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Démographie et Sécurité Sociale : Cas de la retraite
Publié dans Leaders le 19 - 12 - 2008


Avant-propos
En dépit de certaines affirmations rassurantes, nous pensons que les systèmes de retraite sont souvent en danger, en grand danger même. En fait, il l'est autant pour des raisons idéologiques ou politiques que pour des raisons financières ou démographiques. Il ne s'agit pas ici de minimiser en quoi que ce soit ce qui revient à la baisse continue du rapport démographique et aux difficultés endémiques du marché de l'emploi dans la dégradation de la situation financière des régimes, sans oublier l'effet additif et oh combien préjudiciable de la compression continue des salaires réels. Ce qui inquiète le plus me paraît être l'influence dévastatrice d'un environnement idéologique peu favorable aux systèmes de protection sociale tels que nous les connaissons en Tunisie ou en Europe. Naturellement, l'immobilisme et la démagogie n'aident pas à la clarification de la situation actuelle et je dirais, devant cette assemblée de sociologues et de démographes, que vous-mêmes êtes dans une certaine mesure défaillants en raison du peu d'intérêt que vous avez porté jusqu'ici en tant qu'universitaires et chercheurs aux conséquences économiques et sociales des évolutions démographiques, dont le vieillissement démographique. La preuve est le peu de place que l'on offre dans la formation des démographes aux études actuarielles. Quoi qu'il en soit, laisser croire que la démographie serait le seul paramètre à mettre en danger la pérennité de notre système de protection sociale en général et celui de notre système de retraite en particulier revient à nous faire passer des vessies pour des lanternes, autrement dit à nous prendre pour des débiles congénitaux.
Pour dire vrai, les institutions économiques et financières internationales dominantes sont pour beaucoup dans la propagation d'une telle ineptie. En 1994, déjà, la Banque Mondiale (BM) édita une directive célèbre dans laquelle elle condamnait sans rémission les retraites par répartition et préconisait l'installation de systèmes de retraite fondés sur trois piliers : le premier, collectif, garantissant une couverture minimale ; le second, complémentaire et obligatoire, mais géré par des groupes financiers privés ; et le troisième, facultatif et individuel, également géré par de tels groupes (c'est grosso modo la même orientation qui est donnée aux systèmes de santé). Depuis lors, dans tous les pays, une campagne a été menée par les affidés de tout poil et les boursicoteurs effrénés pour remettre en cause les systèmes de retraite par répartition. Le FMI emboîta tout naturellement le pas à la BM en prononçant du haut de son magistère la sentence suivante : « Un système de retraite par répartition peut déprimer l'épargne nationale parce qu'il crée de la sécurité dans le corps social. ». Le point de départ du raisonnement des deux instances internationales est que l'évolution démographique induite par la baisse des taux de fécondité, l'allongement de l'espérance de vie et, de manière plus temporaire, par l'arrivée en âge de la retraite des générations d'après-guerre fait peser sur les régimes de retraite une pression insupportable.

