Dans les cités, les habitants se sont organisés pour faire du covoiturage gratuit. Profitant de l'aubaine, des automobilistes se sont transformés en chauffeurs à tarif réduit. D'autres proposent tout simplement à leurs voisins travaillant dans le même périmètre qu'eux de les raccompagner chaque jour Jusqu'en début d'après-midi, les stations de métro et de bus étaient vides et les guichets fermés. Bien que le ministère du Transport ait appelé les agents de transport à reprendre le travail, donnant l'ordre de réquisitionner des agents de transport pour assurer le service minimum, les chauffeurs ont reçu la consigne de ne pas quitter les dépôts de bus jusqu'à nouvel ordre. Dans la station de métro derrière la gare de Tunis Marine, seul un inspecteur et des guichetiers étaient là, assis dans un petit bureau, attendant les consignes des structures syndicales en négociation avec le ministère. Tous étaient unanimes. Il n'est surtout pas question de se rétracter et de revenir en arrière sur le montant de la prime de productivité, principal point de discorde autour duquel les négociations ont échoué jusqu'ici. Les agents de transport sont furieux de ne pas avoir perçu leur prime au cours du mois de décembre. Or, dans toutes les sociétés de transport, celle-ci aurait été définie sur la base de l'ancienne méthode de décompte qui, si elle est maintenue, risque de menacer les équilibres financiers desdites sociétés. Tel est le point de vue officiel du ministère du Transport, soucieux de l'application de la réglementation en vigueur, relative à la notation et au décompte des primes de productivité. « Nous aurions dû percevoir nos primes, a relevé un des guichetiers de la station. Notre direction nous a fait savoir qu'elles étaient prêtes à être versées dans nos comptes. Et puis, la décision a été annulée à la dernière minute. C'est pour cette raison que nous avons décidé de faire grève. Nous voulons nos primes. Maintenant, il y a un désaccord autour de la notation et du montant de la prime de productivité. Le ministre a souligné que cette prime ne doit pas dépasser 2,4 du salaire. Nous avons de plus en plus de mal à faire face à la cherté de la vie. C'est pour cette raison que nous voulons percevoir une prime équivalente à 2,75 de la moyenne d'un salaire et nous sommes prêts pour cela à poursuivre notre grève si les négociations échouent ». Des automobilistes se convertissent en taxi collectif Depuis le début de la grève, les usagers, habitués à prendre le bus ou le métro, ont dû tant bien que mal se débrouiller comme ils le peuvent. Secrétaire dans une entreprise privée, Aida, qui, depuis deux jours, fulmine contre les conducteurs de métro, a partagé un taxi avec deux autres personnes pour se rendre à son lieu de travail. « J'habite loin de mon lieu de travail. Un taxi me coûte cher. Pour amortir le voyage, j'ai pris un taxi avec deux autres femmes qui habitent dans mon quartier et qui font le même trajet que moi. C'est faire preuve d'égoïsme que de paralyser tout un pays pour une question d'argent ». Etudiante à l'Institut supérieur de musique et habitant à Montfleury, Wissal s'est résignée à se faire accompagner par un automobiliste qui a transformé son automobile en « taxi collectif », profitant de l'aubaine pour proposer la place à un dinar. « Cet automobiliste a installé des chaises en plastique dans son camion. Il a stationné au niveau de la station de métro puis a interpellé les usagers, leur proposant de les raccompagner en voiture contre la modique somme d'un dinar. J'ai accepté pour ne pas rater mes cours. J'ai entendu dire que certaines universités ont décidé de décaler la période des examens ». Femme de ménage dans une imprimerie, Mbarka, a dû elle aussi se résoudre, bon gré, mal gré, à prendre un taxi. « Je me suis débrouillée tant bien que mal pour ne pas m'absenter jusqu'ici, mais je ne peux pas me permettre de prendre un taxi tous les jours. Si cette grève se poursuit, je serai obligée de m'absenter ». Dans les cités, les habitants se sont organisés pour faire du covoiturage gratuit. Ceux qui ont une automobile proposent, chaque jour, à leurs voisins travaillant dans le même périmètre qu'eux de les raccompagner en voiture. La cellule de crise a annoncé des mesures exceptionnelles La cellule de crise réunie, hier, à la présidence du gouvernement, à La Kasbah, au sujet de la grève ouverte et sans préavis des agents de transport, a pris des mesures urgentes pour secourir les usagers des transports urbains sujets à de grandes difficultés pour se rendre à leur travail ou à leurs cours. Ces mesures annoncent, entre autres, d'accorder des permis provisoires aux taxis collectifs pour pouvoir circuler sur toutes les lignes du Grand Tunis ; d'octroyer un permis aux taxis ruraux pour circuler dans tous les gouvernorats ; de signer des accords avec les sociétés privées et agences de voyages pour servir quelques lignes dont Oued Ellil, Mornaguia, Kalaât Landlos , Sidi Thabet et Mhamdia. Par ailleurs, les fonctionnaires ont été autorisés à quitter leurs postes de travail une demi-heure avant l'heure. La cellule de crise a souligné également que les agents qui n'ont pas répondu favorablement à la décision de réquisition vont devoir faire face à la justice. En fin de journée, hier, le correspondant de Mosaïque FM a indiqué que le comité administratif de la fédération générale des transports relevant de la centrale syndicale a décidé, au terme d'une réunion, d'appeler les agents de la Transtu et des sociétés régionales de reprendre le travail à partir d'aujourd'hui. La fédération générale des transports a décidé aussi à l'issue de sa réunion d'appeler les agents de la Transtu et des sociétés de transport régional à une grève pour les 26, 27 et 28 janvier si une solution au problème n'est pas trouvée dans les prochains jours.