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Interview exclusive - Khemaies Jhinaoui: Les ressorts d'une diplomatie renouvelée
Publié dans Leaders le 01 - 04 - 2017

Soixante heures de vol au compteur, rien que début mars dernier. Alger, Le Caire, Bagdad, Washington et retour, avec des journées d'intenses entretiens: le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, arrive à peine à absorber l'effet du décalage horaire. L'intérêt pour la Tunisie et le soutien à son économie, sa sécurité et ses initiatives qu'il rencontre auprès de ses divers interlocuteurs dans chaque capitale visitée le galvanisent. Sous le président Caïd Essebsi, la diplomatie tunisienne retrouve tout son éclat.
Troisième ministre des Affaires étrangères arabe à être reçu à Washington par le nouveau chef de la diplomatie américaine désigné par le président Donal Trump, le ministre Jhinaoui tire de cet entretien des signes fort positifs. Comme de ses rencontres au Congrès et avec d'autres décisionnaires américains de premier plan.
Qu'en retient-il le plus? Que rapporte-t-il, aussi, de concret de sa visite en Irak, la première depuis la chute de Saddam? Après Bagdad, ira-t-il à Damas? Comment débloquer l'initiative de sortie de crise en Libye? Où en est la coopération avec l'Union européenne et la négociation au sujet de l'Aleca? Comment se met en place le dispositif convenu avec l'Allemagne pour les émigrés en situation irrégulière? Autant de questions auxquelles le ministre Jhinaoui a accepté de répondre.
Mais aussi, à quand le nouveau mouvement diplomatique et selon quels critères? Y aurait-il de nouvelles ouvertures d'ambassades et de consulats et de nouveaux recrutements de jeunes diplomates? Pourquoi a-t-il invité les femmes diplomates à rejoindre leurs époux ambassadeurs? Et que pense-t-il de l'éparpillement de l'Office des Tunisiens à l'étranger, l'Agence tunisienne de coopération technique et autres organismes entre différents ministères de tutelle?
Et comment se présente l'agenda diplomatique tunisien pour les semaines à venir?
Etats-Unis
Comment avez-vous trouvé votre nouvel homologue américain, Rex Tillerson?
Très agréable! Au fait de tous les détails des relations historiques entre nos deux pays qui célèbrent cette année le 220e anniversaire de leur établissement. Je lui ai exposé la nature des liens qui unissent nos deux pays et les défis économiques et sécuritaires auxquels la Tunisie fait face. Nous avons également évoqué la nécessité d'explorer de nouvelles pistes de partenariat, notamment l'appui au développement des régions intérieures défavorisées. Lors de la revue du contexte international et régional, nous nous sommes particulièrement attardés sur la situation en Libye. Nos concertations ont également porté sur l'Irak (d'où je provenais), la Syrie, le processus de paix au Moyen-Orient. J'ai perçu un grand besoin de mieux cerner la réalité dans la région.
La nouvelle Administration Trump a annoncé une coupe drastique dans le budget de l'aide publique à l'étranger. La Tunisie sera-t-elle affectée?
Effectivement, ce budget global sera réduit de 37% et l'un des objectifs de ma mission à Washington était de convaincre les dirigeants américains, tant de l'exécutif qu'au Congrès, de maintenir le niveau de l'aide accordée à la Tunisie au même niveau que celui de 2016, et de le consolider davantage.
Vous avez été entendu?
Je suis persuadé que nous pourrons compter sur nos nombreux amis à Washington.
Pour l'appui aux régions intérieures, il y a des projets initiés?
Cette question, j'ai eu l'occasion de l'approfondir avec le président exécutif de la Millennium Challenge Corporation (MCC), Jonathan Nash. La Tunisie est désormais éligible à ce programme. Nous avons pu convaincre ses dirigeants de l'opportunité de cet appui et leur avons proposé un programme ambitieux.
Quelle est l'ambiance aujourd'hui dans la capitale fédérale après l'accession du président Trump à la Maison-Blanche?
La nouvelle Administration est en train de s'installer. J'ai eu l'occasion de rencontrer, outre mon collègue chef de la diplomatie, Mme Kathleen Troia McFarland, qui est Deputy National Security Advisor to United States President Donald Trump, ainsi que des présidents de commissions du Sénat et de la Chambre des députés, d'éminents membres du Congrès, des dirigeants de grandes compagnies...
