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«Diplomatie de grand bruit ne rime pas forcément avec efficacité»
Interview - Othman Jerandi, ministre des Affaires étrangères, à La Presse

Deux mois après son investiture à la tête de la diplomatie tunisienne, Othman Jerandi estime que «diplomatie de grand bruit ne rime pas forcément avec efficacité». Servir et défendre les intérêts du pays, redonner confiance à nos partenaires, replacer la Tunisie à la place qui lui revient sur l'échiquier mondial restent les domaines prioritaires de l'action diplomatique tunisienne.
Sollicité depuis un mois, le ministre des Affaires étrangères nous a, enfin, accordé une interview dans laquelle il apporte des éclairages sur les grandes questions brûlantes et les dossiers prioritaires qui concernent la Tunisie : le sort des émigrés clandestins en Italie et de la colonie tunisienne en Syrie, la construction de l'Union du Maghreb Arabe, l'image du pays à l'étranger après les multiples événements qu'il a connus et autres. Interview.
Durant les quelques mois qui nous séparent des prochaines élections, quels sont les dossiers prioritaires auxquels s'attelle le ministère ?
Le département a un rôle de premier plan à jouer dans cette phase importante de la transition démocratique de notre pays.
A la veille de la mise en place des institutions constitutionnelles permanentes et à la lumière des défis de l'instant, nos actions et démarches au niveau du ministère pourraient être classées en deux grandes catégories :
- Un volet diplomatique et politique, qui concerne nos contacts et démarches visant à restituer la confiance de nos partenaires étrangers dans ce processus transitoire et à tisser des relations fortes, privilégiées et basées sur le respect et les intérêts mutuels.
- Un volet économique, dans le cadre duquel nous œuvrons à mettre à profit le réseau de nos relations avec les pays frères et amis en vue d'appuyer les efforts visant à trouver des solutions adéquates aux questions qui préoccupent notre société, à l'instar de l'emploi des jeunes, l'émigration, ou le développement des régions intérieures.
Dans ce même contexte, nous accordons un intérêt particulier aux dossiers de la restitution des avoirs mal acquis et l'extradition des inculpés parmi les symboles du régime déchu et leurs proches. Ce sont des questions qui sont directement liées à la justice transitionnelle, mais ayant également un impact économique immédiat, et elles constituent par conséquent des constantes dans nos actions. Nous essayons chaque jour de surmonter les difficultés, mais c'est aussi un travail de longue haleine qui, objectivement, et comme dans toutes les expériences de transition démocratique, requiert patience et persévérance. Les résultats restent cependant tributaires de l'étendue de la coopération et de la disponibilité des pays concernés à nous aider et de leur volonté d'accélérer les procédures applicables.
Si, pour ce qui est de la restitution des avoirs, le Liban, l'Espagne, l'Italie et d'autres pays s'imposent comme des cas exemplaires d'une coopération positive que nous valorisons, d'autres comme les Seychelles illustrent les difficultés que nous rencontrons. Nous avons déploré la manière par laquelle ce pays ami a répondu à nos démarches et j'ai moi-même initié un contact avec le MAE seychellois pour lui faire part de la position ferme de notre pays et insister sur le droit de tous les Tunisiens à voir les inculpés du régime déchu dans des affaires de corruption extradés et jugés en Tunisie.
Cela dit, je voudrais rassurer nos chers concitoyens que nos efforts, en collaboration avec les hautes instances de l'Etat et les départements spécialisés, ont été porteurs de résultats tangibles: les accords financiers, les dons, tels que ceux récemment signés avec le Japon et l'Allemagne, la reconversion ou le recyclage de certaines dettes extérieures, la restitution de certains avoirs, etc. en témoignent. Certes, beaucoup reste à faire, mais nous sommes déterminés à poursuivre nos efforts dans la même perspective d'interaction positive avec les aspirations du peuple tunisien et ses besoins, ainsi que dans le même souci d'efficacité pour réaliser les objectifs escomptés.
