La croissance économique du Qatar progresse de 4% au troisième trimestre de 2023    France : Un vent de contestation pour la Palestine souffle sur les universités    Tensions accrues : des troupes russes entrent dans une base au Niger hébergeant des forces américaines    Kaïs Saïed, Affaire de complot, dopage… Les 5 infos de la journée    Tunisie – Commerce : Plus de 770 tonnes de produits céréaliers subventionnés saisies les 4 derniers mois    Migration irrégulière : Réunion à Rome entre les ministres de l'Intérieur de Tunisie, d'Italie, d'Algérie et de Libye    Tunisie – Abbou : Je n'ai aucune intention de me présenter pour les présidentielles    Tunisie – Saïed invité par le Roi du Bahreïn au prochain sommet de la ligue des Etats arabes    Tunisie – METEO : Légère hausse des températures    Jaouhar Ben Mbarek comparait demain devant la chambre correctionnelle    Des sportives tunisiennes marquent l'histoire de la FIP    USA : un campement d'étudiants dénonçant l'agression sioniste contre la Palestine démantelé    Distribution des dividendes 2023: Banques, assurances, leasing...    Participation des étrangers à des spectacles en Tunisie: Le rappel à l'ordre du ministère des Affaires culturelles    Afflux massif de Libyens bloqués au passage frontalier de Ras Jedir    Chawki Tabib suspend sa grève de la faim    La Cinémathèque Tunisienne propose la série de projections "10 Sites, 10 Docs : Ciné-Patrimoine"    Bizerte : Nettoyage intensif des plages pour la saison estivale    Les écoles et les entreprises ferment de nouveau aux Emirats    Les tarifs du gaz naturel et de l'électricité ont-ils vraiment augmenté ?    Secteur privé: Vers l'augmentation de l'âge du départ à la retraite    Daghfous : il n'y a pas eu de complications à la suite de l'administration du vaccin AstraZeneca en Tunisie    Droit de réponse : L'Office des céréales réagit    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    Palestine: Pour un simple statut d'observateur aux Nations Unies!    Fête du Travail | Saïed honore deux employés, l'un pour son martyre et l'autre pour son courage    Ministère de la Jeunesse et des Sports – Lutte antidopage : «Les sanctions seront levées dès la publication au Jort du décret relatif à la conformité au Code mondial antidopage»    Fête du Travail | Taboubi : «Le droit syndical est garanti par la Constitution et par les conventions internationales»    Limiter le gaspillage du pain en Tunisie en installant des gachimètres dans les lieux de restauration    Le Musée Safia Farhat propose l'exposition collective 'La mémoire : un continent' du 5 mai au 15 juin    Soutien pédagogique et psychologique pour les candidats au baccalauréat de 2024    Jebiniana: Découverte d'un atelier de fabrication des barques métalliques    SNJT: Demain, une conférence à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse    Tunisie-BID : Signature d'un accord de financement de 60 millions de dollars    Salwa Abassi : la situation des enseignants suppléants sera régularisée après audit de la liste des noms    Club Africain - CS Sfaxien : Détails de la vente des billets    ST-EST ce dimanche au Bardo : Rendez-vous en terrain connu    Ligue 1 – 5e journée Play-off- EST-CSS (1-1) : Personne ne voulait perdre !    USA – Trump exprime son plaisir de voir la répression des étudiants pro-palestiniens    Dopage : le ministère des Sports évoque des rumeurs tout en confirmant les sanctions    Adhésion de la Palestine à l'ONU: La Tunisie regrette l'échec du projet de résolution porté par l'Algérie    Dopage : la Tunisie sanctionnée pour non-conformité au Code mondial    Accès gratuit: Profitez du beau temps, emmenez vos enfants aux musées    Sanctions confirmées par l'Agence mondiale antidopage contre la Tunisie    «La journée des Talents» à l'Institut Supérieur des Langues de Tunis (Islt) : Graines de talents    Célébration du «Jazz Day» au Goethe Institut, le 2 mai 2024 : Sous le signe de la virtuosité    Rencontre avec Selma Baccar : «Le cinéma d'auteur est un cinéma d'engagement»    1er mai: Ce mercredi, accès gratuit aux musées    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Au-delà des maux
Festival de poésie à Sidi Bou Saïd
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 05 - 2014

Vendredi et samedi derniers, une aura de voyage a flotté sur Sidi Bou Saïd. 25 poètes méditerranéens sont venus déclamer leurs vers et leurs visions du monde, sous le regard des curieux.
Le week-end dernier, ce petit joyau de l'architecture arabe et andalouse, dont nous sommes si fiers, avait autre chose à offrir que ses cafés des délices, ses petits beignets chauds et sucrés, ses bougainvilliers qui escaladent les murs et ses promenades qui dominent Carthage et le golfe de Tunis. Il a offert une plate-forme à des poètes de la Méditerranée, pour dire tout haut les mots que l'on «panse» tout bas.