Pis, ces grandes institutions financières internationales conditionnent désormais leurs aides aux pays émergeants à l'instauration par ces derniers de réformes de leurs systèmes de santé et de retraite dans le sens d'une libéralisation partielle ou complète. Nous en avons un exemple dans notre pays avec la réforme de l'assurance maladie d'une part, la non-réforme de la retraite d'autre part. Pour dire les choses plus nettement : l'immobilisme en matière de retraite favorise la mise en cause de la répartition et prépare le terrain à l'introduction de la capitalisation. Voilà la vérité. L'exemple des retraites est d'ailleurs particulièrement significatif d'une certaine dérive. Les réformes dictées par la BM et le FMI sont engagées au nom de l'équilibre financier des régimes par répartition soi-disant menacé par l'évolution démographique, menace dont seraient à l'abri les systèmes par capitalisation. Or ces derniers ne sont pas non plus indifférents vis à vis de l'accroissement du taux de dépendance économique de la population inactive. C'est pourtant l'arrière-pensée qui domine dans les justifications de la BM et le FMI en faveur du remplacement immédiat ou différé de la répartition par la capitalisation. Joseph STIGLITZ, prix Nobel d'économie et ancien Expert en chef de la Banque Mondiale a apporté la preuve scientifique du contraire, mais certains, et non des moindres, continuent malgré tout à vouloir nous vendre l'efficience de la capitalisation par rapport à la répartition.
Heureusement que le Bureau international du travail (BIT) est là pour rectifier le tire ainsi que beaucoup d'économistes et d'actuaires, en notant d'abord que le raisonnement individuel n'est pas transposable au plan collectif : « Or, au niveau collectif, c'est-à-dire de l'ensemble de l'économie, les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Tout d'abord, la façon dont on perçoit un tel régime [par capitalisation] est erronée et ne résiste ni à l'examen des faits, ni à une analyse sérieuse. A moins de réduire les pensions en fonction des revenus du travail ou à moins de relever l'âge de la retraite de manière significative, ce type de régime ne réduit aucunement la charge sur l'économie nationale et l'ensemble de la population que représente le soutien à apporter à une population vieillissante. Or la réduction des pensions ou le relèvement de l'âge de la retraite pourraient tout aussi bien avoir lieu dans le cadre d'un régime public de sécurité sociale financé par répartition. L'explication en est simple. Le niveau de vie des retraités ne peut être maintenu que sur la base des revenus réels des actifs, que ce transfert ait lieu par l'intermédiaire d'un mécanisme public ou de plans d'épargne retraite basés sur le marché. Dans le premier cas, les taux de cotisations doivent être augmentés. Dans le second, les avoirs financiers accumulés par les retraités doivent être vendus aux cotisants afin que les retraités puissent disposer de l'argent nécessaire pour consommer. Dans les deux cas, les sommes impliquées (cotisations ou épargne obligatoire) sont équivalentes. Elles réagissent de la même façon à l'augmentation du pourcentage des retraités par rapport à la population active. »


Qu'est-ce que la répartition et quelles sont les implications démographiques?
Précisons d'abord que dans un système de retraite financé par répartition, les actifs ne cotisent pas pour financer leurs propres retraites, mais le font pour payer les pensions de ceux qui sont déjà à la retraite. Ce sont d'autres qu'eux, c'est-à-dire les générations futures, qui cotiseront pour financer les retraites des actifs d'aujourd'hui, et ainsi de suite. C'est donc un système qui exprime la solidarité inter-générationnelle puisque chaque génération d'actifs se reconnaît explicitement une dette vis-à-vis de la génération précédente pour bénéficier à son tour d'une retraite payée par la génération suivante.
Les interrelations répartition-démographie dans ce cas s'expriment ainsi : la répartition redistribue immédiatement les cotisations qu'elle reçoit des actifs, de sorte que d'année en année, les ressources allouées au financement des pensions doivent être égales aux charges inhérentes à ces mêmes pensions. C'est ce qu'on entend par équilibre technique (sans la prise en compte des frais de gestion d'une part, les produits financiers d'autre part). Il s'ensuit que l'équilibre financier d'un système de retraite par répartition pour une année donnée peut s'écrire mathématiquement ainsi :
cotisants x assiette moyenne x taux = retraités x pension moyenne
Si on pose C le nombre de cotisants, s le salaire moyen soumis à cotisation (l'assiette correspond en fait à la part du salaire soumise à cotisation), le taux de cotisation réservé au financement de la retraite t, le nombre de retraités (très exactement de pensionnés en incluant invalides et survivants) R et la pension moyenne p ; on a alors :

Cxsxt = Rxp ; ou bien encore t = (R/C)x(p/s)



Dans la mesure où le rapport entre la pension moyenne et le salaire moyen (ou plus exactement l'assiette moyenne) est présumé constant , on pose (p/s)= k , une constante. Le taux de cotisation d'équilibre est donc dépendant essentiellement du rapport R/C, autrement dit du rapport démographique RD.



