Le passé de la compagne de Nemtsov sème le trouble Jusqu'au premier week-end après la mort de Boris Nemtsov, on ne savait que très peu de choses sur Anna Douristkaïa, compagne de l'homme politique assassiné sur un pont de Moscou, le 27 février dernier. Les médias avaient révélé qu'elle était présente lors de son meurtre. Depuis, les journaux russes se sont intéressés à l'histoire de ce mannequin de 23 ans, et de nombreuses informations complémentaires ont commencé à remonter à la surface. Ainsi, quelques jours avant l'assassinat, elle avait fait un aller-retour en Suisse pour avorter. D'un enfant de Boris Nemtsov? Autre révélation : après avoir commencé des études d'économie à Kiev, la jeune femme s'était rapprochée de Piotr Listerman, présenté comme un mafieux impliqué dans plusieurs scandales concernant des trafics de mineurs. La coupable idéale? Toujours selon ces journaux russes, Anna Douritskaïa avait signé, à cette époque, avec une petite agence de mannequins basée à Kiev, sans grand succès. La jeune femme faisait trois fois par mois l'aller-retour entre l'Ukraine et la Russie pour voir Boris Nemtsov, avec qui elle était en couple depuis près de trois ans et ce malgré la réputation de playboy de l'ancien opposant russe. Très active sur les réseaux sociaux, elle aurait vidé ses comptes Twitter, Instagram et Facebook après l'assassinat. Jeune, jolie, ayant fréquenté un mafieux : il n'en fallait pas plus pour que les médias passent aux accusations. Certains n'ont d'ailleurs pas hésité à faire de la jeune femme originaire de la banlieue de Kiev l'une des coupables les plus crédibles. Nicolas Basse (Le Figaro) La Grèce à rideaux tirés Depuis 2010, la Grèce ne cesse de perdre ses petits commerces, vestiges d'une époque révolue. Tel un archéologue, le photographe grec Georgios Makkas répertorie ces ruines d'un nouveau genre. Depuis la crise de 2010, le paysage urbain de la Grèce a changé. Et Athènes a tristement rejoint la norme des villes occidentales qui connaissent des flots de SDF... Une autre des particularités des villes grecques était le nombre de boutiques parfois improbables –quincailliers de toutes sortes, marchands de couleurs aux multiples variantes– qui survivaient au milieu des franchises internationales. Tous ces petits commerces et entreprises familiales, qui font le tissu économique du pays, ont depuis fait faillite ou ne trouvent plus preneurs. Athènes et les autres cités grecques ressemblant de plus en plus à des villes grillagées... C'est ce nouveau paysage qu'a cherché à saisir Georgios Makkas dans sa série intitulée « L'archéologie de maintenant». A Athènes, Zorba ne vend plus ses souvlakis. Un peu plus loin, c'est Hippocrate qui a cessé de proposer du matériel médical. A Thessalonique, rue Platon, les vitrines d'un tailleur sont vides. Rue Olympe, le marchand de tapis qui offrait six mois de crédit avec une carte Visa a mis la clé sous la porte. A Ioannina, un magasin de broderies, encore bien approvisionné, annonce qu'il ferme ses portes. Dans la même rue, le Baby House a tiré définitivement son rideau. Un peu plus loin, c'est un magasin de pompes funèbres qui a rendu l'âme. «Nous sommes forts pour fabriquer des ruines», remarque Georgios Makkas avec ironie. Dans cette « Archéologie de maintenant » sont immortalisées les traces d'autres violences, plus sourdes, causées par cinq ans de récession, une activité économique réduite de 25 % et un chômage atteignant un salarié sur quatre et un jeune sur deux. Pour rendre compte de cette violence-là, Georgios Makkas n'a pas voulu photographier des gens. Seulement des rideaux fermés, ornés de tags, et des vitrines recouvertes de panneaux «A vendre» ou «A louer», qui disent à leur façon la mort d'une certaine idée de la Grèce. Alain Salles (Le Magazine du Monde) L'Etat islamique vit-il au-dessus de ses moyens? L'Etat islamique serait richissime. Cependant, le week-dernier, il a relâché, contre des rançons, 19 otages chrétiens assyriens. Certains estiment que leur libération aurait coûté près de 1.700 dollars par prisonnier. On est loin des 14 millions de dollars que la France, murmure-t-on, aurait déboursés pour ses quatre ressortissants journalistes