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Lassâad Ben Osman: L'eau et le feu
Publié dans Leaders le 02 - 04 - 2015

Il est parti le jour de l'indépendance, en un clin d'œil pour son histoire, son attachement à son pays et à son Etat qu'il a servi fidèlement et auquel il a tout donné : son savoir, son savoir-faire, sa capacité de former les hommes et de les mobiliser, sa manière de couvrir le terrain, d'écouter, de recouper, de tout vérifier et d'agir promptement face aux urgences qu'il fait suivre immédiatement par des programmes et des projets opérationnels. Son action symbolisait le feu, son caractère, la force tantôt tranquille, tantôt déferlante de l'eau. Il était, à la fois, l'eau et le feu.
On l'appelait tous Si Lassâad, dans un mélange d'admiration et de fierté de servir sous son autorité, d'apprendre de son immense talent tout en redoutant ses questions et ses observations, car il lisait tout, allait au fond des choses, tant avec ses collaborateurs, les autorités régionales et locales, qu'avec les experts et les bailleurs de fonds qui se préparaient sérieusement à ses entrevues. Les entrepreneurs, pour leur part, savaient qu'il décèlerait la plus petite faille de leurs ouvrages. Les gouverneurs, auxquels ils rendaient visite deux fois par an, se préparaient sérieusement pour l'accueillir, lui présenter les projets de leurs régions, lui faire visiter les réalisations, et parfois, certaines de ses visites se terminaient sous les projecteurs.
En fait, il a été un grand ministre, comme l'avait présenté Bourguiba à Ben Jedid. Sa longue carrière au sein du gouvernement commença en 1966, en tant que sous-secrétaire d'Etat à l'Agriculture, et durera jusqu'à son départ du ministère de l'Agriculture du premier gouvernement de Ben Ali, en juillet 1988. Sa stature, ses qualités morales et professionnelles étaient tout à fait à l'opposé de ce qui allait être vérifié comme culture désastreuse de gouvernement du régime déchu.
Né le 16 février 1926, Lassâad Ben Osman a commencé sa carrière depuis que, jeune ingénieur diplômé de l'Ecole nationale des mines de Paris, à la direction des travaux publics où il a contribué au départ à la prospection minière et pétrolière, puis dans son domaine de prédilection : l'hydraulique. C'est là où son destin a croisé la vision et le projet civilisationnel de Habib Bourguiba, dès l'avènement de l'indépendance.
Pour le père de la nation, l'eau est à la base de tout développement, de toute stabilité. Et pour Ben Osman, le pays avait besoin de grandes quantités d'eau, que seuls les ouvrages de stockage, pouvaient satisfaire. D'ailleurs, les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois sur le site du barrage de Oued Sbiba et ils ont achevé cette saga par l'inauguration du barrage Sidi Sâad, à Kairouan. Profitant de la sollicitude de Bourguiba, Lassâad Ben Osman, énergique et fougueux, jouait contre la montre. Il fallait tout faire dans le cadre d'une politique de mobilisation pour corriger les déséquilibres spatiaux et saisonniers et interconnecter tous les ouvrages pour une maîtrise efficace et optimale de l'eau. Cette politique allait se faire dans le cadre de plans directeurs des eaux des trois grandes régions géographiques du pays. Technicien averti, doté d'un sens profond de la chose économique et maîtrisant les techniques des finances et des marchés publics, il s'évertua à mobiliser l'eau, en commençant par les coûts les plus bas et en allant vers les ouvrages les plus complexes et les plus coûteux.
Cette eau devait être exploitée pour les zones urbaines, de plus en plus importantes, et pour l'extension des périmètres irrigués, dont la production allait devenir le noyau central de la production agricole, basée jusque-là sur l'agriculture pluviale. A titre d'exemple, le barrage Bir M'cherga, qu'il réalisa en 1970, d'une capacité de 45 millions de mètres cubes, ne coûta que moins d'un million de dinars. Et dans la foulée, il créa la Sonede en 1968 pour assurer un approvisionnement continu et régulier, avec les mêmes tarifs pour toutes les zones urbaines.
Cette première période d'action allait se terminer par les inondations historiques de septembre 1969, lesquelles l'avait éveillé à la nécessité de réaliser des ouvrages plus importants pour régulariser, notamment, la Medjerda et le Zeroud. Cependant, l'hydraulique pour lui ne se limitait pas aux grands ouvrages, mais englobait aussi la petite hydraulique et les forages profonds, dont notamment ceux qui ont permis la mise en valeur du centre et du sud tunisien.
