La danseuse et chorégraphe japonaise résidante à Berlin depuis quinze années Yui Kawaguchi a présenté récemment à la salle du « Quatrième Art » son spectacle « Andropolaroid 1.1 » proposé par le Théâtre national tunisien, avec le soutien du Goethe Institut de Tunis. C'est une installation sonore et lumineuse d'une durée de cinquante minutes qui n'a pas seulement séduit les nombreux spectateurs présents, mais les a également surpris et impressionnés. Un travail minutieux qui ne fait pas dans le déjà vu, qui invite à la réflexion, en s'ouvrant sur de nouveaux horizons. Le titre du spectacle « Andropolaroid1.1 » renvoie, tout d'abord, au terme grec « Andros » qui signifie l'homme et au procédé connu du « Polaroid » de photographie instantanée qui était d'usage des dizaines d'années auparavant. Le spectacle présente les différentes étapes de la lutte de l'homme pour s'adapter à de nouveaux territoires encore inconnus par le truchement de mouvements et d'actions qui sont comme pris sur le vif par un appareil photo en Polaroid qui livre la photo trente seconde après la prise. D'un procédé simple et à la portée de tous, des instants de vie, d'une nouvelle vie, sont représentés sur scène. Des éclats de lumière et des sons agissant et circulant par intermittence, annoncent le début du spectacle. La scène est noire. Elle est submergée par le jeu de lumières parfois éclatantes, parfois faibles et tristes des petits néons, qui, de tous les côtés de la scène, participent en fait au spectacle visuel qui s'adresse à l'intellect. Certains parmi eux bougent et sont mi en évidence dans un petit ballet à deux avec la danseuse. On surprend la danseuse à chaque éclat dans l'un ou l'autre des lieux de la scène. Elle semble désemparée, dépassée et essayant de comprendre et de vivre à sa guise, malgré tout. C'est un nouvel univers qui s'offre à elle. Elle doit lutter et surmonter les antagonismes. Elle doit également s'adapter à sa nouvelle situation au sein de cette société où elle vit. Le spectacle voudrait-il traduire en premier la propre expérience de déracinement vécue par cette artiste en partant pour l'Allemagne et en s'y installant ? Un spectacle total Pour ce faire, Yui Kawaguchi choisit des structures inhérentes aux deux langues japonaise et allemande et plonge son corps dans ce nouvel univers. Le bruitage est utilisé à bon escient, si bien que les rires et les paroles s'entrecroisent, tout en étant représentés par les lumières mobiles des néons. A travers des tableaux successifs, la danseuse nous raconte une histoire aux faits étranges qu'elle doit subir et dépasser. Son installation s'apparente à un spectacle total, car plusieurs formes d'expression artistique s'y retrouvent. L'installation, plus connue comme expression d'arts plastiques et contemporains, devient théâtrale et théâtralisée. La danse y prend la part belle du spectacle. Le mime n'y est pas en reste. La musique et le bruitage, comme précédemment indiqué, sont légion. La danse-théâtre y est également présente. Un spectacle envoûtant qui a été fortement applaudi par un public averti et subjugué par la performance de Yui Kawaguchi.