A législation constante, c'est-à-dire en ne changeant pas le rendement des annuités ni toutes les autres dispositions réglementaires aboutissant au calcul des pensions, le taux de cotisation d'équilibre serait d'autant plus élevé que le nombre de retraités (de pensionnés) s'accroîtrait plus vite que le nombre d'actifs cotisants. C'est ce qui s'est passé dans notre pays puisque tous les régimes ont accusé une dégradation sensible du rapport démographique au cours du dernier quart de siècle. Si l'on considère, par exemple, le régime général, ou si l'on préfère le régime des salariés dans le secteur non agricole (RSNA), soit le régime le plus important au point de vue des effectifs et théoriquement le plus « équilibré » démographiquement parlant , on constate que son rapport démographique est passé de près de 16 en 1980 à près de 5 en 2002. En d'autres termes, il y avait 16 actifs cotisants pour « prendre » en charge un pensionné en 1980 contre moins de 5 actuellement (le taux de dépendance mesure le ratio population âgée de 60 et plus/ population entre âgée entre 20 et 59 ans, son évolution est tout aussi inquiétante puisque ce taux atteindrait 27% à l'horizon 2030 pour l'ensemble des régimes de retraite, public+privé).




RAPPORT DEMOGRAPHIQUE PAR REGIME EN 2001

Régime
Rang par effectifs
Cotisants
Pension.
RD
Régime général
1
1 015 923
190 524
5,33
Régime complém.
5
29 015
9 222
3,15
RSA
6
12 226
13 815
0,88
RSAA
4
56 516
4 432
12,75
RTNSSNA
2
197 665
14 923
13,25
RTNSSA
3
89 026
33 743
2,64
Source : CNSS
Cela est dû à plusieurs paramètres. Au cours de la dernière décennie le rythme d'accroissement annuel moyen du nombre des pensionnés a été trois à quatre fois plus rapide que celui des cotisants au régime général. Ce différentiel est appelé à s'élargir dans l'avenir proche en raison de l'arrivée en masse à l'âge de la retraite des générations ayant commencé à travailler dans les années soixante-dix et quatre-vingt, mais aussi en raison de la situation de l'emploi elle-même. Il s'ensuit que le rapport démographique continuera sa chute au cours des deux prochaines décennies. Ainsi celui du régime général se situerait entre 1,38 et 2,5 à l'horizon 2030 selon les hypothèses ou les méthodes retenues. Les rapports démographiques de tous les autres régimes accuseront la même tendance à la baisse, en raison des mêmes évolutions démographiques d'ensemble : vieillissement et augmentation de l'espérance de vie.
PROJECTION DU RD du régime général selon trois méthodes (hypothèse moyenne)

2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
RD M 1 Extrp.D
5,38
5,08
4,86
4,71
4,59
4,49
4,42
RD M 2 Corrél.
5,38
5,06
4,74
4,44
4,15
3,89
3,64
RD M 3 Ext.Coh
5,38
4,89
4,49
3,83
3,16
2,73
2,50

