« Il faut cesser de faire des diagnostics et oser faire des réformes », a tempêté la présidente de la centrale patronale L'impératif de réformer fait l'unanimité. Mais la manière de faire, les priorités, les délais et le séquencement des réformes font souvent l'objet de discorde et de longs débats, débats de sourds parfois. A chacun son approche et ses intérêts. Cette nécessité de réformer, dictée par l'essoufflement de l'actuel modèle de développement, et les divergences de visions ont motivé les dirigeants de l'Institut arabe des chefs d'entreprises (Iace) à consacrer la 1ère édition du Tunis Economic Forum qui s'est tenue, hier, à Tunis, à la thématique : «La mise en place des réformes : urgences et méthodes.». Des politiques, des experts, des universitaires et des dirigeants des instituions internationales ont assisté au cours de cette journée à une série de quatre panels dédiés, successivement, à la politique économique des réformes, à la gouvernance des réformes, au contenu et au financement des réformes. Cette journée de réflexion coïncide avec le 30e anniversaire de l'Iace. Après une première phase de transition politique, c'est un nouveau chapitre de l'histoire de la Tunisie qui s'ouvre, où nous sommes tenus d'entreprendre une transformation économique, a mis en exergue le Premier ministre, Habib Essid, à l'ouverture du forum. Le gouvernement s'est penché, a-t-il rappelé, dès les premiers jours de son mandat, à préparer un plan de développement à moyen terme, en vue de réunir les préalables nécessaires pour asseoir un modèle de développement plus équitable et plus inclusif. Le gouvernement, continue-t-il, s'est engagé à poursuivre les réformes lancées par les gouvernements précédents dans les domaines du partenariat public-privé (PPP), la restructuration des banques publiques et de l'ensemble du système financier. La « Guillotine réglementaire », ciblant l'élimination ou la révision de plus de 1.000 procédures administratives, fait partie de ces réformes, a-t-il fait savoir. En somme, de profondes réformes, sectorielles et transversales sont en cours afin de permettre l'ascension à un autre palier de développement, a fait part M. Essid, mais qui restent tributaires d'un ensemble de facteurs, dont l'adhésion des parties prenantes, toutes les parties et la mobilisation des moyens humains, organisationnels et logistiques. Tableau noir Représentant le secteur privé, la présidente de la centrale patronale, Wided Bouchamaoui, a brossé un tableau noir de l'économie tunisienne et déploré la lenteur du rythme de la mise en place des réformes, « qui devaient être engagées depuis quatre années », martèle-t-elle. Et de renchérir: «Il faut cesser de faire des diagnostics et oser faire des réformes ». La première des réformes, selon la patronne des patrons, est de changer la mentalité des travailleurs, « il faut qu'ils se mettent à travailler ! », tempête-t-elle. Et pour interpeller le gouvernement, elle a appelé le ministre des Finances, qui assistait au même panel, à bien jauger la situation de l'économie nationale, « très grave », qualifie-t-elle, et de prêter de l'attention à ce qui se passe autour de nous, dans la région, notamment au Maroc et en Egypte, énumère-t-elle. « Dos au mur, il y a nécessité de faire des réformes », répond le ministre des Finances. Et de rappeler: « Nous avons été élus sur la base de programmes et nous ne pourrions réussir lors des prochaines élections que sur la base de comptes rendus à nos électeurs ». Mais, il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour lancer une réforme, relativise-t-il, tout en rappelant que certaines réformes ont mis vingt ans pour qu'elles soient mises en œuvre. Par ailleurs, toute réforme devrait s'accompagner par une étude élucidant « ceux qui perdent et ceux qui gagnent » en vue de compenser les premiers et exiger une contrepartie au deuxième groupe. Les agitations récurrentes occasionnées par divers projets de loi montrent que la deuxième composante de la thèse du ministre aura du mal à passer. Persuadé des risques inhérents à de telles entreprises, le ministre a souligné: « Il faut que les gens soient conscients que la Tunisie a besoin de stabilité ». Pour sa part, le modérateur Walid Belhaj Amor a estimé que la mère des réformes est de « rendre le pays perméables aux réformes ». Ensuite, le niveau de la capacité politique et de la capacité institutionnelle du pays est de nature à déterminer le rythme de l'élan réformiste.