Hatem Mziou appelle à mettre en route les procédures de la justice à distance    L'hommage d'un professeur à une élève ayant décidé de porter le hijab suscite la controverse    Maroc – Groupe OCP: Un Programme d'investissement vert de 13 milliards de dollars    Entre 2010 et 2023, la dette publique par habitant a augmenté de 330%    Ligue1—Play-off-5ème journée — ST-USM (0-0): Il ne manquait que les buts...    CA: Chasser le signe indien    UST: Défendre son leadership    Anne Guéguen, Ambassadrice de France à Tunis en visite chez la CONECT    Tensions à Sciences Po : Quand la politique s'immisce dans l'expression étudiante    Coupures programmée d'électricité dans les régions de Monastir et Sidi Bouzid    Tunisie-Canada: Un don de 185 ouvrages à la Bibliothèque nationale Tunisienne    La CPI pourrait émettre des mandats d'arrêt contre des hauts responsables israéliens    La Kasbah—Activités du Chef du gouvernement durant la quatrième semaine d'avril 2024: Une batterie de mesures pour faciliter le retour des Tunisiens à l'étranger    11e session de la commission mixte Tuniso-camerounaise à Yaoundé: Consolider la coopération dans divers domaines    DECES ET FARK: Kamel SAMMARI    Trois questions à Samir Meddeb, président de l'association Racines et Développement Durable: "Nos pratiques de consommation ne sont pas durables"    Faire entendre sa voix dans le monde    Affaire présumée de trafic de psychotropes: Médecins et pharmaciens sous le joug de la caducité de la loi    Chroniques de la Byrsa: Circulez (sur le bitume), il n'y a plus rien à voir !    Mesures contre la triche au bac: Tirer profit des expériences antérieures    Violences faites aux femmes en Tunisie : Que disent les chiffres ?    ECHOS De la FILT: Le ministre italien de la Culture au pavillon de l'Italie    La ligne d'or: Parler avec passion et amour : l'art de captiver son auditoire    Coopération bilatérale: Signature d'une convention de jumelage tuniso-italienne dans le secteur du patrimoine    Météo de ce dimanche 28 avril    Que nous révèlent les prix des matières premières sur l'économie mondiale ?    Imed Khemiri : ce système est celui de l'échec !    Décès du journaliste Kamel Sammari    Volley – Play-offs Nationale A (SF) : CSS 3-0 EST, résultats de la J3 (vidéos)    Salon du livre : l'ambassadeur italien « dégagé » par des militants de l'Action pour la Palestine    Ons Jabeur en huitième de finale du tournoi de Madrid    Miss Buenos Aires 2024 : Une femme de 60 ans brise les barrières de l'âge    En vidéo : Sihem Ben Abdessamad présente le Challenge Startupper de l'Année par TotalEnergies    Gianni Infantino félicite l'EST pour sa qualification à la coupe du monde des clubs 2025    Météo - Tunisie : vents relativement forts à très forts sur l'intégralité du territoire    Après sa qualification, 7 millions de dinars pour l'EST    Endettement public : La Tunisie déterminée à honorer ses engagements en comptant sur ses propres ressources    Nabil Ammar à Yaoundé : Partage d'expertise et coopération bilatérale entre la Tunisie et le Cameroun    Manifestations étudiantes aux Etats-Unis : un tournant pour l'alliance avec Israël ?    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La Diplomatie tunisienne de la 2ème République
Publié dans Leaders le 12 - 01 - 2015

Avec l'avènement de cette nouvelle année 2015, laquelle -on l'espère - augurera d'une nouvelle ère de stabilité, de sécurité et de prospérité économique et sociale en Tunisie et après l'intronisation du Premier Chef d'Etat, élu démocratiquement et librement par le peuple tunisien pour veiller aux destinées de la deuxième République, il est grand temps que la vertu du travail retrouve ses lettres de noblesse dans notre pays. En effet, le plus grand défi qui se dresse actuellement devant notre pays c'est de se remettre rapidement au travail avec conscience, abnégation et altruisme, comme à la veille de l'indépendance de la Tunisie et qui a fait de notre pays une exception dans tout le monde arabe.

Il est vrai que l'administration tunisienne a su assurer l'essentiel pendant et après la révolution et éviter au pays de sombrer dans le chaos, mais cette administration tourne depuis des années au ralenti et la révolution n'a fait qu'exacerber cet état de léthargie dans lequel se trouve le service public. Et quand on sait que le service public a toujours été considéré, à juste titre, comme la locomotive de tout l'appareil de production dans le pays, on peut mesurer l'ampleur du défi qui se dresse devant nous.

Le nouveau Gouvernement devra prendre des mesures d'urgence pour réanimer le service public, y compris l'appareil militaire, sécuritaire et diplomatique avant de s'attaquer directement aux maux structurels de l'administration tunisienne, tels que la lourdeur administrative, la bureaucratie, la productivité et l'efficacité, l'absentéisme, etc.