La Turquie et le Qatar sont deux pays qui montent en première ligne dans le domaine de la coopération bilatérale avec la Tunisie. Cette nouvelle donne annoncera-t-elle un changement de cap dans la diplomatie tunisienne ?
Notre diplomatie est caractérisée par son ouverture à l'image de notre civilisation et de notre peuple. Si nous visons une diplomatie dynamique, réaliste et équilibrée, à même d'apporter des opportunités à l'économie du pays et d'améliorer les conditions des Tunisiens, nous devons préserver cette ouverture et œuvrer à promouvoir nos relations avec non seulement nos partenaires traditionnels mais aussi avec les pays arabes, musulmans, africains et ceux des espaces asiatique et américain.
La dynamique enregistrée dans les relations de la Tunisie avec la Turquie et le Qatar s'insère dans cette logique, mais également dans le cadre de l'enracinement de la Tunisie dans sa profondeur géographique et historique et la consécration de sa réconciliation avec son identité arabo-islamique.
Vous savez que la Turquie et le Qatar étaient parmi les premiers pays à exprimer leur soutien à la volonté du peuple tunisien de recouvrer sa liberté et sa dignité, et à appuyer la Tunisie dans sa phase de transition démocratique en apportant leur aide aux efforts de développement, d'investissement, et d'emploi dans notre pays.
C'est ainsi que la Turquie a réservé une aide financière estimée à 500 millions USD (environ 825 millions de dinars) et s'est engagée avec nous dans des accords de coopération technique et de développement portant sur différents secteurs prioritaires. Tel est le cas pour le Qatar, dont le montant global des transferts financiers au profit de la Tunisie après la révolution a atteint fin mars 2013 un milliard et 300 millions de dollars US (490 millions de dinars environ) sous forme de crédits et de dons ou des investissements dans plusieurs domaines, en plus du financement des projets bénévoles en Tunisie et notamment dans les régions intérieures.
Par ailleurs, je tiens à préciser que dans une Tunisie qui a payé cher le prix de sa liberté, il est impensable de contester l'autonomie de sa décision politique et l'attachement ferme et fort à sa souveraineté. Nos relations avec tous les pays, sans exception, sont basées sur ce principe sacro-saint du respect mutuel de la souveraineté de chacun. Aucun doute ne devrait effleurer les esprits de nos chers concitoyens concernant cette question, car nous optons pour le principe de zéro tolérance pour ce qui est de notre indépendance, notre souveraineté nationale, nos choix stratégiques et notre pouvoir de décision.
Mais ces deux pays ont bénéficié d'avantages économiques en Tunisie, et le Qatar, par exemple, nous a accordé des crédits à des taux élevés, supérieurs même à ceux pratiqués par le Japon ?
Je dois préciser que chaque opération obéit à une logique et à des paramètres spécifiques. L'important c'est que dans ce genre d'opérations «win-win» (gagnant-gagnant), la Tunisie trouve son compte d'autant que les relations avec le Qatar sont excellentes. En témoigne la création récente du fonds d'amitié qatari qui vient d'accorder à la Tunisie un don sous forme de prêt de 100 millions de dollars US (environ 170 millions de dinars) pour promouvoir les microcrédits et les projets initiés par les jeunes.
D'ailleurs, ce même fonds a apporté son concours en France et au Japon.
Comment expliquez-vous la reconnaissance, que certains ont considéré comme dictée par des tierces parties, de la coalition de l'opposition syrienne alors que le conflit n'en finit pas de s'éterniser ?
La reconnaissance par la Tunisie de l'alliance de l'opposition syrienne s'est effectuée en coordination avec la position arabe et en droite ligne avec les orientations internationales majoritaires. Malgré les divergences au sein de la coalition, et bien qu'elle ne regroupe pas toutes les composantes de l'opposition syrienne, elle a été considérée comme le représentant légitime, non l'unique, du peuple syrien et un interlocuteur essentiel de la Ligue des Etats arabes.