Démissionnaire du ministère des Travaux publics du gouvernement de Bahi Ladgham après le congrès de Monastir 1, en 1971, il retourna en tant qu'ingénieur général du ministère de l'Agriculture où il consacra sa réflexion à affiner les stratégies et les plans hydrauliques et à préparer un code unique des eaux. Cette propension à codifier, il la gardera partout où il est passé, en faisant établir des recueils, des textes législatifs, en modifiant et en modernisant les lois régissant les domaines de ses compétences.
Sa doctrine, qu'il exprima dans le code des eaux, consiste en la domanialité de l'eau, la priorité absolue à l'eau potable, puis à l'irrigation agricole, le transfert de l'eau ne s'accomplit que pour sauvegarder un patrimoine agricole d'importance nationale et pour l'eau potable tout en assurant la couverture des besoins des régions de prélèvement.
Rappelé aux affaires par Hédi Nouira, il dirigea énergiquement la compagnie Tunisair, en modernisant la flotte et en établissant un plan d'acquisition, commençant par le premier Boeing 727 et s'achevant par l'acquisition d'un gros porteur, l'Airbus A300.
Après un bref passage au ministère des PTT, Lassaâd Ben Osman fait son retour, en 1974, au ministère de l'Equipement et de l'Habitat. C'est là où, durant 5 ans, il allait accomplir une œuvre colossale en matière d'infrastructure routière, de ponts, de ports et d'aéroports, de bâtiments civils et d'aménagement des villes et des campagnes, et aussi la mise en œuvre du choix civilisationnel de donner à chaque famille un logement décent, du rural au standing. L'homme faisait feu de tout bois, maîtrise foncière, financement incitatif, échec à la spéculation et au passe-droit, lancement de la promotion immobilière privée, encadrée dans ses coûts et ses marges. Là aussi, et jouant contre la montre, il incita les industriels à se mettre au préfabriqué, assura la liaison entre son département et l'université (écoles d'ingénieurs et d'architecture).
A cette époque, et en quelques années, la Tunisie s'était dotée de cinq nouvelles cimenteries, et le pays tout entier ressemblait à un grand chantier, auquel il sollicita la contribution de tous, dont notamment les élites universitaires et techniques. La réalisation de l'habitat neuf ne détourna pas son attention du sort des quartiers spontanés, les premières opérations de réhabilitation eurent lieu à Mellassine et Djebel Lahmar à Tunis et aux Rbats de Sfax. Sur le Grand Tunis, il allait entamer de grands travaux d'assainissement, dont celui du lac de Tunis dont il s'empressa de faire la maîtrise foncière des berges, ce qui a permis le lancement du mégaprojet urbain actuel. D'autre part, et grâce à sa méthode de démultiplier les alternatives, il a permis d'éviter l'accomplissement du fameux projet de la percée de La Kasbah, cher à Bourguiba, mais qui n'avait pas remporté l'adhésion de toutes les parties concernées.
Le succès de son entreprise lui avait valu l'estime des élites et du peuple, concrétisée par son élection, presque à l'unanimité, du congrès du PSD en 1979.
Sous d'autres cieux, il aurait pu être appelé à diriger le gouvernement, mais les choses étant ce qu'elles étaient en Tunisie à l'époque, Lassâad Ben Osman s'est vu confier un autre travail colossal : l'agriculture. Secteur marginalisé et en perte de vitesse, et source d'une migration importante vers les zones urbaines et dont les signes dangereux ont éclaté le 26 janvier 1978. C'est à ce propos d'ailleurs que Lassâad Ben Osman dirigea un comité de réflexion sur la décentralisation industrielle et le développement régional. Ce rapport allait par la suite être exploité pour une politique de traitement à la source par la mise en valeur et la création d'offices de développement et de périmètres irrigués.
Héritant d'une situation complexe et d'attentes énormes, Lassâad Ben Osman allait, après un bon moment d'observation, de consultations, de fixation des objectifs et des moyens, lancer ses forces sur tous les fronts : aménagements hydroagricoles, incitations à l'investissement productif privé, mobilisation des terres domaniales, programmes spécifiques et volontaristes pour les régions du Nord-Ouest, du Centre-Ouest et du Sud. Pour cela, il a couvert tout le pays par des projets tels que l'extension des palmeraies, l'arboriculture fruitière, l'élevage intensif, son objectif étant d'assurer la sécurité alimentaire et l'équilibre de la balance commerciale agricole. Poursuivant à la fois le rajeunissement de la population agricole et l'amélioration de son niveau technique, il accentua la cession des terres domaniales aux jeunes agriculteurs, aux techniciens et aux ingénieurs, ainsi que la location à long terme aux Smvda.