Mais si le fléau du terrorisme et la conjoncture internationale et régionale ont poussé dans l'urgence, le Gouvernement sortant de M. Mehdi Jomaa à ouvrir le chantier de la restructuration et la modernisation de l'appareil militaire et sécuritaire, rien n'a encore été fait du coté du service diplomatique. Ce service, tout aussi important dans la lutte contre le terrorisme et dans la protection de la souveraineté du pays, demeure depuis le Gouvernement de Ben Ali, complètement négligé.

Nous sommes confiants que le nouveau Président de la République, M. Beji Caïd Essebsi, qui a été Ministre des Affaires Etrangères pendant l'âge d'or de la diplomatie tunisienne, saura lui donner son lustre d'antan en lui redonnant plus d'équilibre, de professionnalisme et de sobriété.

L'ancien Président Ben Ali qui s'est toujours senti rejeté par les diplomates et autres fonctionnaires du Ministère des Affaires Etrangères (MAE) du temps où il était Attaché Militaire au Maroc et ensuite Ambassadeur en Pologne, a tout fait pour marginaliser les diplomates tunisiens et le Département des affaires étrangères. Il a veillé surtout à nommer dans les postes de responsabilités au Ministère et notamment à la tête des missions diplomatiques et consulaires à l'étranger des personnes qui n'avait aucune formation ou connaissance du métier diplomatique. Leur seul mérite était d'être tout à fait acquis à sa personne et complètement au service de son régime.

Cette marginalisation de la diplomatie s'est poursuivie avec la Troïka qui n'avait aucune vision claire de notre politique étrangère. Pire on a même assisté à la détérioration de nos relations extérieures avec un certain nombre de pays partenaires de la Tunisie.

Afin de permettre à la diplomatie tunisienne de retrouver son rayonnement international et de recouvrir son rôle précurseur sur la scène arabe, musulmane et non alignée, il est primordial de redonner le prestige, la confiance et les moyens à ce corps d'élite et à ce Département de souveraineté.

Il est également urgent d'insuffler un renouveau au niveau des responsabilités au sein du MAE et des postes diplomatiques et consulaires, en amenant à la barre une nouvelle génération de diplomates de carrière talentueux, professionnels, intègres et neutres, issus de l'institut Diplomatique de Formation et des Etudes (IDFE).

Le MAE a mis en place depuis le début des années 90, une formation spécialisée destinée aux futurs Diplomates, qui sont sélectionnés par la voie d'un concours externe. Cette formation a débuté au sein de l'Ecole Nationale d'administration (ENA) avant de donner naissance à L'IDFE et qui devrait à son tour donner un jour naissance à toute une Académie diplomatique, comme dans les pays développés.

Chaque promotion de diplomates portait alors le nom d'un ancien diplomate tunisien comme la promotion Mongi Slim, qui fût la première à terminer sa formation académique et pratique de deux ans à l'ENA et qui a intégré le Département des Affaires Etrangères en 1991 avant que ses membres soient appelés à servir leur pays dans les postes diplomatiques à l'étranger. Ces diplomates, aujourd'hui dans la cinquantaine, qui ont désormais une longue expérience dans l'art diplomatique, qu'ils ont acquise au sein du Ministère, dans les postes à l'étranger ou même auprès d'institutions internationales, devraient prendre les rênes à la tête de la diplomatie tunisienne pour assurer son renouveau.

Il est également primordial de mettre un terme définitif au parachutage de personnes étrangères au corps et au métier diplomatique et qui ne lui apportent aucune valeur ajoutée. Il est tout aussi important de veiller à éviter les nominations arbitraires sur la base du favoritisme ou pour allégeance partisane, permettant à certains diplomates, dépourvus de toute expérience requise, de brûler les étapes et d'être catapultés dans des postes de responsabilité. Ces parachutage et nominations arbitraires se font au détriment des anciens diplomates méritants, provoquant ce phénomène de frustration et de contestation qui règne jusqu'à ce jours au MAE.
Une autre condition sine qua non pour valoriser le capital humain et ce vivier de compétences, dont regorge le MAE et qui ont longuement attendu leur chance pour accéder aux postes de responsabilité, est la nécessité de l'adoption du nouveau statut du corps diplomatique. Ce nouveau statut, qui a fait l'objet de multiples rounds de négociation depuis plus de deux ans entre le MAE, la fonction publique et l'UGTT, est nécessaire pour garantir un service diplomatique républicain, neutre et professionnel au service de la patrie. "La diplomatie est un métier et la neutralité est une nécessité" résume bien les revendications des diplomates tunisiens qui ont longtemps milité pour l'adoption de ce statut.