Par ailleurs, nous considérons que toute intervention militaire extérieure en Syrie constitue une ligne rouge pour la Tunisie, et c'est pour cette même raison que notre pays a soutenu les efforts de l'opposition syrienne dans la coordination de son action et l'unification de sa position dans la perspective d'une transition démocratique qui préserve la Syrie de l'effusion de davantage du sang et la met à l'abri de tout danger d'une éventuelle guerre civile qui aurait des conséquences néfastes sur toute la région.
La ferme condamnation de l'agression israélienne contre la Syrie exprimée récemment par la Tunisie , s'inscrit dans le cadre d'une position de principe basée sur le respect de l'intégrité du territoire syrien.
Depuis le début de la crise syrienne, et malgré la croissance tragique du nombre des victimes, des sans-abri et des réfugiés, la Tunisie n'a cessé d'inciter toutes les parties à aboutir à une solution pacifique qui garantisse au peuple syrien frère son droit légitime à la liberté et à l'instauration d'un régime démocratique. Il va sans dire que nous refusons de voir une Syrie détruite et déchirée par la guerre avec toutes les conséquences imaginables sur une région dont la stabilité et la sécurité restent toujours extrêmement fragiles. C'est dans ce souci que nous continuerons à travailler avec l'ensemble de la communauté internationale en vue de favoriser la résolution politique du conflit, et épargner ainsi à la Syrie davantage de pertes humaines et de destructions.
Quels sont les moyens possibles pour établir des canaux de communication avec la communauté tunisienne en Syrie afin d'avoir une meilleure perception sur le sort de nombreux jeunes utilisés comme chair à canon dans la guerre en Syrie
Depuis ma prise de fonctions, j'ai vu qu'il était impératif de réfléchir sur les moyens à même de contourner les difficultés objectives imposées par la situation dans son ensemble : nous avons des ressortissants qui fuient les affrontements militaires, une demande accrue sur les prestations consulaires et les différentes formes d'assistance, mais aussi des jeunes Tunisiens qui sont impliqués dans le conflit armé en Syrie avec toutes les douleurs et les souffrances que cela a engendrées chez leurs familles et la société tunisienne tout entière.
La première mesure que nous avons prise au ministère était le renforcement du personnel de l'ambassade de Tunisie à Beyrouth par un diplomate et un agent local afin de lui permettre d'assurer, dans les meilleures conditions possibles, l'encadrement des ressortissants tunisiens en Syrie et de leur fournir les prestations dont ils ont besoin. Notre objectif essentiel est de garder opérationnel le canal de la communication avec nos compatriotes en Syrie.
Au niveau du département, nos structures compétentes sont en train d'accueillir les familles des jeunes Tunisiens ou celles de nos ressortissants en Syrie. Leur devoir est d'assurer une bonne coordination avec les autres ministères concernés et de prêter l'assistance nécessaire à ces familles et nous essayons périodiquement de parfaire ces prestations et de remédier aux carences d'informations et à la complexité de la question.
Toutes les décisions prises à cet effet s'insèrent dans le cadre d'un effort global visant à trouver une solution durable à ce problème. Le ministère, un des intervenants dans ce dossier, reste à la disposition des organisations de la société civile créées à cet effet pour rassurer les familles de nos jeunes, les défendre ou leur fournir l'assistance nécessaire.
Pensez-vous que l'antenne créée à Beyrouth est suffisante pour traiter tous les dossiers et répondre à toutes les demandes des tunisiens qui vivent dans l'illégalité en Syrie, parce que sans papiers ?
Notre colonie établie en Syrie depuis des générations a besoin de pièces d'identité, laissez-passer et autres services. C'est pourquoi nous avons renforcé nos services à Beyrouth pour toute opération consulaire. Nous avons d'ailleurs facilité le rapatriement de cinq personnes.
Etant donné que les Américains et les pays occidentaux commencent à reconsidérer leur position sur la crise syrienne, la Tunisie va-t-elle faire de même en cherchant à rétablir les ponts?
Si la situation évolue dans un sens ou dans l'autre, la décision tunisienne suivra, car notre pays s'est toujours inscrit dans la logique du dialogue en préservant nos intérêts. Nous sommes également pour le principe sacro-saint de l'indépendance, de l'intégrité territoriale de la Syrie et du règlement pacifique du conflit.