M1 : Extrapolation directe des effectifs et des paramètres économiques dont les salaires déclarés
M2 : Corrélation entre paramètres socioéconomiques
M3 : Extrapolation par cohorte des effectifs et extrapolation des paramètres économiques
Hypothèse de base : Législation constante
Quoi qu'il en soit, dans un système de retraite par répartition, les actifs d'aujourd'hui paient pour les aînés et comptent sur les actifs futurs pour faire de même. La société est pour ainsi dire cimentée par des visées convergentes dans le sens où les actifs d'aujourd'hui ont intérêt à ce que les salaires des actifs de demain soient les plus élevés possibles, ce qui veut dire par exemple investir dans la formation des jeunes d'aujourd'hui ou s'organiser collectivement pour que la part des salaires dans le PIB soit la plus élevée possible. C'est l'exemple même de la «solidarité entre générations » et de la solidarité tout court. De plus, la répartition permet non seulement d'éviter la dépréciation des droits, mais en plus de garantir le rendement (en plus de l'inflation) du régime par répartition. Celui-ci est égal à la croissance des salaires. Le principe de répartition est qu'en échange de x% de leurs revenus (qui financent les retraites d'aujourd'hui), les salariés obtiennent x% des revenus des générations suivantes. Le rendement de la répartition est donc la croissance de la masse salariale en termes réels d'une génération à une autre.
A l'opposé, la « capitalisation » se présente comme un système d'assurance dans lequel les primes ou cotisations perçues par l'assureur sont mises en réserve, les intérêts produits étant périodiquement capitalisés, la somme ainsi obtenue (capital + intérêts) n'étant disponible pour l'assuré qu'à une date convenue par contrat avec l'assureur. Cette technique a été d'abord utilisée en assurance sur la vie dans laquelle le capital garanti à l'échéance est directement lié aux versements effectués par l'assuré. Par la suite, on y recourut dans certains régimes d'assurance-vieillesse dans lesquels l'individu « épargne » pour ainsi dire pour sa retraite. En d'autres termes, la capitalisation pourrait être grossièrement assimilée à la constitution d'une épargne pour ses vieux jours qui peut se concevoir dans un cadre individuel (assurance-vie, plan épargne retraite...) ou dans un cadre collectif au niveau d'une entreprise, d'une branche d'activité. L'épargne constituée, par les salariés et abondée par l'employeur, est placée dans une structure (un fonds de pension ou FDP) chargée de faire fructifier les sommes accumulées en vue de verser à terme une retraite (sous forme de capital ou de rente) correspondant au capital épargné et aux intérêts produits. Dans un système de retraite financé par capitalisation, les actifs d'aujourd'hui ne prennent personne d'autre en charge qu'eux-mêmes et ce en mettant de l'argent de côté pour leurs propres «vieux jours». C'est en cela que la capitalisation s'apparente à une épargne individuelle. Naturellement, il n'est pas question dans ce cas de solidarité catégorielle ou générationnelle.
Les tenants de la capitalisation font valoir que celle-ci permet de bénéficier des meilleurs rendements financiers (mettons 5 %), tandis que la répartition s'alignerait sur la croissance du PIB (2 %). Ce raisonnement ne peut être généralisé : si certains revenus augmentent plus vite que le PIB, il faut bien que d'autres croissent moins vite. Toute progression du nombre de rentiers ne peut se solder que par une baisse du rendement ou par une austérité croissante pour les salaires, ce qui rend difficile de parler de solidarité inter-générationnelle. Il a fallu la crise boursière mondiale actuelle pour que l'on prenne conscience des lourdes conséquences de la capitalisation dans les pays où le système de retraite est basé sur ce principe. Aux Etats-Unis, les comptes d'épargne retraite et fonds de pensions ont perdu 2000 milliards de dollars en quelques mois. Pour les retraités et futurs retraités, cela signifie une perte de 20 % des fonds économisés année après année. Bilan : les retraités voient leur pension baisser et les futurs retraités devront rester au travail encore plusieurs années.
La problématique

Concernant les interdépendances entre démographie et répartition, deux questions sont à considérer : la première concerne le niveau nécessaire de ressources économiques et financières pour couvrir le poids du vieillissement démographique, la seconde, certainement la plus délicate, pose le problème épineux de la répartition de ces ressources.



La première question se pose dans les termes que voici : parallèlement à la modification de la composition par âges de la population, l'économie se transforme elle aussi ; il convient donc de mettre en comparaison l'évolution du taux de dépendance économique de la population inactive à l'égard de la population active d'une part et l'évolution du revenu par habitant d'autre part. En d'autres termes, le poids du vieillissement démographique sur les charges de santé et de retraite pourrait être considéré comme supportable à condition que le taux de croissance de la production par habitant soit supérieur à celui de la population, c'est-à-dire que le PIB par habitant augmente. Considérant qu'en moyenne annuelle, le PIB tunisien à prix constants s'est accru de plus de 5% au cours de la dernière décennie contre 1,2% pour la population, cette condition est donc remplie. Mais dans la mesure où la production (la VA ou le PIB) peut augmenter, schématiquement, en raison de trois causes fondamentales, la productivité horaire (ou physique) du travail, le temps de travail individuel lui-même et le volume d'emploi en général, la condition précédente peut être synthétisée de la manière suivante : le produit des coefficients de ces trois variations doit être supérieur au coefficient de variation de la population.
En posant :
y le taux de variation de la production (ou de la VA ou encore du PIB),
p celui de la productivité horaire,
t celui du temps de travail individuel,
n celui du nombre d'emplois,
h celui de la population,
on peut alors écrire :
(1 + p)(1 + t)(1 + n) ³ (1 + h) Û (1 + y) ³ (1 + h) Û y ³ h.
Autrement dit, si cette condition est remplie, le vieillissement démographique n'est pas un problème économique pour les systèmes de retraite à répartition puisque le temps passant la charge pesant sur les actifs s'allège au lieu de s'alourdir.
Venons-en maintenant à la seconde question. Pour y répondre posons-nous la question de savoir si la financiarisation améliore ou s'oppose à la soutenabilité du développement ? Le régime d'accumulation financière peut être défini comme celui qui tend à faire croître indéfiniment le taux de croissance de la rente financière. Si cette progression est plus rapide que celle du produit global, cela implique nécessairement une modification de la répartition préjudiciable à la soutenabilité puisque les salaires et les investissements augmentent nécessairement moins vite que le produit global.

