La Fédération tunisienne des ciné-clubs, plus que jamais fidèle à sa vocation de défense du cinéma alternatif, et en partenariat avec le théâtre El Hamra, rend hommage, demain soir à 18h00, au cinéaste militant René Vautier, récemment décédé. Au menu, deux films seront projetés et débattus : Afrique 50, documentaire en noir et blanc, 20 mn, tourné en 16mm, et l'incontournable Avoir 20 ans dans les Aurès, fiction en couleur, 90 mn, 16 mm gonflé en 35mm. Né d'un père ouvrier d'usine et d'une mère institutrice, il mène sa première activité militante au sein de la Résistance en 1943, alors qu'il est âgé de 15 ans. En 1950, il réalise son premier film, Afrique 50, qui était, à la base, une simple commande de la Ligue de l'enseignement destinée à mettre en valeur la mission éducative de la France dans ses colonies. Mais il décide de témoigner d'une réalité non commandée; de ce fait, le film sera interdit pendant plus de quarante ans. Ce sera le premier film anticolonialiste français, chef-d'œuvre du cinéma engagé, qui lui vaudra 13 inculpations et une condamnation de prison. Engagé en Afrique sur divers tournages, il rejoint l'Algérie clandestinement par les maquis dès 1956 et participe avec le FLN à la lutte révolutionnaire pour l'indépendance de l'Algérie. Il tourne dans les Aurès, ainsi qu'à la frontière tunisienne, filmant les maquisards de l'Armée de libération nationale. Au printemps 1958, il se rend au Caire, pour y montrer l'Algérie en flammes, son film sur la lutte de l'ALN. Vautier est accusé d'avoir détourné des sommes qui auraient servi à payer les travaux de laboratoire en Allemagne de l'Est et de tentative de «commercialisation de la Révolution». Il est convoyé vers la Tunisie via la Libye et emprisonné pendant vingt-cinq mois. D'abord détenu à Mornag dans les environs de Tunis, il parvient à s'échapper en retirant un barreau d'une fenêtre. Il ne souhaite pas s'évader, mais plutôt s'expliquer avec les dirigeants du FLN dont il pense qu'ils ignorent son incarcération. Cependant, au lieu de l'aider, ses contacts le ramènent en prison. Il subit alors la torture pendant quatre jours. Il est au bout du compte relâché. Ne gardant pas rancune de cet épisode aux indépendantistes algériens, il part dès l'Indépendance s'installer à Alger. Il est nommé directeur du Centre audiovisuel d'Alger (de 1962 à 1965). Il y est aussi secrétaire général des Cinémas populaires. Il filme les premiers jours de l'Indépendance algérienne et tente de créer un dialogue, grâce à la vidéo, entre les peuples français et algérien. De retour en France, il participe à l'aventure du Groupe Medvedkine en Mai 1968 (collectifs cinéastes-ouvriers). En 1972, il sollicite, en tant que distributeur du film, un visa d'exploitation pour le documentaire de Jacques Panijel, Octobre à Paris, consacré au massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961 par les forces de police sous les ordres de Maurice Papon. Le visa est refusé. Le 1er janvier 1973, il entame une grève de la faim, exigeant «la suppression de la possibilité, pour la commission de censure cinématographique, de censurer des films sans fournir de raisons ; et l'interdiction, pour cette commission, de demander coupes ou refus de visa pour des critères politiques». Il sera soutenu par Jacques Rivette, Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Claude Sautet, Alain Resnais, Robert Enrico... Le ministre de la Culture cède et Vautier met fin à sa grève de la faim après trente et un jours. En 1974, il reçoit un hommage spécial du jury du Film antiraciste pour l'ensemble de son œuvre. Vautier déclare s'être toujours efforcé de mettre «l'image et le son à disposition de ceux à qui les pouvoirs établis les refusent», pour montrer «ce que sont les gens et ce qu'ils souhaitent».