Après les accords intervenus lors des discussions de Genève 1 entre tous les protagonistes, l'idée d'un Genève 2 a émergé. La réunion préparatoire des «Amis de la Syrie» se tiendra vers la mi-juin en Jordanie.
Le processus de construction de l'Union du Maghreb arabe semble marquer le pas. L'initiative du président provisoire, annoncée en 2012 et portant sur la tenue d'un sommet maghrébin, ne semble pas recueillir une quelconque unanimité dans la région. Au regard de la situation qui prévaut dans la région, pensez-vous que ce dossier est définitivement clos ?
Je viens de rentrer de Rabat, où j'ai participé à la réunion des MAE de l'UMA. J'ai eu des concertations approfondies avec tous mes homologues maghrébins et je peux vous dire qu'il y a une convergence sans équivoque sur l'importance que représente une intégration maghrébine réussie aujourd'hui. Tous les pays de l'UMA sont bien conscients qu'il n'y a pas d'alternative à ce processus étant donné les défis sécuritaires de taille que nous rencontrons tous et les exigences posées par une conjoncture économique régionale et mondiale difficile.
Par conséquent, ce dossier n'est point clos... L'UMA constitue toujours pour tous nos pays un rêve et un projet collectif... Nous aspirons tous à une Union qui serait au diapason de l'époque et des attentes de nos peuples. La Tunisie croit fortement en ce projet et le perçoit comme un choix stratégique. Ainsi, l'initiative du président de la République provisoire s'inscrivait dans cette logique et nos frères maghrébins apprécient les efforts de la Tunisie en vue de relancer le processus de l'UMA à travers notamment la tenue d'un sommet. Les chefs d'Etat de l'UMA poursuivent leurs consultations dans ce sens.
Cela dit, les activités sectorielles dans le cadre de l'UMA continuent leur cours habituel et à un rythme soutenu, avec notamment des projets en perspective et des programmes de coopération prometteurs... Parmi les décisions arrêtées récemment, nous serons très probablement en mesure, d'ici la fin de l'année, d'annoncer l'établissement de la Banque maghrébine de développement.
L'opacité qui entoure le sort des Tunisiens émigrés clandestinement depuis 2011 en Italie suscite encore colère, attente vaine et questionnement des familles toujours en quête d'informations fiables. Ce dossier a-t-il évolué et comment comptez vous y apporter des solutions, notamment avec la partie italienne ?
Plusieurs démarches ont été entreprises par les services compétents du ministère des Affaires étrangères en collaboration avec notre ambassade, nos missions consulaires en Italie et les autorités italiennes pour apporter des réponses et surtout des solutions à ce problème.
Compte tenu de l'importance que nous accordons à ce sujet et afin de répondre aux questions et aux sollicitations des familles, le gouvernement tunisien a envoyé, depuis le mois de janvier 2012, des représentants de ces mêmes familles en Italie. Notre ambassade à Rome ainsi que nos postes consulaires en Italie, avec l'appui financier de l'Office des Tunisiens à l'étranger et en collaboration avec les autorités italiennes compétentes, ne cessent d'apporter à ces représentants présents sur le sol italien le soutien logistique nécessaire pour leur permettre de visiter les centres d'accueil, de rétention et les prisons susceptibles d'héberger des Tunisiens en situation irrégulière. Nous les tenons régulièrement au courant de toute information nouvelle concernant ce dossier.
De leur côté, les autorités italiennes ont octroyé aux migrants tunisiens, à titre exceptionnel, 11236 titres de séjour provisoires pour des raisons humanitaires et parmi ces bénéficiaires, plus de 6.000 ont pu obtenir des titres de séjour après avoir bénéficié de contrats de travail et 4.617 ont bénéficié du décret n°109 du 16 juillet 2012 relatif à la régularisation des émigrés clandestins.