J'ai perçu auprès de tous un réel enthousiasme à comprendre ce qui se passe en Tunisie et dans la région et poursuivre l'approfondissement de notre partenariat qui dépasse la Tunisie pour s'élargir à l'ensemble de la région.
De par votre expérience, pensez-vous que le président Trump introduira des changements significatifs sur la politique étrangère américaine?
Etant une grande puissance, les Etats-Unis continueront à occuper la place qui leur sied en tant que première puissance économique et en tant que parapluie sécuritaire mondial. Je ne pense pas qu'il y aurait de grands changements majeurs, mais une concentration sur des priorités.
Irak
Avant de vous rendre à Washington, vous étiez en visite à Bagdad, la première depuis près de 15 ans. Certains l'ont qualifiée d'historique à plus d'un égard!
Disons qu'elle a été importante. Le dernier ministre tunisien des Affaires étrangères à s'y rendre avait été reçu par Saddam Hussein. La Tunisie fait certes partie des rares pays à y avoir conservé son ambassade ouverte, et au rang d'ambassadeur, mais il faut à présent renouer les fils d'une coopération plus intense. Les Irakiens ont vu dans cette visite la volonté d'un pays frère et ami qui a toujours eu avec leur pays d'excellentes relations et la marque d'un intérêt renouvelé.
Je tiens à saluer l'effort de l'Irak dans la lutte contre le terrorisme. Aussi, la diplomatie irakienne est très active. Le secrétaire général de la Ligue des Etats arabe vient de se rendre à Bagdad, le ministre saoudien des Affaires étrangères aussi. L'Irak sort du giron classique et la Tunisie l'y encourage.
Et sur le plan bilatéral?
J'ai eu l'honneur d'être reçu par tous les dirigeants irakiens: le président de la République, Fouad Massoum, le Premier ministre, Haïder al-Abadi, mon homologue Ibrahim Jaafari, le chef de l'Alliance nationale irakienne, Ammar al-Hakim, le ministre du Transport, Kadhum Finjan Al-Hamami, et d'autres membres du gouvernement. Leur message est identique: assurons des deux côtés un suivi attentif de tout ce qui a été convenu lors de cette visite.
Il y a des engagements fermes des deux côtés?
Tout à fait. D'abord, la compagnie Irak Airways reprendra bientôt ses vols sur Tunis. Tunisair, qui avait à un certain moment opéré un vol sur Erbil, étudiera la possibilité d'établir une liaison aérienne avec Bagdad. Ces vols seront essentiels pour promouvoir les échanges commerciaux, l'investissement, le tourisme. Très bientôt, le ministre irakien du Transport viendra à Tunis concrétiser ce projet.
Un forum d'affaires a été aussi organisé à l'occasion de cette visite auquel ont pris part 15 opérateurs économiques tunisiens. En ouvrant ce forum, j'ai été agréablement surpris par l'intérêt manifesté par les participants des deux pays qui ont pu d'ores et déjà conclure de bénéfiques partenariats. J'ai également rencontré un groupe d'investisseurs irakiens dont une délégation se rendra prochainement à Tunis. De même, une campagne promotionnelle en faveur du tourisme tunisien sera bientôt lancée dans les médias irakiens. La Tunisie organisera en octobre prochain, à la veille de la Foire internationale de Bagdad, une grande exposition de produits tunisiens.
Les autorités irakiennes ont évoqué, lors de nos différents entretiens, leur volonté de voir des entreprises tunisiennes participer à la réalisation de grands projets initiés dans le cadre de la reconstruction du pays. Il s'agit notamment de l'électrification où la Steg International jouit d'une grande expérience, mais aussi de nombreux autres secteurs.
Syrie
Après Badgad, vous comptez vous rendre à Damas?
Il n'y a pas de tabou pour aller en Syrie. Je m'y rendrai dès que les circonstances le permettent. Nous sommes très attentifs aux pourparlers de Genève et espérons qu'ils aboutiront.
La Tunisie est-elle en faveur du retour de la Syrie à la Ligue des Etats arabes?
