Par Abdelhamid Gmati Plusieurs hommes politiques ont dénoncé, ces derniers jours, ce qu'ils ont qualifié de « diplomatie parallèle ». Cette « inquiétude » vient à la suite de la dernière visite du président du mouvement d'Ennahdha en Algérie où il s'est entretenu avec le président Abdelaziz Bouteflika. Rached Ghannouchi s'en est expliqué affirmant que ses contacts avec l'étranger entrent dans le cadre de ce qu'il appelle la « diplomatie populaire » qui n'a aucune intention de supplanter la diplomatie de l'Etat. Il ajoute que « Le président algérien Bouteflika lui aurait demandé de faire son possible afin de convaincre les islamistes en Libye de collaborer positivement afin de mettre fin à la crise libyenne ». Certains observateurs estiment que l'invitation « express » du président algérien à Ghannouchi avait pour but de demander au chef d'Ennahdha de calmer son ami, le leader islamiste libyen Abdelkrim Belhaj, qui venait de proférer des menaces contre la Tunisie et l'Algérie. A une agence de presse turque, Ghannouchi a déclaré, lundi dernier, que le sommet des trois chefs d'Etat algérien, tunisien et égyptien consacré à la crise libyenne, aura lieu à Alger, sans en préciser la date. Ce sommet sera précédé par une rencontre des ministres des Affaires étrangères des trois pays à Tunis. Pourtant, cette visite à Alger du leader nahdhaoui est la 6e en moins d'un an. Et ce n'est pas son seul déplacement à l'étranger. Il s'est rendu, entre autres, à Ankara, à Paris, à Rome, à Doha où il a rencontré des personnalités et des responsables politiques de ces pays frères et amis. En plus, il s'entretient souvent avec des personnalités en visite dans notre pays. En fait, Rached Ghannouchi n'est pas le seul à se rendre à l'étranger et à rencontrer des personnalités politiques. Moncef Marzouki, l'ex-président, voyage aussi beaucoup et se fait remarquer par ses déclarations hostiles à son pays. Le 26 octobre dernier, Mohsen Marzouk, secrétaire général du Mouvement du projet de Tunisie (MPT), s'est rendu à Paris où il a eu des rencontres avec le ministre français des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Jean-Marc Ayrault, le président de l'Assemblée nationale française, Claude Bartolone, ainsi que le président du groupe « Les Républicains » à l'Assemblée nationale française, Christian Jacob. Le dirigeant à Nida Tounès, Hafedh Caïd Essebsi, s'est rendu en août 2015 à Ankara où il avait été reçu par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et par d'autres officiels. Un mois plus tôt, le même HCE était reçu à Madrid par le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères espagnol. Du côté du Parlement, on voyage, aussi, beaucoup. Selon les chiffres de l'ARP, entre le mois de janvier et le mois d'octobre 2016, il y a eu 174 voyages des députés à l'étranger. Très peu d'informations ont été fournies concernant ces missions. Des raisons personnelles ? Etait-ce de la diplomatie parallèle? Pourquoi n'a-t-on pas donné d'informations sur le but et les résultats de ces missions ? De la diplomatie secrète ? En fait, tout porte à croire qu'il s'agit de diplomatie partisane. Actuellement, Ennahdha, comme tous les autres partis islamistes, s'inquiète de la nouvelle orientation politique américaine. Le nouveau président américain, Donald Trump, a juré de raser « le terrorisme islamique » de la surface de la terre. Il semble que les services secrets américains étudient les mouvements islamistes dans les pays arabes pour rédiger un rapport détaillé. On prête au nouveau président l'intention de classifier les Frères musulmans comme organisation terroriste pour mettre fin au fléau du terrorisme. Une fois enregistrés dans la liste, les Frères musulmans devront faire face à des sanctions internationales. Plusieurs contacts et initiatives sont pris pour donner une bonne image du mouvement nahdhaoui. La députée du mouvement, Meherzia Laabidi, se trouve actuellement aux USA où elle multiplie les interventions et les déclarations pour affirmer que son parti politique s'inspire des valeurs de l'islam. Ces valeurs sont universelles, il s'agit de justice, liberté, solidarité, respect et dignité. Elle explique que la Tunisie est actuellement dirigée par un gouvernement d'union nationale et que son parti est représenté par plusieurs femmes au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cette information est importante, indiquant que le mouvement Ennahdha ne discrimine pas les femmes, bien au contraire. Et elle précise que l'administration du président Donald Trump découvrira que « son parti est plus proche des valeurs et des idéologies des Républicains qu'ils n'imaginent ». Notre ministre des Affaires étrangères, Khemaïes Jhinaoui, déclarait, lundi dernier à notre journal, « qu'il n'y a pas de diplomatie parallèle. Il y a une seule diplomatie qui consiste à mettre en œuvre la politique étrangère de la part du ministère des Affaires étrangères. Toutefois, dans tous les pays du monde, les partis politiques, le parlement et certaines organisations de la société civile, tous ces acteurs pourraient coopérer avec la diplomatie réglementaire pour réaliser ses objectifs, car ces différentes parties disposent de canaux supplémentaires à même de doter le travail diplomatique d'efficacité supplémentaire. Donc, les rencontres que certaines personnalités politiques effectuent pourraient apporter un plus, à condition qu'il soit adossé à une coordination rapprochée avec le président de la République ». Bien entendu, ils sont libres de faire la diplomatie de leur propre parti.