S'agissant de la question des disparus tunisiens au large des côtes italiennes, nous continuons de solliciter l'appui des autorités italiennes compétentes dans le cadre du déroulement des enquêtes conjointes pour parvenir à des résultats concluants qui contribueraient à apporter des réponses aux demandes insistantes des familles des disparus. En effet, une commission tunisienne permanente a été instaurée en janvier 2012 lors d'un Conseil ministériel et a été chargée de ce dossier. Cette commission se réunit régulièrement sous la présidence du secrétaire d'Etat chargé de l'Emigration et des Tunisiens à l'étranger avec la participation de représentants des ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur, de la Justice et de la Défense nationale.
En même temps, les autorités tunisiennes ont adressé aux autorités italiennes 1.825 demandes relatives à la recherche de Tunisiens disparus ainsi que 232 relevés d'empreintes digitales. Seules 14 empreintes digitales correspondant à des ressortissants tunisiens arrivés sur le sol italien avant la révolution ont été reconnues. Les recherches se poursuivent avec les autorités italiennes en collaboration avec les services de l'Interpol afin de connaître le sort des disparus et la possibilité de leur présence éventuelle dans d'autres pays de l'Union européenne.
Nous comprenons et partageons la souffrance des familles concernées, et nous avons les mêmes soucis quant au sort de nos jeunes, mais il faut relativiser le bilan et reconnaître l'étendue et l'importance des efforts déployés par les différents intervenants tunisiens, y compris le MAE et ses structures internes et externes. Il n'y est de l'intérêt de quiconque de ne pas clore ce dossier ou de rassurer définitivement toutes les familles. La question est complexe et ne dépend pas uniquement du rôle imparti au MAE ou aux organes de l'Etat tunisien.
La Tunisie a accédé au statut de partenaire privilégié de l'Union européenne en novembre 2012. D'aucuns affirment que notre pays, dont l'économie traverse une grave crise et la compétitivité de ses entreprises a été sérieusement entamée, est dans l'incapacité de tirer profit de ce statut. L'Europe n'a jusqu'ici montré aucune disposition sérieuse pour soutenir le développement de la Tunisie et appuyer son processus de transition vers la démocratie. Comment expliquez-vous cette attitude d'hésitation de l'Europe ?
Effectivement, la Tunisie s'est vue octroyer le Statut du partenaire privilégié de l'Union européenne en novembre dernier. A cet effet, les deux parties ont politiquement approuvé le texte du plan d'action qui traduit ce statut, lequel plan couvre une période de 5 ans : 2013-2017. Aussi, la Tunisie pourra-t-elle tirer pleinement profit de ce statut ainsi que des actions convenues dans le cadre du plan d'action. D'où, peut-être, la nécessité de nuancer les jugements des observateurs, qui prêchent souvent par excès de frilosité et ce, d'autant plus que l'actuelle situation économique du pays n'est pas catastrophique, mais difficile... et qu'elle finira par s'améliorer.
Quant au soutien de l'Union européenne au développement de la Tunisie et l'appui à son processus de transition vers la démocratie, je ne partage pas le constat qui prétend que l'Union européenne n'a jusqu'ici montré aucune disposition sérieuse à cet effet. Bien au contraire, au lendemain de la révolution, outre le soutien politique exprimé au plus haut niveau, l'Union européenne a doublé son aide financière octroyée (sous forme de dons) à notre pays pour la période 2011-2013 pour atteindre les 400 millions d'euros. Cette enveloppe couvre non seulement des programmes d'appui budgétaire mais aussi des programmes de développement des régions défavorisées, d'appui à la compétitivité, d'appui à la gestion budgétaire par objectifs, d'appui à l'intégration, d'appui à la relance, etc. Au titre de 2012, le niveau de paiements a atteint un record historique de l'ordre de 144,8 millions d'euros, soit une augmentation de 25% par rapport à 2011.
Par ailleurs, l'UE a fourni de l'assistance technique soit pour des institutions publiques (à l'instar de l'appui au processus électoral), soit au profit des ONG. Le montant alloué dans ce cadre est à concurrence de 6,5 millions d'euros.