Ce samedi où nous avons débarqué au festival, le temps était dégagé. Les gens avaient cette démarche particulière, celle des vacanciers aux rêves vivants. Sont-ils tous venus au village pour assister à l'évènement ?
De la poésie dans les espaces publics ! Des idées, et pas forcément des revendications politiques à la clé, c'était à ne pas rater !
Un jeune violoniste qui n'a rien à voir avec le festival, à qui l'on jette des pièces pendant qu'il joue un morceau classique, c'est du jamais-vu chez nous.
Ce jour-là, Sidi Bou Saïd était, à nos yeux, plus et autre chose. Au jardin des hauteurs Sidi Chebaane, la poétesse libanaise, Vénus Khoury-Ghata, se livre aux questions du public à propos de l'un de ses recueils intitulé «Où vont les arbres ?». Elle évoque la guerre du Liban, et s'étale sur les détails d'un grenadier qui a résisté aux tirs. Comment a-t-elle fait pour survivre à cette vision horrible des quartiers de Beyrouth éclaboussés de sang ? Ce jus rouge sur les murs n'est pourtant pas celui du fruit non défendu, symbole d'amour et de fertilité. La poétesse déclare qu'elle a échappé de justesse aux ténèbres, grâce à l'écriture. Elle écrit pour oublier que son mari est parti à jamais, oublier la déclaration d'impôts, les contraventions, les redressements fiscaux et l'insoutenable stress de Paris où elle a élu domicile après la guerre. Vénus Khoury raconte tout ça avec humour et dérision. Le public applaudit chaudement, émerveillé par l'intelligence de ses émotions.
Un peu plus tard, au Café Amor, au milieu des gens en quête d'un été hésitant, la poétesse tunisienne Amel Moussa ouvre la séance «Harmoniques en liberté » avec des mots qui sentent le parfum de femme, qui révèlent l'imaginaire d'une enfant, un certain regard sur les hommes, les souvenirs d'une vieille demeure, et la peur du silence des dimanches...
Le Grec Tasso Galatis reprend le micro pour nous lire ses poèmes écrits au hasard des rencontres, avec des personnages singuliers, peut-être bien des émigrés qui sont à la recherche d'un gagne-pain, ou des réfugiés qui veulent fuir la monstruosité des humains...
Maria Joâo Cantinho, du Portugal, enchante son auditoire avec la musicalité de sa langue maternelle. On l'applaudit fortement une première fois, puis une deuxième après la lecture des traductions par l'actrice Hélène Catzaras et Amel Moussa, qui a bien voulu prêter sa voix. Les poèmes de Maria parlent de ces « choses simples qu'il y a dans la vie, et qui ne laissent pas d'histoire », de ces mots qui réveillent la voix et qui suivent la trace, de ces paroles qui souhaitent être dites et de la main qui doit écrire l'exacte traversée de la nuit.
Le dernier poète à prendre le micro avant la clôture, en ce samedi 24 mai 2014, s'appelle Özdemir Ince. Il vient de Turquie. Mais ce dernier s'excuse de ne pouvoir lire ses poèmes parce qu'il a perdu ses lunettes de vue. On sentait le public franchement déçu. Combien cela aurait été agréable d'entendre parler turc ! Les Ottomans sont si à la mode ces derniers temps, de par leurs feuilletons et bientôt leur cinéma, puisqu'ils viennent juste de gagner la Palme d'or à Cannes !
En s'excusant avec un français cassé et la culpabilité d'un enfant qui vient d'avouer une bêtise, Özdemir Ince gagne d'emblée la sympathie du public. On l'applaudit très fort avant même de découvrir, à travers la traduction de ses poèmes, qu'il se pose une question fondamentale qui fait mal : « Qui suis-je, moi ? ».
Combien de fois les citoyens du monde entier se sont-ils posé la même question ? Surtout quand les « vautours chauves »(*) se mettent à dévorer la poésie, l'art et les lendemains.
«Voix vives de Méditerranée en Méditerranée », organisé par la municipalité de Sidi Bou Saïd, en collaboration avec l'association Libre Culture, fondatrice du festival en France, est une initiative à poursuivre. Rien qu'à voir les passants, encombrés de leurs enfants, qui s'arrêtent pour découvrir de quoi il s'agit et prendre des photos avec leurs téléphones mobiles, ce noyau dur, si longtemps gelé au fond de nous-mêmes, se met à fondre.
Quoi de mieux que des poèmes, pour que la corde qui retient nos émotions, en cette période si dure de transition, cède enfin.
(*) Les « vautours chauves » qui se nourrissent d'art et de lendemains est une expression empruntée à l'écrivain japonais Haruki Murakami.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.