Les autorités de tutelle devraient s'atteler d'autre part à mettre en place un nouvel organigramme qui prend en compte l'élargissement et les nouvelles attributions du Ministère, ainsi que les nouvelles réalités géostratégiques, dans un monde en perpétuel changement. Cet organigramme devrait intégrer davantage la composante économique qui doit être mise en exergue dans la diplomatie tunisienne. Ceci nécessite une autre réforme de taille à savoir la récupération du dossier de la coopération internationale, qui a toujours été parmi les principales attributions de la diplomatie tunisienne. Le MAE a été amputé de sa deuxième large prérogative, lorsque que l'ancien Président a décidé la création du Ministère de la Coopération Internationale et de l'investissement Extérieur. La coopération internationale est l'essence même du travail diplomatique et la création du Ministère de la coopération n'a fait que disperser les efforts et rallonger les procédures entre les différents intervenants. Cela a négativement influé sur la célérité du traitement des dossiers de coopération, notamment technique et financière avec les partenaires étrangers. Il serait également utile que le MAE récupère un autre dossier, qui a toujours fait partie de ses attributions consulaires, à savoir le dossier des tunisiens à l'étranger, lui aussi tiraillé entre le département des Affaires Etrangères et celui des Affaires Sociales.

Sur le plan des représentations diplomatiques à l'étranger, la Tunisie est loin derrière ses voisins sur le plan de la présence, que ce soit en Afrique, en Asie, en Amérique Latine et même en Europe de l'Est. La nécessité d'élargir la présence diplomatique à l'étranger a été reconnue depuis des années sans que cela ne soit mis en œuvre. Le projet d'ouverture d'une Ambassade en Malaisie ou au Mexique date de dizaines d'années mais n'a pas eu lieu jusqu'a ce jour. Il est donc temps de programmer un planning d'ouverture de représentations diplomatiques et consulaires dans ces deux pays, mais aussi en Afrique où la Tunisie est très peu présente, notamment en Afrique Australe et de l'Est. Il serait également utile de penser à moyen terme à l'ouverture même de bureaux d'intérêt sur la côte Ouest américaine notamment au sud du coté de la Californie et au nord du coté de Vancouver au Canada. Ces deux régions, à très forte croissance économique, recèlent d'énormes opportunités de coopération économique, touristique et scientifique, ainsi que de placement de main d'œuvre. La reprise de la tradition des missions itinérantes notamment vers les pays lointains comme en Asie du Sud et du Centre et en Amérique du sud, devrait être envisagée, mais avec une préparation et un suivi adaptés.
Ce fût un temps pas si lointain où il était indispensable à tout département ou entreprise publique d'informer le MAE de tout contact, initiative ou programme de coopération entrepris avec des partenaires étrangers.
Il était également obligatoire à tout responsable publique d'informer et le MAE et les missions diplomatiques concernées, avant tout déplacement officiel ou de travail à l'étranger et ce dans le but de coordonner et d'harmoniser toutes les initiatives et les programmes entre les différents intervenants tunisiens et leur garantir toutes les chances de succès. L'application de cette directive du Premier Ministère n'est plus respectée, causant beaucoup de tort à nos relations avec des partenaires étrangers. On a même assisté pendant le règne de la Troïka à des visites et des missions de travail, dans des pays étrangers par des Ministres et d'autres hauts responsables, sans que le MAE ni l'ambassade tunisienne dans le pays visité ne soient informés. Il serait donc utile d'informer systématiquement le MAE avant d'entreprendre des programmes de coopération ou effectuer des visites dans les pays étrangers. Il est également indispensable à toutes les représentations tunisiennes à l'étranger relevant de l'ONTT, CEPEX, Ministère de l'Enseignement Supérieur, Tunisair et autres, de mieux coordonner leurs programmes et plans d'action avec la mission diplomatique pour conjuguer et optimiser les efforts de coopération et de promotion dans le pays d'accréditation.

Il n'est pas possible de terminer cette réflexion sur l'avenir de la diplomatie tunisienne sans rappeler encore et toujours, qu'il faut doter le MAE et les missions diplomatiques et consulaires à l'étranger, des moyens nécessaires pour mener à bien leur ambition de développement des relations extérieures et de coopération avec tous les partenaires étrangers et afin de promouvoir notre pays à l'étranger sur toutes ces facettes.
Sans la mise en œuvre de ces réformes urgentes et ces programmes de rénovation de l'appareil diplomatique qui s'imposent et sans la mise à disposition des moyens humains, logistiques et financiers nécessaires, il n'est pas possible d'envisager une diplomatie digne de la deuxième République. Une diplomatie qui s'acquitte pleinement de son rôle, au service du développement de la Tunisie, par la mise en œuvre de programmes de coopération, de partenariat et d'attraction des investisseurs, des bailleurs de fonds et des touristes étrangers.

C'est l'occasion ou jamais de le faire, en capitalisant sur la transition démocratique pacifique, comme argument, devant les instances financières internationales et les pays frères et amis de la Tunisie.

Borhene El Kamel
Ministre plénipotentiaire, Ambassade de Tunisie à Ottawa


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.