Je voudrais réaffirmer que le partenariat de la Tunisie avec l'Union européenne demeure un choix stratégique et que notre premier partenaire a fait preuve d'engagement et de détermination à soutenir la Tunisie dans sa transition démocratique. Les perspectives de notre partenariat avec l'Union européenne ne peuvent être que prometteuses. Nous avons fait part récemment de notre vif souhait de voir la partie européenne augmenter substantiellement l'appui financier dédié à la Tunisie pour la période à venir et ce, afin de réunir les conditions idoines à même de contribuer et à la réussite de la transition démocratique et à la mise en œuvre des actions ambitieuses du plan d'action «Partenariat Privilégié».
La diplomatie tunisienne prévoit-elle s'ouvrir sur le Brics (organisation regroupant le Brésil, l'Inde, la Russie, la Chine et l'Afrique du Sud) qui détient 25% des richesses mondiales ?
Nous avons des contacts permanents avec ces pays émergents qui ont une nouvelle lecture des relations internationales d'autant que les cartes géostratégiques se sont brouillées. La Tunisie impliquée dans le groupe Afrique a été d'ailleurs conviée à la dernière réunion qui s'est tenue en Afrique du Sud.
Les Tunisiens considèrent que certaines représentations tunisiennes à l'étranger sont plutôt au service des familles et des proches du régime au détriment des ressortissants tunisiens qui se plaignent souvent de ne pas trouver l'aide nécessaire en cas de besoin, qu'allez-vous faire pour changer ce jugement ?
Je crois qu'il y a lieu de relativiser ce constat, car si d'aucuns nient que l'image de la diplomatie et des diplomates tunisiens a été ternie par de tels agissements, il ne faudrait absolument pas généraliser ce jugement. Nombreux sont les diplomates qui ont été toujours animés par la volonté et la détermination de servir leur pays et ils l'ont fait... mais les pressions exercées auparavant, l'interférence et l'empiètement sur les prérogatives de nos représentations à l'étranger ont rendu leur tâche difficile. Il n'y a pas lieu non plus d'oublier que le département a souffert d'une négligence voulue par l'ancien régime, ce qui a causé des injustices dont les conséquences sont endurées jusqu'à nos jours par le personnel diplomatique et les autres catégories de fonctionnaires et agents. D'ailleurs, nous avons déployé de grands efforts pour remédier à ces situations d'injustices et de blocage au niveau des carrières de nos fonctionnaires et nous continuerons sur la même voie pour régler ces problèmes.
Aujourd'hui, la mission de chaque agent et fonctionnaire au MAE et de ses représentations à l'étranger est de changer le jugement négatif auquel vous vous référez... Le département possède une vraie élite et des compétences qui doivent faire l'objet de la fierté de tout le pays. Nos jeunes avec leur enthousiasme et leur niveau éducatif avancé, nos anciens avec le lot d'expérience qu'ils ont pu cumuler, des agents de toutes catégories dévoués... tous sont conscients de l'importance du rôle du ministère et de la lourdeur de la responsabilité.
Nous œuvrons chaque jour à rendre ce département plus efficace et plus efficient, et de le placer à la hauteur de ses tâches et de sa mission. Les réformes internes que nous sommes en train de mettre en place, telles que le renfort des postes consulaires à la veille du retour de nos ressortissants au pays à l'occasion de la saison estivale, l'amélioration des services consulaires, les nouveaux mécanismes de gestion de la question de nos ressortissants en Syrie, etc.,visent à créer déjà un contexte favorable à la promotion d'une action réelle et active de la diplomatie tunisienne, notamment dans la protection, la sauvegarde et la défense des intérêts de nos concitoyens à l'étranger.
Les autres mesures que nous avons prises au niveau de l'amélioration du cursus professionnel des diplomates sont incontestablement à l'actif d'une diplomatie tournée vers l'avenir et au diapason d'une Tunisie nouvelle en évolution constante vers un lendemain prospère.
Je rassure donc nos chers concitoyens que le mot d'ordre au MAE est l'intérêt national et la protection de nos ressortissants. Nous le faisons de par notre devoir et nous le faisons à l'abri de toute considération politique et dans la neutralité à laquelle tient tout le ministère.
