimisme mesuré est de rigueur.