La présence de nos techniciens dans de grandes productions internationales est malheureusement peu remarquée. Et quand il s'agit d'une participation à un projet maghrébin, c'est d'autant plus remarquable «Comme mon prochain film m'a empêché d'assister aux dernières JCC, et comme je ne pouvais pas aller en Tunisie, j'ai fait venir un bout de Tunisie à moi. Pour la première fois, une partie de mon équipe technique est tunisienne, et j'en suis fier», avait déclaré le réalisateur marocain, Nebil Ayouch. Cette présence de nos techniciens (disons les plus motivés et les plus professionnels d'entre eux) ou de nos chefs opérateurs dans de grandes productions internationales est malheureusement peu remarquée. Et quand il s'agit d'une participation à un projet maghrébin, ce qu'on appelle aussi un projet Sud-Sud, c'est d'autant plus remarquable. Amine Messaâdi, qui a assuré le poste de cadreur, justement dans le nouveau film de Nebil Ayouch, Périmées, après avoir assuré la même fonction dans Timbuktu de Abderrahmane Sissako, nous accorde ce témoignage à propos du tournage. «Tourner avec Nebil Ayouch était pour moi une expérience aussi bien professionnelle qu'émotionnelle, vu que son fameux film Ali Zaoua m'a profondément marqué à mes débuts et, depuis, j'ai continué à suivre son cinéma. Une expérience enrichissante parce que Nebil Ayouch est très communicatif avec toute son équipe. C'est quelqu'un qui veut écouter tout le monde sur le plateau et qui veut partager, sur le tournage, son savoir-faire. Ce n'est pas étonnant de la part de quelqu'un qui aurait pu vivre aux Etats-Unis, mais qui a choisi de s'installer au Maroc, d'aider et de produire les jeunes réalisateurs de son pays à se lancer. J'admire ce côté altruiste chez lui. Cela dit, l'équipe était très jeune et très réduite, vu que c'est un film autofinancé, vu le sujet tabou qu'il évoque au Maroc». En effet, le nouveau film de Nebil Ayouch risque de faire grincer des dents au Maroc et dans certains pays du Golfe, vu le sujet qu'il aborde, à savoir celui de la prostitution à Marrakech...Voici comment le réalisateur de Ali Zaoua et des Chevaux de Dieu présente son film. «Je veux aller sous la surface et montrer la vraie vie de ces femmes, qui sont maltraitées. Beaucoup de gens viennent à Marrakech pour le tourisme de sexe —des pays du Golfe et de l'Europe—. Ces touristes traitent ces femmes extrêmement mal. Ils ont une sorte de complexe de supériorité, simplement parce qu'ils ont de l'argent, ainsi ils pensent qu'ils peuvent tout acheter». Pas nouveau pour un réalisateur connu pour son attachement aux catégories les plus fragiles et les plus démunies, mais le film tente de démontrer également la relation entre les prostituées et leurs familles, et la société en général, y compris la façon dont certaines familles poussent les enfants à se prostituer. «C'est un film qui, à mon avis, ne va pas laisser le public indifférent, non seulement de par son thème, mais par la manière de filmer cette histoire», poursuit Amine Messaâdi. «En fait, on va voir un Nebil Ayouch qui sort de son style habituel pour surprendre sur le plan cinématographique et apporter quelque chose de nouveau dans le cinéma maghrébin. Les personnages aussi ont donné une grande plus-value au film. Le réalisateur a "casté" presque trois cents vraies prostituées avant de choisir parmi elles celles qui vont jouer dans le film. Et comme c'est un grand directeur d'acteurs, il a fait sortir ce qu'il y a de mieux de ces personnes, qui ont toujours vécu dans la marge et qui croyaient qu'elles étaient enterrées à jamais. Comme tout le film était en caméra portée, c'était aussi un challenge physique et technique pour moi. J'ai également admiré le professionnalisme des techniciens marocains sur le plateau. Ils ont une implication, une conscience professionnelle et des réflexes que nous avons malheureusement perdus en Tunisie». Le film Périmées, de Nebil Ayouch ,sera présenté au comité du Festival de Cannes. S'il est sélectionné, sa première sera sur la Croisette en 2015.