La question n'est pas posée, mais la Tunisie n'a jamais cru à la politique de la chaise vide. La Syrie y a toujours sa place et il appartient aux Syriens de désigner leur représentant au Caire.
Libye
Le maréchal Haftar tarde à venir à Tunis. A-t-il annoncé une date?
Il a été invité comme tous les autres principaux leaders libyens: Aguila Salah, Abderrahmane Souihli et bien d'autres. Il sera toujours le bienvenu. Il fait partie de la solution. Maintenant, il appartient aux Libyens eux-mêmes de lui conférer la place qui lui revient.
Qu'est-ce qui bloque aujourd'hui l'initiative de sortie de crise en Libye?
Non, il n'y a pas de blocage. Depuis la signature par les ministres tunisien, algérien et égyptien des Affaires étrangères, le 20 février à Carthage, du document de cette initiative, nous continuons les contacts et les concertations avec les différentes parties prenantes. J'ai récemment reçu les représentants des tribus et dignitaires et nombre d'autres personnalités libyennes et recevrai prochainement d'autres figures. Mes collègues algérien et égyptien poursuivent de leur côté des contacts utiles. Nous nous réunirons bientôt tous les trois, ensemble, pour faire le point de la situation et convenir des prochaines étapes.
La Russie est particulièrement attentive à l'initiative tunisienne de sortie de crise en Libye?
Elle la soutient totalement. D'ailleurs comme les Etats-Unis et un très grand nombre d'autres pays. C'est là une marque de confiance à l'égard de la Tunisie, jugée crédible et sans parti pris. Tous nos partenaires sont disposés à nous y aider. Nous œuvrons à mobiliser un large soutien international pour créer un cadre idoine à même de faciliter le dialogue interlibyen.
Russie
Les invitations réciproques sont lancées entre les présidents Caïd Essebsi et Poutine. Qui sera le premier à faire le déplacement?
Le président Béji Caïd Essebsi avait adressé dès 2015 une invitation au président Vladimir Poutine à se rendre en visite officielle en Tunisie. Il est lui-même invité à Moscou. Avec mon homologue russe Serguei Lavrov, nous sommes en contact permanent et y travaillons.
Allemagne
La Tunisie a signé un accord avec l'Allemagne au sujet du rapatriement de nos ressortissants en situation irrégulière. Les premières opérations ont-elles commencé?
Il ne s'agit pas d'un accord, mais d'un procès-verbal d'entretiens qui formalise ce qui est en train de se faire déjà. Nous avons convenu de procéder à partir de deux principes. Le premier est l'identification des ressortissants concernés pour s'assurer qu'il s'agit bien de Tunisiens. Le second est de préserver leur dignité et de vérifier leur situation au cas par cas, en leur garantissant l'accompagnement approprié pour leur réinsertion en Tunisie.
Le président Caïd Essebsi avait recommandé, pour faciliter cette identification et répondre rapidement aux demandes sécuritaires, de dépêcher des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur auprès de nos consulats en Allemagne.
Est-ce fait?
L'essentiel est de faciliter cette coopération et d'accélérer les délais.
Union Européenne
Comment se présente la coopération avec l'Union européenne et où en sommes-nous dans la négociation au sujet de l'Aleca?
Il faut rappeler d'abord la tenue, le 1er décembre dernier à Bruxelles, du Sommet Tunisie-Union européenne, qui est une grande première dans les annales de nos relations établies depuis 40 ans. Les entretiens qu'a eus à cette occasion le président Caïd Essebsi avec les plus hauts dirigeants de l'UE ont été très positifs. Je m'apprête à coprésider, début mai prochain, à Bruxelles, avec mon homologue Frederica Mogherini la réunion du conseil d'association Tunisie-UE. Ce sera l'occasion de passer en revue les différents programmes de coopération économique, sécuritaire et autres, notamment ceux qui profiteront aux jeunes tunisiens à la faveur des 1 500 bourses annuelles du programme Erasmus+.
Et l'Aleca?
C'est une des composantes de notre coopération. Je ne vous cacherai pas que nous avons des secteurs assez sensibles qui, pour le moment, ne pourront pas résister à la concurrence. Nous devons concevoir en leur faveur des programmes d'accompagnement spécifiques. La partie européenne n'y voit pas d'ailleurs d'objection.


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