En appelant :

p le taux de variation de la rente financière,
p celui de la productivité horaire,
t celui du temps de travail individuel,
n celui du nombre d'emplois,
w celui des salaires,
i celui des investissements,
et les mêmes notations surmontées d'une astérisque pour les parts de chacune de ces
variables dans le revenu global,


pp* = (1+p)(1+t)(1+n) – ww* - ii* - 1.

Pour un taux de croissance de la productivité horaire du travail donné, le taux de croissance de la rente financière pondéré par la part de la rente financière dans le produit global est d'autant plus élevé que le temps de travail augmente, que l'emploi augmente et que la croissance des salaires et celle des investissements pondérées par la part respective de ceux-ci sont faibles. La maximisation de la rente financière est donc incompatible avec une perspective de soutenabilité qui exigerait que toute la population bénéficie équitablement de la croissance de la production et que des investissements croissants soient consacrés à améliorer l'outil de production. Un processus de financiarisation consacrant la « propriété lucrative » est donc en tout point opposé à la dynamique de la « socialisation du salaire »
En fait, cela ne change pas grand chose par rapport à la donne démographique si le prélèvement opéré pour financer un système de protection sociale se fait par les cotisations et donc au sein de la répartition, ou par les dividendes et les intérêts et donc au sein de la capitalisation. Autrement dit, les revenus des retraités durant une année donnée ne peuvent qu'être prélevés sur la valeur ajoutée réalisée par les salariés actifs, durant la même année. De ce fait, les conséquences financières du vieillissement de la population sont aussi supportables par la répartition à condition que le taux de croissance de la production par habitant soit supérieur à celui de la population, ou bien encore à condition que le PIB par habitant continue à s'accroître durablement. Cette condition pose, subsidiairement, la question d'une meilleure distribution, et des richesses produites et des gains de productivité. C'est pourquoi est-elle volontairement tue par les tenants enragés de la capitalisation.
Conclusion

Le monde vit depuis un quart de siècle sous le joug politique, intellectuel et économique d'un nouveau régime d'accumulation à dominante financière. Le capitalisme d'antan pourtant peu transparent et équitable en lui-même a laissé la place à l'économie virtuelle et à la spéculation boursière triomphantes, c'est-à-dire à l'opacité et à l'iniquité. Cette lame de fond n'a épargné aucun pays, aucune économie. Encouragé par la libéralisation totale des mouvements de capitaux et la montée des taux d'intérêt, conforté par le triomphe politique et idéologique de la dérégulation publique, cette idéologie qui ne veut pas dire son nom a eu pour conséquences la centralisation et la concentration du capital, la généralisation d'un mode quasiment unique de gestion de la force de travail dont les maîtres mots sont devenus: chômage naturel, précarité, flexibilité, recul des salaires par rapport à la productivité du travail, remise en questions des droits sociaux acquis, etc. L'augmentation du taux d'exploitation de la force de travail a conduit tout naturellement à la détérioration constatée dans tous les pays de la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée. C'est le cas en Tunisie, celle-ci ayant passée de 48% en 1984 à près du tiers actuellement.

