Le public est venu nombreux, dimanche dernier à la salle du 4e Art, pour assister au spectacle de clôture des 11es Rencontres chorégraphiques de Carthage, qui ont été placées, cette année, sous le signe de «Je danse, donc je suis». Baptisé «Electro Kif», le spectacle est signé par la grande chorégraphe Blanca Li, habituée des scènes des RCC. Huit danseurs de qualité ont assuré, durant 70 minutes, une pièce chorégraphique qui interroge le corps dans toutes ses dimensions à travers différentes danses contemporaines allant du hip-hop à la danse tectonique et, parfois, la surpassant. Drôle et débordant d'énergie et de talent «Electro Kif» ne manque pas d'originalité puisqu'il nous introduit dans l'univers connu de tous : l'école le temps d'une journée particulière. Une salle de classe, un cours de maths, une cour de récréation, un match de basket dans un gymnase, un déjeûner dans le restaurant de l'école, une salle d'examens, autant de lieux où évoluent une jeunesse bouillonnante, indisciplinée mais qui s'exprime par le corps. Il s'agit donc d'adolescents en quête d'identité, s'adonnant à toutes sortes de pitreries et de prouesses corporelles. Ils s'appuient sur une gestuelle tectonique qui évolue sur une musique tantôt techno, tantôt classique. Une danse urbaine qui bouscule certains clichés de la danse contemporaine. Après «Macadam Macadam», Blanca Li explore de nouveaux espaces chorégraphiques, l'Electro danse appartenant à la street culture. Ici la danse n'est plus que performance pure mais, elle se dramatise autrement dit, investit le théâtre et se donne de la sorte du sens. On est face à une histoire racontée non par les mots, mais par la gestuelle qui en dit parfois plus long que les mots. Le bruitage, les onomatopées et la musique aident à comprendre certaines gestuelles. Dans ce contexte-là, la danse urbaine prend une dimension évoluée grâce à la diversité stylistique et à l'inventivité créative de la chorégraphe. La force de ce spectacle réside dans une danse qui se pratique assis sur des chaises ou debout, mais jamais à terre. Elle repose essentiellement sur la gestuelle des bras qui ne s'arrêtent pas tout au long de la représentation. Un concentré de vitalité pour ces huit danseurs débordant de vitalité. Une nouvelle fois, Blanca Li nous livre une pièce qui s'inscrit dans la contemporanéité sans nous asséner de clichés ou de quelconques lourdeurs scénographiques. Elle se révèle particulièrement forte dans la performance physique des danseurs sur lesquels repose le sens de l'histoire que la chorégraphe a voulu raconter. Un moment savoureux lorsqu'un duo danse sur une musique lente d'un piano qui ralentit le rythme des corps mais pousse notre émotion à l'extrême. Le talent toujours en éveil, Blanca Li est à la fois danseuse, chorégraphe, metteur en scène et réalisatrice. Originaire de Grenade en Espagne, elle est établie en France depuis 1992. Elle puise son inspiration dans ses racines andalouses tout en explorant un large éventail de formes d'expression corporelle, de la danse classique au hip-hop en passant par le flamenco. De l'Espagne à la France, en passant par New York, Berlin ou la Chine, Blanca Li signe un parcours personnel très singulier. Avec «Electro Kif», elle renouvelle encore une fois la danse en lui injectant de l'humour, de la tendresse et de l'émotion. Le public sensible à cette approche a réservé aux danseurs une nuée d'ovations. C'était un certain dimanche de clôture des RCC.