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Ridha Bergaoui - Lutte contre la cochenille du cactus: le devoir de gagner
Publié dans Leaders le 03 - 04 - 2024

Par Ridha Bergaoui - La figue de barbarie, ce fruit très populaire, appelé également «الغلة سلطان » ou le sultan des fruits, probablement en raison de la couronne de petites épines qui ornent la partie supérieure, est un fruit d'été, bon marché, succulent, rafraîchissant et riche en nutriments. Ce produit bienfaisant risque malheureusement de se faire de plus en plus rare et cher, en cause la mauvaise cochenille ou la cochenille sauvage du cactus Dactylopiusopuntiae (CDO).
Tout est bon dans le cactus
Le cactus représente une véritable richesse pour le pays. Ses fruits sont très prisés par les habitants et les consommateurs locaux et sont même très demandés à l'étranger comme fruit exotique. Ses raquettes représentent pour les animaux un aliment riche en eau et nutritif. Plusieurs produits peuvent être élaborés à partir du cactus essentiellement l'huile des graines, très recherchée pour la préparation de produits cosmétiques et vendue très cher. On peut également en préparer de la confiture, du sirop et du vinaigre. Les raquettes sont comestibles. Ai Mexique, on en prépare des plats très appétissants. C'est également un fourrage très intéressant surtout en été et durant les périodes de manque de fourrages où il est très apprécié par la plupart des animaux.
Le cactus est souvent utilisé pour délimiter des propriétés et constitue des barrières solides et étanches contre les étrangers et les animaux errants. Il est utilisé comme brise-vent et permet également de fixer la terre et de lutter contre l'érosion et la désertification.
La cochenille du cactus
Depuis quelque années, les plantations de cactus en Tunisie sont sérieusement attaquées par un parasite très agressif et très dangereux qui peut entrainer dépérissement des plants et anéantissement des champs entiers de cactus. C'est la cochenille du cactus Dactylopiusopuntiae (CDO).
La cochenille est un insecte suceur, de quelques millimètres de longueur. La femelle est aptère et se fixe sur les raquettes du cactus. Elle se multiplie rapidement, se nourrit de la sève de la plante, l'affaiblit et finit par l'assécher et la tuer, surtout sous l'effet du nombre considérable de colonies qui s'y installent. La cochenille sécrète une substance blanche qui la protège de la perte d'eau et des intempéries. La raquette se trouve ainsi complètement couverte de ce couvert cotonneux. Quoique sans ailes, les nymphes peuvent être transportées par le vent, du matériel et des véhicules, du fourrage ou des animaux et s'attaquer à de nouvelles plantations. La CDO est ainsi capable d'infecter très rapidement des régions entières et de causer de très graves dégâts.En Afrique, la CDO a été signalée pour la première fois au Maroc en 2014, elle s'est répandue par la suite en Algérie. Elle est apparue en Tunisie en 2021 dans la région de Mahdia. Depuis, elle s'est bien propagée pour infecter pratiquement tout le centre du pays et ne s'arrête pas d'avancer.
La CDO produit de l'acide carminique qui la protège des insectes prédateurs. Au Mexique, l'extraction du rouge cochenille est une pratique qui remonte à l'Antiquité, le colorant était initialement utilisé pour teindre les textiles. Dans ce pays, la cochenille a été sélectionnée et élevée sur les raquettes de cactus pour produire le colorant qui continue à être utilisé de nos jours en cosmétique et dans les industries agro-alimentaires sous l'appellation E120 ou rouge Carmin. Ce colorant naturel est préféré aux produits synthétiques.La CDO est en train de mettre en péril toute la filière cactus, fruit de plusieurs années de travail et d'efforts et menace ainsi l'avenir de plusieurs régions dont l'économie est basé sur cette culture. Elle risque de mettre de nombreuses ouvrières, travaillant dans la cueillette des fruits et les usines de transformation, au chômage et les éleveurs en difficultés pour alimenter leur cheptel et se maintenir en activité.
A coté des ravages sur les cultures, les habitants proches des plants attaqués par la cochenille se plaignent de l'invasion d'insectes. Il s'agit des cochenilles mâles pourvus d'ailes, qui sont attirés la nuit par la lumière et viennent en bandes envahir les logements et les lieux publics éclairés. Ces males quittent la colonie à la recherche des femelles pour l'accouplement. Contrairement aux femelles, ils ne vivent que quelques jours.
Trop tard, trop peu, trop lent
L'extension de l'infection de la cochenille montre la nécessité de renforcer les mesures prises jusqu'ici par les autorités. La lutte contre la cochenille du cactus doit l'emporter. Un rapport du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) publié en janvier 2024 etintitulé : Rapport annuel du département de la justice environnementale et climatique - Droits environnementaux, Changements climatiques, justice environnementale et sociale, souligne l'insuffisance des mesures prises pour lutter contre ce fléau. Le document présente la situation de la « propagation de la cochenille dans le gouvernorat de Kairouan et ses impacts économiques et sociaux ». Il pointe un retard et une lenteur de réaction des services concernés, déployés seulement à la fin de l'année 2021 alors que la FAO avait recommandé dès 2014 aux pays méditerranéens de prendre les mesures nécessaires pour prévenir cette infection, que de nombreux experts ont averti de la gravité de la situation et que la Maroc tout proche a connu une attaque virulente qui a détruit de 2014 à 2016 plus de 70% de la surface plantée en cactus.La maladie a été signalée en septembre 2021 dans la région de Mahdia. L'épidémie a atteint de nos jours, à des degrés divers, au moins 9 gouvernorats (Mahdia, Kairouan, Monastir, Sousse, Sfax, Sidi Bouzid, Monastir, Zaghouan et Siliana) et risque de s'étendre bientôt à tout le pays.
