Longtemps retenue, la colère des marins pêcheurs s'est manifestée avant hier lors d'un sit in organisé au port de Kélibia attirant l'attention des autorités sur la détérioration de leur situation . Ils revendiquent une subvention suite au repos biologique, un nouveau découpage des zones de pêche et leur quota de pêche du thon rouge. En effet, le littoral du Cap Bon fait l'objet depuis belle lurette d'une surexploitation abusive et subit durant toute l'année les assauts des chalutiers, compromettant ainsi la reproduction des différentes espèces, mettant ainsi en péril le patrimoine halieutique des futures générations. Pour faire face à cette exploitation abusive, la direction régionale de la pêche a adhéré au système du repos biologique et a créé un fonds pour son financement. Il s'agit du Fonds de développement de la compétitivité dans le secteur agricole qui octroie des aides matérielles aux pêcheurs durant la période de repos, fixée à trois mois renouvelables. Ce repos biologique consiste en l'arrêt obligatoire d'une ou de plusieurs activités de pêche dans des zones maritimes surexploitées. Ce système a pour principal objectif de préserver l'écosystème dans le milieu marin et de permettre la régénération des ressources halieutiques, notamment, dans les zones où elles sont en régression. Chose qui n'a pas plu aux pêcheurs qui estiment être bloqués par cette décision qui ne leur permet pas d'étendre leurs activités vers d'autres zones. Ils proposent à cet effet l'instauration d'un système de zoning pour les bateaux jusqu'à Bouficha permettant aux marins plus de liberté à l'instar des marins de Sfax et de Mahdia. « Cette trêve biologique est utile mais encore faut-il qu'on nous accorde une subvention durant ce repos. Nous revendiquons également, de bénéficier des mêmes privilèges accordés aux marins pêcheurs qui opèrent dans les zones du Nord dont notamment le dégrèvement du carburant, dans la mesure où nous sommes acculés à pêcher en haute mer, ce qui entraîne des charges supplémentaires » a souligné un jeune pêcheur . Des espèces disparues, d'autres menacées La situation des petits pêcheurs ne cesse de se détériorer. Les impacts de la pêche anarchiques (la pêche au chalut et la pêche à la senne...) sont très graves, s'agissant principalement de la destruction du couvert végétal et la disparition de certaines espèces. D'après les études effectuées par des organisations internationales, le chalutier détruit 10 kg de poisson en capturant un Kg de façon illicite. D'autres chalutiers chassent dans des endroits de 9 brasses de profondeur (une brasse=1,80 mètre), ce qui est strictement interdit vu le risque d'endommagement des larves de poissons. Or, la loi interdit au chalutier de pêcher dans les zones inférieures à 25 brasses lesquelles sont réservées uniquement aux petits métiers (navires de 6 à 24 m). La pêche sous-marine est un autre activité qui a également une part de responsabilité dans la réduction de la production voire même dans l'extinction de certaines espèces de poisson. Mohamed, un jeune pêcheur nous explique que le Mérou est en voie de disparition à cause de cette pratique. Pendant la période de reproduction, cette espèce séjourne pendant trois mois près des côtes. Les adeptes de la plongée sous-marine pêchent quotidiennement de grandes quantités de ce poisson : «Ce que je ne peux pas réaliser pendant une année complète», affirme Abdelkader. La Daurade et le Loup sont aussi des espèces menacées. C'est que le déclin de la ressource est l'une des raisons amenant les pêcheurs artisans à abandonner leur métier. Le ministère de l'Agriculture et des ressources hydrauliques, a lancé une stratégie nationale pour lutter contre la pêche anarchique qui menace la pérennité et le développement du secteur. Les grandes lignes de cette stratégie portent sur l'installation de systèmes de contrôle «GPS» dans 1000 bateaux, dont la longueur dépasse 15 m et la mise en place d'équipes régionales assurant le contrôle humain dans les régions côtières. Elle appelle les pêcheurs à éviter l'utilisation d'équipements de pêche anarchiques qui défavorisent la biodiversité, à respecter les saisons et les zones de pêche, et à rationaliser l'exploitation des réserves halieutiques pour assurer leur renouvellement.