Il y a quelques jours, la Bibliothèque nationale (BN) et le Centre des archives ont organisé une journée consacrée à une belle initiative, sans précédent, l'archivage numérique des documents de la Révolution, sous l'impulsion de Hechmi Ben Fraj, chef du projet, de Doustourna, d'acteurs sociaux qui ont contribué à glaner, à ramasser un butin révolutionnaire inestimable de documents relatant une période cruciale de notre histoire nationale, s'étendant du 10 Décembre 2010 au 14 Janvier 2011. Vingt neuf jours d'un séisme singulier que connut la Tunisie, vingt neuf jours de soulèvement populaire, de contestation, d'indignation contre un système oppressif, le mutisme d'un dictateur et la répression féroce subie par les mutins. Vingt-neuf jours de colère généralisée, occultée par le régime et des médias s'ingéniant à minimiser la gravité des faits et l'ampleur de la contestation populaire. Des moments intenses, uniques d'une Histoire en devenir, ont ainsi échappés à des médias, davantage préoccupés par le silence que la divulgation d'un bouillonnement populaire. Seuls quelques uns et surtout les acteurs de la Révolution ont tenu à déchirer les muselières et à garder les traces vivantes de ce raz-de-marée qui a fini par emporter l'ère des bâillons. C'est grâce à la société civile, associations, internautes, blogueurs, cyber activistes, manifestants que des vidéos ont pu parvenir à certaines chaînes de télévision étrangères ( France 24, Al Jazira, Al Arabya). Durant plusieurs semaines, les réseaux sociaux ont été le canal de diffusion de ce qui se déroulait dans les régions. Ces sources précieuses d'information sont fragiles car, exposées au piratage, à la falsification, voire au désintérêt de leurs auteurs et sont menacées de disparition. Pour que cette mémoire soit sauvegardée, que ces documents soient hors d'atteinte des malintentionnés et que la recherche scientifique puisse jouer son rôle, un collectif s'est constitué de plusieurs compétences ( archivistes, documentalistes, historiens, analystes ) regroupant des chercheurs individuels, des étudiants, des donateurs, des institutions nationales: les Archives Nationales de Tunisie, l'Institut Supérieur de Documentation ( ISD), l'Institut Supérieur d'Histoire de la Tunisie Contemporaine (ISHTC ), la Bibliothèque Nationale de Tunisie et le réseau Doustourna. Ce collectif bénéficie de l'appui financier de la Fondation euro-méditerranéenne des défenseurs des droits de l'homme. Son projet est de collecter les sources numériques de la révolution et de confier leur catalogage, leur indexation et leur conservation aux Archives nationales de Tunisie. L'étape de la collecte est achevée. Il est souhaitable que des particuliers, conscients de l'importance de ces documents et ayant en leur possession des fonds, les confient aux Archives nationales. Il semble nécessaire de procéder à la collecte de sources écrites et orales de la révolution: communiqués, procès verbaux des réunions, les rapports, les statistiques produits par l'Union générale des travailleurs tunisiens( UGTT), l'Ordre national des avocats tunisiens (ONAT), la Ligue tunisienne des droits de l'homme ( LTDH), le Forum tunisien des droits économiques et sociaux ( FTDES), les articles parus dans les journaux économiques, les statuts des internautes, les dessins, chants, caricatures, graffitis seront recensés et traités par la Bibliothèque nationale. Le collectif se propose de procéder à l'acquisition de vidéos en possession de médias étrangers. La collecte des documents est une opération difficile et complexe car ils sont nombreux, disséminés à travers le pays et à l'étranger. La médiatisation de ce projet aidera à faire appel à tous ceux qui ont en leur possession un petit pan d'une Histoire à réécrire et d'une mémoire à réhabiliter. Le devoir citoyen est de déterrer ces sources et de les sauver de toute manipulation.