De multiples raisons expliquent cette extension foudroyante de la maladie dont:
• Le manque de moyens (humains, matériels, financiers, logistiques) réservés à la lutte
• Des conditions climatiques favorables (sécheresse et manque de pluies)
• La fécondité extraordinaire du parasite (une femelle peut pondre plus de 5400 œufs) et l'intervalle très court entre les générations (le développement larvaire prend 1 à 2 mois seulement)
• La protection efficace de la cochenille par un manteau cotonneux blanchâtre contre les intempéries, les prédateurs et les insecticides
• La propagation rapide du parasite en s'accrochant aux véhicules, le matériel divers, les oiseaux, moutons et autres animaux ainsi que le vent
• L'inefficacité des traitements chimiques classiques
• La configuration particulière du plan de cactus trop ramifié qui rend l'accès aux raquettes de l'intérieur difficile surtout avec la présence des épines.
• Les difficultés d'accès aux plants de cactus généralement cultivées dans des terrains accidentés, marginalisés et loin des voies de communication
• Le manque d'information et de sensibilisation des agriculteurs
• etc.
Obligation de gagner le combat
Le jeudi 28 mars 2024, le responsable de la Direction générale de la santé des végétaux au Ministère de l'agriculture, avait déclaré à la presse que les principales zones de production (Kasserine et le Cap Bon) sont actuellement sous contrôle.
Le cactus emploie de nombreuses personnes directement ou indirectement et a une importance socio-économique certaine surtout qu'il est cultivé sur des terres marginales par une population pauvre et fragile. Il représente un moyen de subsistance principal de nombreuses familles démunies. C'est également un fruit populaire, bon marché, accessible aux couches sociales sensibles et fragiles. Il constitue également une importante source de devises suite à l'exportation de l'huile des graines et du fruit entier.
La sauvegarde de ce secteur revêt une importance socio-économique cruciale. De nombreuses propositions ont été faites comme:
• Demander de l'aide internationale en experts et moyens pour contrôler la propagation rapide de la cochenille. Ce fut le cas du Maroc qui a bénéficié d'une aide de la FAO
• Intensifier la recherche de variétés résistantes
• Intensifier l'élevage de prédateurs de la cochenille comme la coccinelle trident qui s'est révélé très efficace pour éliminer ce parasite
• Rechercher de produits de lutte biologique qui préservent l'environnement. Le savon noir, le piment piquant et l'argile blanche (kaolin) ont été testés au Maroc et semblent avoir donné de bons résultats.
Avant la création de nouvelles plantations, il est nécessaire de détruire les plants infectés. Il est important de soutenir les populations des zones sinistrées pour encourager les propriétaires à se débarrasser des plants infectés. Il est nécessaire également d'aider les petits agriculteurs, actuellement en désarroi et sont prêts à utiliser tous les moyens pour s'en sortir. Il ne faut surtout pas les laisser à la merci de faux-experts qui leur conseillent des produits coûteux, inefficaces et nuisibles pour l'environnement.
Le 30 mars dernier, un responsable du CRDA de Kasserine a déclaré à la presse avoir revu la stratégie de lutte contre la cochenille afin de préserver les régions du Cap Bon et de Kasserine. Celle-ci représente plus de 50% de la production nationale de figue de barbarie et assure 40 milles emplois. La nouvelle stratégie repose sur quatre éléments essentiels i) l'observation, détection et surveillance ii) la sensibilisation, l'éducation et l'information des agriculteurs iii) la prévention par la taille à la base du plan de cactus pour faciliter le traitement iiii) la lutte biologique avec la contribution de la recherche pour trouver des prédateurs de la cochenille. Le responsable avait également signalé que la recherche a permis d'identifier 10 variétés de cactus résistants dont 3 seront multipliés et distribués aux agriculteurs. Espérons que cette nouvelle stratégie soit effectivement efficace pour préserver ce qui reste du pays des dangers de cette calamité.
Conclusion
La CDO est entrain de faire des ravages importants et de gagner du terrain. Il est indispensable de prendre la situation très au sérieux et les choses bien en main. Une sensibilisation de masse et une mobilisation générale sont nécessaires. La mise en place d'une stratégie complète avec des moyens adéquats sont nécessaires faute de quoi toutes nos plantations de cactus vont disparaitre comme se fut le cas du poirier décimé par le feu bactérien alors que les services concernés du Ministère de l'agriculture étaient incapables de réagir.
Le privilège de la Tunisie c'est qu'elle dispose de l'expérience du Maroc qui s'est mobilisé contre ce fléau et a réussi à s'en sortir et reconstituer ses plantations de cactus. Il est également possible de demander l'appui du Mexique où sévit la CDO.
Trois bonnes nouvelles pour clore cet article i) la cochenille est spécifique au cactus et il y a peu de chance pour qu'elle s'attaque à d'autres espèces ii) il est possible de reconstituer rapidement le parc de cactus, le Maroc a en quelques années reconstitué la plus grande partie de ses plantations de cactus iii) la cochenille ne présente aucun risque pour les animaux et pour l'homme.
Ridha Bergaoui
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