On nous dit souvent que des deux-cent-six partis politiques du pays, seul le mouvement d'Ennahdha a réussi à se maintenir et à contenir ses clivages internes pour une meilleure présence et une plus solide crédibilité. Certains assurent que cette réussite est la conséquence de la discipline partisane dont témoigne la majorité des dirigeants du mouvement islamiste et qui est renforcée par cette idéologie autour de laquelle, et indépendamment des autres divergences qu'ils peuvent avoir, ils se retrouvent tous. D'autres estiment que cette solidité et cette solidarité est plutôt la conséquence des années de travail qu'a menées Ennahdha, une formation qui existe depuis presque quarante ans. Toutefois, cette belle vitrine qui nous a été présentée depuis le 14 janvier a connu d'importantes fissures avec la tenue du dixième congrès d'Ennahdha. Bien que fêté en grandes pompes, le congrès en question a failli causer une scission au sein du mouvement et ce à cause de son chef, Rached Ghannouchi. Voulant absolument avoir le droit de nommer lui-même les membres du bureau exécutif, il s'est retrouvé en confrontation avec ceux qui souhaitaient que ces mêmes membres soient élus. Face à l'insistance du clan opposé, le chef d'Ennahdha est arrivé jusqu'à menacer de se retirer du mouvement si jamais sa requête n'était pas remplie. Si le conflit a été dépassé, quelques dirigeants du mouvement islamiste semblent ne pas l'avoir oublié. C' est le cas d'Abdelatif Mekki, d'Abdelhamid Jelassi et, plus récemment, de Mohamed Ben Salem. A l'occasion d'un débat télévisé, Mohamed Ben Salem a plutôt été direct en annonçant qu'il n'est ni de l'intérêt du pays ni de celui de son mouvement que Rached Ghannouchi se présente à la prochaine élection présidentielle, prévue pour 2019. L'ancien ministre de l'Agriculture a enchaîné en déclarant, et contrairement à ce qu'avaient dit certains de ses collègues au mouvement, qu'il préfère de loin Moncef Marzouki à Béji Caïd Essebsi. Et d'ajouter que lors du second tour de l'élection de 2014, il a choisi de renouveler sa confiance à l'ancien président provisoire de la République. Interrogé sur la présidence du mouvement, il a expliqué que Ghannouchi est en train de passer son dernier mandant à la tête d'Ennahdha et qu'il n'aura plus le droit de se présenter une autre fois pour le même poste. Revenant sur l'éventuelle visite du président égyptien, Abdelfattah Sissi, le député du mouvement d'Ennahdha a campé sur sa position en assurant que la Tunisie n'a aucun intérêt à recevoir un tel personnage « sanguinaire et putschiste » a-t-il prétendu . Contrairement au vice-président d'Ennahdha, Abdelfattah Mourou, Ben Salem a opté pour une position agressive clairement opposée à celle de l'Etat – un Etat gouverné par une équipe dont fait partie le même Ben Salem – en annonçant son rejet total de cette visite qui donnerait, toujours selon le concerné, « une nouvelle crédibilité au président égyptien qui serait en position d'isolement politique et diplomatique. » Ces déclarations ne sont certes pas aussi surprenantes que cela, puisque Abdelatif Mekki et Abdelhamid Jelassi ont avancé des propos pareils en insistant sur le fait que Rached Ghannouchi ne peut pas être exempté de tout questionnement. Reste qu'elles révèlent, qu'en dépit des efforts des structures d'Ennahdha, les clivages et les divergences persistent entre les dirigeants islamistes et cela rend leur statut de perfection plus fragilisé que jamais.