l'année dernière. Bien sûr, ce chiffre n'est pas vérifiable, puisque le gouvernement français dément catégoriquement verser toute forme de rançon aux terroristes. Et bien entendu, la différence du montant entre les rançons des uns et des autres peut aisément s'expliquer par la nationalité des captifs. Néanmoins, la question se pose : Daech commencerait-il à souffrir du portefeuille? L'économie du groupe terroriste repose sur sept piliers majeurs : les rançons d'otages donc, la vente de pétrole, les taxes sur la population, les donations extérieures, les pillages (notamment de banques), la vente de blé et celle d'antiquités volées (quand il a le «bon goût» de ne pas les détruire)...L'addition de ces multiples sources de revenus fait froid dans le dos, car elle laisse présager une longue vie à l'organisation terroriste. Toutefois, si Daech est l'organisation terroriste la plus riche du monde, c'est aussi la plus dépensière. L'Etat islamique, comme son nom l'indique, a la prétention d'établir un Etat qui contrôle déjà aujourd'hui près de 8 millions de personnes, mais les bases de son système économique sont viciées. Si les djihadistes ont tiré profit des silos remplis de grains qu'ils se sont procurés, la prochaine récolte ne s'annonce pas aussi prolifique. Les fermiers chassés par Daech n'ont pas — ou peu — été remplacés et une partie des terres réquisitionnées est en friche. En conséquence, il est fort probable que le coût du pain retrouve son prix d'origine. Un drame pour la population, qui survit en moyenne avec 115 dollars par mois, selon le Financial Times. Ce qui fait de ce prétendu Etat l'un des plus pauvres du monde. Il n'empêche : l'essentiel des dépenses de Daech est dilapidé dans la guerre. L'Etat islamique doit nourrir, payer, former et armer 30 à 40.000 soldats. Aline Joubert (Marianne) «J'ai sauvé des milliers de manuscrits de la folie destructrice de Daech» Au printemps dernier, lorsque Daech avance ses pions dans la région de Mossoul, dans l'ouest de l'Irak, le Père Najeeb appartient encore au couvent de cette ville. Et il comprend que la culture de son pays est menacée. Avec l'aide d'autres prêtres, il fait le tour des bibliothèques des églises et des monastères de la région pour rassembler le maximum d'ouvrages. Le 6 août, lorsque les jihadistes entrent dans le village de Qaraqosh, où il s'était réfugié dans la plaine de Ninive, l'ecclésiastique a tout prévu. Des centaines de manuscrits sont rangés dans des caisses, prêts à être transportés. «Dans l'urgence, chacun prenait les choses les plus importantes à ses yeux. Moi, j'ai voulu sauver les manuscrits. Il fallait se sauver, certes, mais aussi sauver notre mémoire.» Durant toute la nuit, le Père Najeeb charge un camion et plusieurs voitures. «Sur le chemin, on a croisé des adultes et des enfants qui couraient sans savoir où aller. Ils ont grimpé dans les voitures, se sont assis sur les manuscrits et nous avons pris la direction d'Ankawa, le quartier chrétien d'Erbil». Au total, ce sauvetage rocambolesque a permis de préserver 3.000 à 3.500 ouvrages, dont certains datent du XIIIe siècle. Des livres de théologie mais aussi de science, d'histoire, d'astrologie, souvent imprimés à Mossoul, ville qui voit naître au milieu du XIXe siècle l'une des toutes premières imprimeries lithographiques. «Un peuple sans culture, c'est un peuple mort. Ce qu'essaye de faire aujourd'hui Daech, c'est de ramener le monde au VIIe siècle», s'offusque, sans jamais lever la voix, cette figure de l'Eglise irakienne. Les ouvrages qu'il a laissés à Mossoul? «Ils sont très probablement détruits aujourd'hui. Il y a un mois environ, les forces de Daech sont entrées dans cinq des plus grandes bibliothèques de la ville. Ils ont sorti les livres et les ont brûlés devant tout le monde. Aujourd'hui, le père Najeeb poursuit à Erbil un travail titanesque de numérisation entamé il y a vingt-cinq ans. Quant à l'endroit où sont entreposés à Erbil ses milliers de manuscrits, ses «enfants», seule une poignée de personnes de confiance sont dans la confidence. «On ne sait jamais», lâche celui qui a appris au fil des années à anticiper la menace obscurantiste. Pierrick Bonno (L'Express)