Le luth de Mahmoud Turki va à la rencontre du profane et élargit le champ du possible L'espace culturel Debbo 52 a accueilli, vendredi soir, la première du spectacle musical «7atta nfas» (aucun souffle) de Mahmoud Turki. Ce jeune auteur, compositeur et interprète est issu de l'Institut supérieur de musique et est enseignant. Son talent artistique est un autre volet de son expérience que le public a découvert sur la scène du Debbo 52. Pour ce jeune artiste, cet endroit est plus qu'un espace culturel. Il fait en effet partie des talents pris sous l'aile de l'incubateur de projets artistiques lancé par le Debbo 52, le premier en son genre en Tunisie. «Le but est d'aboutir à un spectacle. Nous offrons aux artistes sélectionnés un espace pour répéter, du matériel et de la communication. Après le spectacle, nous lançons une campagne de fundraising (collecte de fonds) en leur faveur», nous explique Rafik Omrani, le fondateur du Debbo 52. Le manque d'espaces où répéter et se produire est un réel problème pour les jeunes artistes. C'est surtout valable pour ceux qui ont un projet artistique alternatif et non commercial, estime Mahmoud Turki. Le concept d'incubateur de projets lui a donné un grand coup de pouce en prenant en charge les volets financier et organisationnel de son spectacle «7atta nfas». «Je me concentre uniquement sur ma musique», résume-t-il. Celle-ci est en tunisien, par sa plume ou celle de poètes comme Ahmed Chaker Ben Dhaya et Samir Taamallah. «7atta nfas» est un pur concentré de l'univers musical de cet artiste que nous découvrons avec enchantement. Voix exquise et jeu de luth impeccable forment la colonne vertébrale de ce spectacle qui met en scène l'authentique et le porte à notre ouïe. Pour cette première, «7atta nfas» a été interprété en duo de oud, où Mahmoud Turki était accompagné par Mohamed Anis Mestaoui. Ce qui interpelle dans ce projet musical, c'est cette réconciliation entre les compositions savantes et une parole longtemps considérée comme incompatible avec la musique «sérieuse». Ces paroliers osent, se réapproprient le langage avec lequel ils ont grandi, et en font de petits bijoux de poésie. C'est, d'ailleurs, le langage qui a bercé leurs rêves et témoigné de leurs états d'âme. Le début et la fin ont été instrumentaux. Le cœur du spectacle a plusieurs fois changé de nom et de rythme : «Hanin» (nostalgie), paroles de Samir Taamallah, «Kayenni» (comme si j'étais), «Ghamedh inek» (ferme tes yeux), paroles de Ahmed Chaker Ben Dhaya ou encore «Ya haybet eddawla» (autorité de l'Etat), qui a fait sensation auprès du public, un va-et-vient subtil entre les thèmes sentimentaux et les thèmes politiques d'actualité. Entre ces titres, Mahmoud Turki a glissé son goût pour l'aventure musicale. Il a, en effet, repris une chanson tunisienne de rap sur son luth, parlant de schizophrénie, comme il a adapté aux notes de son instrument un morceau du patrimoine de la ville du Kef, intitulé «Ya hmama taret» (Ô pigeon qui s'est envolé), et qui se joue d'habitude sur des percussions. Dans ce sens, Mahmoud Turki nous confie que la prochaine étape pour lui est d'élargir la formation de «7atta nfas». La répartition des instruments et des arrangements est déjà faite, nous assure-t-il encore. Jusque-là, Mahmoud Turki a enregistré quelques-uns de ses titres en studio, et qu'il diffuse sur Internet. Un artiste à suivre !