Des textes contemporains bien ancrés dans les préoccupations du présent. «Des poètes issus de nombreux pays de la Méditerranée, venant de toutes les rives, de toutes les cultures, sont entourés de musiciens, de comédiens, d'un conteur, et invitent à découvrir une création poétique issue d'une culture méditerranéenne à la fois une et multiple, qui nous est commune à tous»: c'est ainsi qu'on peut décrire la manifestation Voix vives, qui est revenue pour sa deuxième édition à Sidi Bou Saïd, un lieu chargé de rythmes et de poésie. Les faiseurs de mots méditerranéens y ont été conviés vendredi et samedi derniers. Leurs vers, lus ou imprimés, tissent de nouveaux liens entre les deux rives. Par un vendredi après-midi venteux, Sidi Bou Saïd restait accueillante, ses ruelles investies de visiteurs. Près du café Sidi Chebaane, la prose rencontrait la musique avec une lecture de Amina Azzouz et Daniel Leuwers, et le luth de Yassin Vassilis-Cherif. En se déplaçant d'un lieu à un autre de Voix vives —des galeries d'art et des terrasses de cafés—, nous croisons des chasseurs de mots contemporains, le programme à la main, suivant ici et là la cadence des lectures. Dans la rue Sidi el Ghemrini, où se situe la galerie A.Gorgi, nous attend une belle brochette de poètes. Introduits par l'universitaire Samia Charfi, Slah Ben Ayed de Tunisie, Viviane Ciampi d'Italie, Janine Gdalia de France, Maram al Masri de Syrie et Elodia Turki de Tunisie ont livré à l'audience des mots qui décrivent mais que l'on ne décrit pas, si ce n'est par leurs traductions, lues par Sabrina Gannoudi. Des vers méditerranéens, entre valeurs universelles et vécus personnels de leurs auteurs. Chacun son histoire mais celle qui a particulièrement ému est la Syrienne Maram al Masri. Ses poèmes de quelques vers sont profonds comme la douleur du peuple qu'ils racontent. Les femmes et les enfants de l'intérieur, et puis la tragédie des exilés sont distillés à partir d'un vécu amer, connu de tous mais que les poètes, plus que les autres, savent synthétiser. La poètesse qui vit en France depuis une trentaine d'années nous a raconté comment elle suit les événements en Syrie en temps réel. «Dans mon recueil ‘‘Elle va nue la liberté'', j'ai voulu transformer les photos et les vidéos sur la Syrie qui circulent sur les réseaux sociaux en un livre, parce que les livres restent», nous explique-t-elle. Son parcours a commencé avec des poèmes d'amour et des thèmes personnels, avant de prendre le chemin de l'engagement, bien avant la guerre et jusqu'à aujourd'hui. «On ne peut pas rester indifférent à la douleur de notre peuple. Même si on est loin, cela nous touche dans notre quotidien et dans notre intimité. Mais est-ce qu'on s'habitue à la mort et à la barbarie!», ajoute-t-elle amèrement. Pour Maram al Masri, qui ne croyait pas que le printemps arabe atteindrait la Syrie, écrire est peut-être un moyen de supporter ce qui arrive mais aussi de le marquer au fer des mots. Cet après-midi-là à Sidi Bou Saïd, dans une petite place entre une galerie d'art et une mosquée, ses mots ont résonné dans une lecture émouvante, racontant le présent et interpellant l'origine des mots et des temps. Les mots étaient là et ils restent... après le délabrement restent les mots, le vent en est témoin.