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Evocation nostalgique : le Moulèd à Bizerte
Publié dans Leaders le 13 - 01 - 2014

Le Moulèd à Bizerte… pour quelqu'un de mon âge, cela évoque souvent la Société de Bienfaisance Musulmane. Voilà bien longtemps qu'elle a disparu, alors même que la bienfaisance a été captée par la politique et les requins du Parti mais, dans le cœur de bon nombre de Bizertins, son souvenir est encore vivace….
C'était une institution. Son local, à l'entrée de la Médina et à l'ombre des remparts et de Sidi Mostari, le saint patron de la ville, était toujours ouvert pour soulager les pauvres et leur prêter une main secourable… sans la moindre contrepartie… Elle les aidait à célébrer dignement les fêtes : Moulèd, Aïd ou Achoura. Les membres de la Société savaient que les plus grandes détresses étaient souvent secrètes et… muettes. Ils nous chargeaient, nous les enfants, de porter discrètement, des couffins débordant de cadeaux de toute sorte à ces veuves, à ces handicapés, à ces orphelins que les revers du temps avaient mis à mal. A cette époque révolue, les pauvres n'étaient pas exposés aux feux de la télévision… à des fins électorales !
Ainsi, lors de la Nuit du Destin, la Société fêtait ses circoncis : ses membres veillaient à tout. Rien ne manquait à ces bambins, ni les chéchias, ni les balghas ni les costumes sur mesure flambant neufs, ni la promenade en carrosse, ni les cuivres de la fanfare et son aubade devant la mosquée Erbâa…

Pour les grandes occasions, la Société organisait de beaux concerts pour faire rentrer de l'argent dans ses caisses. En un sens, la Société de Bienfaisance Musulmane a contribué à former le goût musical des Bizertins : Saliha, Hassiba Rochdi, Salah Khemissi, Fathia Khaïri et bien sûr Cheikh Khemaïs Ternane se sont produits dans le Casino tout neuf, reconstruit avec les indemnités des dommages de guerre et ont permis, grâce aux « enchères à l'américaine » - la grande mode au sortir de la guerre - de remplir l'escarcelle de la Société. Le prestige de celle-ci était tel que l'Amiral en personne se déplaçait de la Pêcherie pour ces prestations musicales et prêtait même les barges de la Marine, à l'occasion, pour organiser des concerts sur l'eau, au Vieux Port. Il fallait alors voir tout Bizerte mobilisé pour sa Société, pour ses pauvres, pour ses élèves indigents de l'Ecole Coranique de Sidi Ali Khamassi, du Collège Stéphen Pichon de la ville ou du Collège Sadiki à Tunis où la Société finançait un certain nombre d'internes…

La Société était alors dirigée par les regrettés Ali Khamassi, Mahmoud Chakroun, Ali Belakhoua, Hamda Bouguerra, Mustapha Sfaxi, Tijani Bougatfa, Hamouda Derouiche et j'en oublie et des plus actifs. C'étaient des hommes de bonne volonté, convaincus du rôle fondamental des associations pour venir en aide à leurs semblables en cette période critique de l'histoire du pays. Ils payaient de leur personne. Je les revois, parcourant la campagne, sur d'incommodes charettes, brûlés par le soleil de l'été, allant de ferme en ferme quémander la part des pauvres. Je les revois à chaque rentrée scolaire distribuant cartables, livres, cahiers et plumiers obtenus lors de collectes qui les conduisaient même à Tunis auprès des commerçants de la rue de la Kasbah ou de la rue des Protestants.

Je les revois s'occupant de très près de l'éducation des pupilles de la Société. Ils organisaient à leur intention des cours de rattrapage et même des révisions avant les examens !Désintéressés, ils ne couraient pas après les honneurs. Je me souviens qu'au sortir de la guerre, alors que tout était rationné - même le poisson - le caïd proposa à l'un d'entre eux, au nom du Bey et du Premier Ministre s'il vous plaît, le Nichan Iftikar et celui-ci de répondre un peu imprudemment : « Sidi, je préférerais plutôt des bons d'alimentation pour les pauvres de la Société. » Un peu interloqué, le Caïd finit par pouffer de rire - il était intelligent et s'appelait Belhassen Daoud - et s'arrangea pour faire livrer farine et semoule au local de la Société.

C'étaient des hommes pieux craignant Dieu mais point bigots ou fanatiques. Leurs comptes, régulièrement vérifiés - voire épluchés - à la Direction des Finances et au Contrôle Civil - ne leur attiraient que des louanges. Je crois que, secrètement, au fond de leur cœur, dans cette ville si particulière - souvenez-vous de la Caserne Maurand pointée sur Houmet Echourfa, l'Amirauté à la Pêcherie, l'Arsenal à Ferryville (aujourd'hui Menzel Bourguiba) - ils tenaient le flambeau face au Secours Catholique, aux Sœurs de la Charité et aux associations juives dirigées par Nessim et Baranès du Bazar « Oroz di Back ». Sidi Mahmoud Bougatfa créa les Scouts Musulmans, sitôt la population revenue dans sa bonne ville à la fin de la guerre – car Bizerte avait été évacuée. Et nous n'étions pas peu fiers de montrer nos uniformes à Bijouville – la partie française de la ville - face aux scouts catholiques et juifs.

La Société ne négligea pas non plus la forme physique et ses pupilles, riches et pauvres mêlés s'entraînaient avec ardeur sous la houlette compétente et gentille - malgré des dehors bourrus - de Othman Ben Salha et, à la fête annuelle au stade - à « la barrière » comme disaient alors les Bizertins - notre cœur battait à tout rompre quand Ben Ftima, au sommet de la pyramide humaine, brandissait ses deux drapeaux tunisiens. Dans cette ville-là, le message était clair à destination des colonisateurs : vous finirez par partir, nous reprendrons possession de notre ville et de notre pays tout entier.

Ces hommes étaient des patriotes.

Puissions-nous, en cette ère nouvelle, voir les Bizertins et leurs associations transformer le local de la Médina de la Société en un lieu du souvenir de ces hommes qui ont tant donné et tant aimé leur ville, leur pays et leurs semblables!

Mohamed Larbi Bouguerra

Légende photo : Le Comité directeur de la Société de Bienfaisance de Bizerte en 1936. Le Père de Larbi est le premier à droite. Au centre, coiffé du fez, le grand militant Habib Bougatfa qui devait mourir en exil en Italie.


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