Dépassant les querelles doctrinales, il avait mobilisé toutes les exploitations pour augmenter et diversifier la production, assurer l'intégration des spéculations et des systèmes de production, afin qu'ils se complètent et se soutiennent mutuellement. C'est pour cela qu'il régla la question des coopérateurs des UCP, dota les personnels ouvriers de l'OTD d'un statut basé sur un salaire fixe et des incitations en fonction de la productivité. Ce statut demeure, à ce jour, unique en son genre. Cependant, il savait bien que l'agriculture exige de la patience et du temps, la première grande récolte ne fut réalisée qu'en 1985. La Tunisie a été, entre-temps, secouée par l'affaire du doublement du prix du pain, qui a engendré le drame du 3 janvier 1984. A ce propos, Lassâad Ben Osman n'était point d'accord sur cette augmentation brutale. Il avait suggéré à l'époque une augmentation modeste permettant de faire sortir les minotiers et les boulangers de la Caisse de compensation, mais il ne fut pas écouté, tout aussi bien que ses propositions pour développer le lait frais et l'oléiculture en réduisant les importations à bas prix de la poudre de lait et des huiles de graine.
Son parcours à l'agriculture n'était point sans embûches. Autant il a bénéficié avec Hedi Nouira de soutien et d'appui, autant il a trouvé des difficultés et des entraves par la suite. Heureusement que la confiance et la protection de Bourguiba ne tarissaient pas. Mais lors de la fin du règne du vieux chef, le ministère de l'Agriculture allait être scindé en deux : l'agriculture d'une part, et la production agricole de l'autre. A l'instar de Darghouth Pacha, encerclé à Djerba par Doria, Lassâad Ben Osman allait effectuer des manœuvres pour sortir de la nasse. Il réorganisa le ministère, généralisa sur tout le territoire, sauf un seul gouvernorat, l'institution des offices de PPI et de développement. Il allait démultiplier les programmes et les projets de CES, d'aménagement de nouveaux périmètres irrigués et la mise en œuvre de la stratégie de l'eau pour l'an 2000. Au passage, il régla la question épineuse du partage des eaux frontalières, en programmant le barrage compensatoire de l'oued Barbara, et enterra avec détermination le projet insensé de la mer intérieure. La consécration lui est venue d'ailleurs, la FAO, tiraillée entre un directeur général engagé à développer l'agriculture des pays du tiers monde et les principaux grands pays producteurs maniant à la fois la loi du marché et les incitations généreuses à leurs agriculteurs, porta Lassâad Ben Osman au poste de président indépendant de cette organisation internationale, où pendant 4 ans, il s'employa à normaliser les relations entre les antagonistes et faire profiter les agriculteurs du tiers monde des programmes d'aide de la FAO.
En quittant le gouvernement en 1988, l'Institut méditerranéen de l'eau le choisira comme président, pour profiter de sa longue expérience et sa connaissance de l'hydraulique méditerranéenne. Pendant plusieurs années, il se consacra également au développement local, en présidant une ONG, Atlas, pour continuer à servir la paysannerie tunisienne qu'il avait appris à aimer, à écouter et à apprécier. En 1994, le pouvoir allait le solliciter pour présider l'Union tunisienne de solidarité sociale. Après plusieurs refus, il a fini par accepter cette mission, et en quelques années, il a transformé cette petite institution d'entraide en un opérateur majeur de secours et de réconfort à la population démunie.
Durant toute sa carrière et ses charges tant nationales qu'internationales, Lassâad Ben Osman, grâce à son charisme, sa disponibilité, sa redoutable technique de négociation, allait montrer ce dont l'élite tunisienne, dévouée, intègre et compétente, était capable d'accomplir. Il a toujours fait sienne la devise: servir et non point se servir. Il a pu compter, là où il est passé, sur des lieutenants dévoués, des cadres de haute valeur, qui ont servi leurs pays avec abnégation et constante fidélité, tant au niveau central que régional. Le souvenir de sa personne et de son action restera ineffaçable.


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