Ce contexte anachronique n'a pourtant pas rebuté les promoteurs de la mise en place de la capitalisation au motif que seule celle-ci est mieux placée pour enrayer les conséquences néfastes des évolutions démographiques que la répartition. Or, contrairement au discours dominant, la retraite par capitalisation est aussi mal placée que la répartition pour faire face à l'évolution démographique. Même l'OCDE a été obligée de l'admettre finalement. La raison est simple : dans un système de retraite par capitalisation et tenant compte des évolutions démographiques présentes, tous les pays connaissent ou connaîtront un moment où la génération active suivante devient de moindre taille. Aussitôt, le stock de capital augmentera alors plus vite que la force de travail, ce qui entraînera peu ou prou la baisse des rendements des placements sur les actifs réels. De ce fait, les générations en question risquent de découvrir au moment de la retraite que le revenu tiré des fonds de pension est inférieur à ce qui avait été prévu par simple extrapolation des tendances actuelles. On pourrait d'ailleurs ajouter, en négatif, le rôle des fonds de pension dans la substitution capital-travail, la délocalisation à outrance et finalement dans la mort quasi programmée de l'économie réelle au seule bénéfice de l'économie virtuelle avec les résultats inquiétants que l'on vit actuellement. Partout où les fonds de pension passent, les entreprises et les emplois trépassent. Il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte.

Bref, sur le plan de l'équilibre financier des régimes de retraite en Tunisie le mal ne vient pas de la seule démographie puisque la régression sociale que nous avons évoqué plus haut ampute à elle seule plus du tiers des ressources « normales », légitimes et logiques de la sécurité sociale. En fait, plus la part des salariés dans le revenu national diminue plus les difficultés financières des régimes de sécurité sociale augmentent, et ce nonobstant les effets désastreux du chômage et du mal emploi. C'est un phénomène quasi mécanique, et cela n'a rien à voir avec la démographie. Le mal vient aussi de l'indécision actuelle. A cela s'ajoute l'anachronisme de « réformer » l'assurance maladie sans trancher d'abord sur le devenir des retraites.


Nous pensons de surcroît que le nivellement par le bas des systèmes nationaux de protection sociale est exigé pour de mauvaises raisons. En effet, un haut niveau de protection sociale « handicaperait » la compétitivité des pays concernés paraît-il. Or rien de tel n'a été corroboré par l'expérience. En fait, de plus en plus d'études montrent qu'une corrélation positive existe entre protection sociale élevée et compétitivité. On peut donc penser que l'hypothèse selon laquelle un haut niveau de protection sociale constituerait un avantage n'est pas aussi farfelue que ça finalement. Tel est d'ailleurs le cas dans les pays scandinaves et aux Pays-bas par exemple. Cela s'explique par le fait que dans un tel système les travailleurs de se sentent moins soumis aux aléas de la conjoncture et des risques de toute sorte. Un tel sentiment d'appartenance à une « communauté » solidaire conduit à l'édification de sociétés stables caractérisées par un sens très fort de cohésion. Ainsi, un système de Sécurité sociale performant peut conduire les personnes à prendre plus de risques pour initier une nouvelle activité ou un nouveau travail, sachant que l'échec éventuel ne les conduira pas nécessairement à la pauvreté. En bref, un système performant de Sécurité sociale crée un "capital social" qui, in fine, est source d'amélioration de la productivité d'une nation.

En vérité, et ça sera ma conclusion, l'équilibre des régimes de retraite par répartition en Tunisie repose essentiellement, preuves à l'appui en annexe, sur le taux de croissance des salaires et sur le taux de croissance de la population active cotisante. Nous voilà donc placés devant la vraie problématique, anti-malthusienne par excellence, celle qui pose de front le problème du chômage et de la répartition du revenu national dans notre pays, celle qui a un nom en fait: dignité et droits pour chacun à participer à la création des richesses et en tirer le juste bénéfice.