Le syndicat de base de votre ministère vous reproche un manque de neutralité et de transparence dans les nominations et les promotions effectués, exigeant de mettre fin à la mission des conseillers de votre prédécesseur. Qu'en pensez-vous?
L'administration est à cent pour cent neutre, il n'y a pas d'interférence et d'aucune partie que ce soit. Nous sommes à égale distance avec tous les partis et organisations de la société civile. Notre souci majeur est de servir les intérêts de la Tunisie dans toutes nos sphères d'appartenance: maghrébine, africaine et méditerranéenne.
Aujourd'hui, nous sommes en négociations avec le syndicat qui est impliqué dans la promotion de la carrière des diplomates sauf que l'application des décisions dans l'administration n'obéit pas au système «Push button», en raison de la lenteur des procédures administratives.
Au sujet des quatre conseillers, je vous informe que mon prédécesseur a mis fin à leur détachement, ils sont sur le point de partir et ne participent à aucun centre de décision.
La succession d'évènements violents en Tunisie: manifestations de salafistes, attaques de l'ambassade américaine, de l'Ugtt, assassinat de Chokri Belaïd et les événements tragiques de Chaâmbi (Kasserine) ont réfléchi une image d'une Tunisie à la dérive. Que fait le ministère pour contribuer à améliorer l'image du pays notamment pour sauver la saison touristique, restaurer la confiance des opérateurs et soutenir les investissements ?
Face à la succession de ces évènements, le ministère n'a pas épargné ses efforts afin de rassurer nos partenaires concernant les défis auxquels fait face notre pays au cours de cette étape post-révolutionnaire assez sensible. En effet, le ministère a œuvré à la coordination des efforts des différents intervenants dans ce domaine et notamment les départements concernés, nos missions diplomatiques et consulaires et les structures tunisiennes d'appui à l'étranger (Tunisair, Fipa, Cepex, OTE...) afin d'assurer la promotion de l'image de notre pays à l'étranger, inciter les hommes d'affaires étrangers à investir en Tunisie et encourager la colonie tunisienne et nos compétences à l'étranger à consolider l'effort de développement en Tunisie. Il est certes rassurant que nos partenaires misent encore sur la réussite de la révolution tunisienne. A titre d'exemple, la signature, récemment, du contrat la conversion de la deuxième tranche de la dette avec la partie allemande prouve la confiance dont notre pays continue de bénéficier.
Restaurer la confiance de nos partenaires reste une œuvre globale et une responsabilité nationale qui incombe à toutes les parties : organes de l'Etat, société civile, partis politiques et même chacun de nous. Chaque citoyen a son rôle à jouer et a sa propre contribution à offrir pour présenter une image positive de la Tunisie. Aussi, les efforts diplomatiques doivent-ils être accompagnés par des avancées concrètes au niveau des questions nationales prioritaires et consolidées par un consensus national qui reflète l'unité de notre pays et donne ainsi l'image d'une Tunisie qui réussit son processus transitoire.
Le capital sympathie de la Tunisie est resté intact. Notre pays a eu le mérite de faire cette révolution, mais vous savez que toute révolution passe par des phases de crise.
La Tunisie n'a pas beaucoup de moyens pour se maintenir aux plans économique et social et les réponses ne peuvent être toujours immédiates. C'est pourquoi nous œuvrons sur la scène internationale et convions nos partenaires à venir sur place afin de vérifier par eux-mêmes que globalement le pays est loin d'être une poudrière.
Le monde entier désire que notre révolution réussisse sauf que cette période transitoire est accompagnée de nombreux défis politiques (élections) et socioéconomiques. Il existe des facteurs exogènes qu'il faut juguler, c'est la raison pour laquelle l'Etat, les partis politiques et la société civile font face à tous ces défis qu'il faut relever. En dépit de tous les problèmes et les chocs survenus, la Tunisie est en mesure de réussir sa transition grâce à l'ingéniosité des Tunisiens, le crédit sympathie dont dispose le pays, une administration solide et performante et une société civile agissante et vibrante.


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