Il n'est pas de mois plus animé, durant toute l'année, que celui de Ramadan. Cette fois-ci, le mois saint a pris davantage d'avance par rapport à ses devanciers, se situant en pleine saison estivale, au grand bonheur des vacanciers. A Bizerte, région côtière s'il en est, l'effervescence est montée d'un cran. La journée, la ville ressemble à une fourmilière, elle grouille de monde, tout particulièrement dans les souks et les centres commerciaux. Les mouvements et les activités redoublent d'intensité. La «garniture» du couffin de la ménagère constitue le programme de la première séance de travail ou de loisir, selon l'humeur de chacun. L'après-midi, avant la rupture du jeûne, les femmes se retranchent dans la maison, plus précisément dans la cuisine vaquent à leurs occupations de cordons bleus. Les hommes, eux, dans leur grande majorité, vont, accompagnés de leurs enfants, se rafraîchir à la plage. Ce sont les grottes, la Corniche, Sidi Salem, et c'est une nouveauté, le canal de Bizerte où l'eau est d'une limpidité exceptionnelle, qui connaissent un mouvement de masse permanent et des chassés-croisés. Pour les partisans du moindre effort, seule une sieste fait l'affaire par ces après-midi de canicule. Et, paradoxalement, en comparaison avec le reste de l'année, ce n'est que le soir, après avoir rompu le jeûne, que la cité s'anime le plus, s'éveillant toutefois petit à petit. Après la prière d'Etrawih à la mosquée du coin, tout le monde se disperse. Ça va dans tous les sens ! Chacun optant pour le choix qui lui sied le mieux. Les cafés se remplissent alors peu à peu. Bien installés à leur table, les hommes sirotent un thé, une boisson gazeuze ou un petit noir en guise d'entrée, digestion oblige. Plus tard dans la nuit, on passe aux gâteaux et autres pâtisseries pour meubler «le petit creux», le tout sur fond de jeux de cartes. Pour d'autres, les plus casaniers, le domicile familial constitue le lieu de détente idéal, après une longue journée laborieuse. La soirée débute pour eux avec les nombreux feuilletons qu'ils regardent en famille. Ça n'arrête pas alors de «zapper ! Et là, on se rassasie de pâtisseries de tous genres. Toutefois, la plupart des Bizertins, en cette belle saison, ne sacrifieraient pour rien au monde les sorties pour des promenades nocturnes tout le long de l'avenue Habib-Bougatfa à la plage et à la Corniche côté mer. Les bistros et autres crêperies sont inondés de lumières et de «couche-tard» respirant par là-même de l'air pur et «souffleté» par la brise marine. Là, un ballet de voitures incessant ajoute à la frénésie de l'ambiance qui dure jusqu'au shour et où le calme commence à descendre sur les lieux. Du côté du Vieux-Port, c'est la ruée aux terrasses des cafés où la convivialité est légendaire. On discute, on fume le narguilé, on boit de l'eau, des jus, des boissons, on sirote du thé… qu'est-ce qu'on est bien! En face, sur les deux rives de la Médina et d'El Ksiba, le reflet des lumières sur l'eau, les barques et yachts amarrés présentent de jolis tableaux : une source d'inspiration sans égal pour les plus romantiques. Certains autres préfèrent fréquenter les espaces culturels où on peut apprécier diversement les activités programmées par la délégation régionale de la culture et de la sauvegarde du patrimoine et autres associations qui en ont la charge. Conférences, musique, compétitions religieuses, théâtre ou encore cinéma meubleront leurs nuits ramadanesques. Enfin, l'animation à Bizerte au mois de Ramadan ne se conçoit pas sans les mets sucrés faits maison. Dans les traditions spécifiques de cette ville du nord du pays, on peut goûter aux délices des gâteaux les plus variés, à loisir. Le plus consommé est le masfouf, du couscous blanc sucré agrémenté de raisins secs que l'on sert au «Shour». Et le gâteau sur la cerise, la particularité bizertine, est cette rfissa, très succulente, à base de pâte coupée en copeaux, sucrée également et agrémentée de dattes: un vrai régal ! Bizerte a tout simplement conservé son authenticité. Ce mois apporte au musulman une certaine sérénité, un certain bien-être. Il s'agit d'un mois bienfaisant : foi, solidarité, charité, liens familiaux raffermis, pardon… Bref, une cure dans tous les sens du terme.