C'est un constat qui n'a évidemment pas valeur de règle absolue, mais il ne pousse guère à la suffisance : les résultats ont tendance à tout effacer, même les choix les plus discutables, même les choix les plus incompréhensibles. Toute victoire, quelle que soit sa nature et d'où qu'elle vienne, est toujours bonne à prendre. L'équipe de Tunisie a, certes, gagné au moment où l'on s'y attendait le moins, mais elle a eu le mérite de renverser une trajectoire qui semblait être déclinante. On ne s'empêchera jamais de penser que le football est largement irrationnel et jamais avare de coups de théâtre. Mais la capacité de réussite dont a fait preuve la sélection, dans un moment décisif, traduit cette volonté de placer le contexte du match plus dans l'enjeu que dans le jeu. Les joueurs savaient parfaitement qu'ils étaient fortement attendus et qu'une défaite risquerait de tout compromettre. Mais la compétition de haut niveau est une perpétuelle remise en question. Souvent, ce qui est fait est fait, en bien ou en mal. Il faut toujours voir devant. C'est une conscience au quotidien. Le football engendre parfois une certaine spécificité en matière de sinistrose. Au lieu de parler des victoires, on fait une fixation sur les défaites. C'est vraiment frustrant, car on a pris l'habitude de ne retenir que le négatif. On continuera toujours à le penser, la sélection tunisienne peut être encore amenée à exprimer ou à penser à des choses qu'elle n'a pas encore osées et qui restent toujours valables aussi bien sur le terrain qu'à l'extérieur. En même temps, on ne peut pas s'empêcher de se dire que lorsqu'elle se donne des responsabilités, elle peut toujours avancer, progresser. Même si ça lui pèse parfois. Il n'en demeure pas moins que bien des choses devraient changer dans la manière de jouer de l'équipe, mais aussi dans le choix des joueurs et la répartition des rôles en prévision du prochain match contre le Congo. Cela devrait résulter des effets conjugués d'inspirations tactiques appropriées, de modalités et de stratégies tactiques bien pensées. La notion du plaisir n'a de sens que dans le devoir accompli Au fait, la manière de jouer de l'équipe de Tunisie ne pourrait prendre réellement forme que lorsque les joueurs parviennent à s'exprimer dans le registre qui leur convient le plus. Parfois, on regarde une équipe, mais on ne la voit pas jouer. Une équipe, une vraie, invite à pénétrer et non à observer. Au-delà du résultat, le mérite auquel devrait penser aujourd'hui la sélection, c'est la régularité dans le rendement. Cela peut devenir une vocation, dans la mesure où l'équipe peut aussi épouser tous les styles, jouer tous les rôles. La sélection à son meilleur, c'est l'impeccable spontanéité du geste, le football total et l'efficacité à toute épreuve. C'est un véritable pouvoir de résolution qui est de nature à rendre les choses à leur juste valeur et à leur place réelle, sans pour autant les conditionner outre mesure. On sait que l'apport de Leekens dans cette entreprise et pour ce qui reste à accomplir est déterminant. Il est fortement lié aux joueurs sur lesquels son choix sera porté. Mais l'important, c'est que le sélectionneur et son équipe puissent travailler en étant moins traqués. Notre souhait le plus ardent est que l'on parle plus de l'équipe et moins du sélectionneur. Si l'on croit aux traditions et aux habitudes, la sélection a une tendance à échapper à toute logique. C'est au plus fort de la suprématie adverse qu'elle se reprend et coupe les ailes à tous ses rivaux, et c'est au moment où ces derniers semblaient sur le point d'enfoncer le clou qu'elle déploie les siennes. Si le potentiel n'est pas encore assez optimisé, la complémentarité est parfois manifeste, à l'image de l'entente entre Msakni et Chikhaoui, qui a apporté le but de la victoire et qui s'est traduite par une comptabilité assez parlante. La sélection est comme elle est. Elle joue comme elle joue. Elle ne se force pas. Mais elle n'est pas dans le faux et elle se fait respecter...