EVOLUTION DES TAUX DE COTISATION DU REGIME GENERAL



Total Cot.
Au 1/1/1974
23,75
5
6,25
12,5
1/1/75 - 31/12/87
23,75
5
6,25
12,5
1/1/95-30/6/95
23,25
10,5
6,25
6,5
1/7/95-30/6/96
23,75
11
6,25
6,5
1/7/96-30/9/96
24,25
11,5
6,25
6,5
A partir du 1/10/96
21,85
11,5
6,25
4,1



PROJECTION PAR COHORTE DES RETRAITES DU REGIME GENERAL


2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
Groupes d'âge







15-19
14,6
12,6
11,8
11,7
11,3
10,6
10,1
20-24
122,9
133,1
130,3
144,9
162,2
181,7
203,4
25-29
187,2
172,3
193,5
253,8
308,0
357,5
403,8
30-34
184,2
186,7
171,9
193,1
253,3
307,5
357,0
35-39
162,5
183,5
186,1
171,4
192,6
252,7
306,7
40-44
135,1
161,8
182,7
185,4
170,8
192,0
252,0
45-49
99,1
134,3
161,0
181,9
184,7
170,2
191,4
50-54
38,8
98,5
133,5
160,1
181,1
183,9
169,6
55-59
25,3
38,4
97,6
132,5
159,0
179,9
182,9
60-64
2,5
25,0
37,9
96,5
131,0
157,4
178,2
65-69
0,3
2,4
24,5
37,1
94,7
128,7
154,8
70 ans et plus
0,5
0,3
2,3
23,7
36,0
92,0
125,1
Retraités additionnels
22,5
27,7
64,7
157,3
261,7
378,1
458,1
Retraités
127,1
161,9
217,9
347,2
548,7
710,3
849,3
Actifs cotisants
973,0
1 121,2
1 268,4
1 434,8
1 623,1
1 836,1
2 077,0

RESSOURCES-EMPLOIS du régime des pensions CNSS
En MD




1990
Cotisations
96,4
114,9
129,7
147,4
212,8
246,7
266,1
316,1
332,2
357,1
399,7
440,6
Produits financiers
0,5
1,0
0,7
-0,5
-0,1
0,0
67,6
50,8
47,5
58,8
63,4
72,7
Autres produits
15,1
11,1
18,7
12,7
18,5
21,8
19,0
2,6
3,1
3,2
4,1
3,6
Total ressources
112,0
127,0
149,1
159,6
231,2
268,5
352,7
369,5
382,8
419,1
467,2
516,9
Prestations
91,5
104,5
126,8
153,3
177,3
206,3
237,0
267,1
301,1
338,9
376,2
418,6
Frais ASS
3,3
4,3
5,0
6,2
8,1
17,1
21,1
22,0
27,8
31,1
36,7
42,0
Frais gestion
6,0
7,1
8,3
9,7
11,0
17,5
18,6
24,8
26,0
29,3
29,4
32,9
Autres charges
8,2
9,0
25,0
17,4
38,6
27,8
55,5
7,1
17,4
9,2
13,5
15,5
Total emplois
109,0
124,9
165,1
186,6
235,0
268,7
332,2
321,0
372,3
408,5
455,8
509,0
Source : CNSS

Equilibre technique, régime des pensions CNSS
En MD


1990
Cotisations
96,4
114,9
129,7
147,4
212,8
246,7
266,1
316,1
332,2
357,1
399,7
440,6
Prestations
91,5
104,5
126,8
153,3
177,3
206,3
237,0
267,1
301,1
338,9
376,2
418,6
Frais ASS
3,3
4,3
5,0
6,2
8,1
17,1
21,1
22,0
27,8
31,1
36,7
42,0
Balance
1,6
6,1
-2,1
-11,1
27,4
23,3
8,,0
27,0
3,3
-12,9
-13,2
-20,0


Analyse de sensibilité du RD du régime général par rapport à l'emploi


Méthode M2


2005
TAAM Actif.Cot.






1,8%



Méthode M3

BIBLIOGRAPHIE
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Divers documents et publications CNSS, INS.








2005
2010
2015
2020
2025
2030
TAAM Actif.Cot.






1,8%
4,61
3,82
2,78
2,10
1,71
1,38
2,5%
4,74
4,06
3,06
2,39
2,02
1,69
3,0%
4,83
4,25
3,28
2,62
2,27
1,94
3,5%
4,92
4,44
3,51
2,87
2,55
2,23
4,0%
5,02
4,63
3,75
3,15
2,86


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