La rencontre entre le président Algérien, Abdelaziz Bouteflika, et le chef du mouvement d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a suscité plusieurs réactions entre ceux qui y ont vu la pratique d'une diplomatie parallèle et ceux qui ont conclu qu'il serait l'envoyé spécial de Béji Caïd Essebsi. La visite ayant eu lieu après une rencontre avec le président de la République. Cette deuxième hypothèse a été totalement rejetée par le premier conseiller auprès du président de la République, Nourredine Benticha, qui a précisé que le chef d'Ennahdha s'est rendu tout seul à Alger. Et d'ajouter que tous les présidents et dirigeants des différents partis politiques tunisiens sont totalement libres de rencontrer qui ils veulent. Après cette précision, les critiques ont été doublement sévères envers le chef d'Ennahdha qui a décidé, lui aussi, de rectifier le tir lors d'une interview qu'il a accordée au journal électronique Al Arabia. Revenant sur les accusations qui pèsent sur lui – il est, entre autres, accusé de tirer profit de la faiblesse de l'Etat tunisien pour organiser une diplomatie parallèle qui servirait ses intérêts et ceux de son mouvement – Rached Ghannouchi a assuré que toutes ses activités au niveau international s'inscrivent dans le cadre de la diplomatie populaire qui suit et renforce la diplomatie officielle du pays. Selon lui, la diplomatie populaire est un concept connu en sciences politiques et est généralement employé par les partis politiques et les composantes de la société civile dans le but d'aider la « Nation » à avoir plus d'horizons. Et d'ajouter qu'il n'a jamais, au cours de ses différentes rencontres avec des responsables mondiaux, pris des engagements ou initier des accords parce que cela relève du rôle de l'Etat tunisien. En ce qui concerne l'avis qui dit que la rencontre avec le président Bouteflika s'inscrit dans une tentative de brouiller l'initiative de Béji Caïd Essebsi – qui veut initier, en Tunisie, un dialogue entre la Libye et ses pays voisins – le président d'Ennahdha a tout rejeté en bloc expliquant que sa seule préoccupation est de rapprocher les visions afin que le problème libyen aboutisse à une issue via un dialogue sain comme celui qui a eu lieu en Tunisie. De son côté, le conseiller du chef islamiste, Lotfi Zitoun, a annoncé que ce dernier rencontrerait, prochainement, le général Hafter en réponse à ceux qui l'accusent de pencher du côté des islamistes libyens s'agissant de dialogue et de négociations. Depuis son retour d'exil, au lendemain des événements du 14 janvier 2011, Rached Ghannouchi a enchaîné les rencontres avec des dirigeants étrangers en se rendant dans différents pays mais, aussi, en recevant plusieurs ambassadeurs et envoyés spéciaux au siège de son mouvement et même chez lui. Et il n'est pas le seul à pratiquer cette diplomatie ‘populaire'. Depuis la révolution, les photos des politiciens tunisiens recevant des représentants étrangers sont devenues monnaie courante. Or, ce genre de pratique peut, en dépit de toutes les explications que peuvent nous donner les concernés, nuire à l'Etat, à sa diplomatie et à ses commis. D'ailleurs, la présidence du gouvernement vient tout juste de publier une note appelant tous ses fonctionnaires à se soumettre au règlement lorsqu'ils souhaitent s'entretenir avec des responsables étrangers et de ne le faire qu'après accord et autorisation spéciale de la part du ministère des Affaires étrangères qui doit, à son tour, désigné quelqu'un pour faire partie de la rencontre en question. Au vu de la situation, il serait peut-être judicieux de penser à une formule de coordination à discuter en ce sens avec les partis et autres composantes de la société civile...