Si certains n'ont pas apprécié la dernière prestation télévisée du président du gouvernement, d'autres semblent en avoir tiré de grandes leçons. C'est le cas de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et du mouvement d'Ennahdha qui viennent de mettre à jour leur position. Après un premier communiqué au ton sévère, publié la semaine dernière, le mouvement islamiste vient de rectifier le tir avec un second texte, signé par son chef Rached Ghannouchi, appelant tous les acteurs politiques à plus d'engagement dans leur soutien à la stabilité politique, sociale et sécuritaire afin de servir la démocratie et la sécurité et d'offrir un meilleur climat d'investissement. Le mouvement islamiste a mis en garde ceux qui tentent de compromettre le consensus politique issu de la fameuse rencontre de Paris – entre son chef et Béji Caïd Essebsi, président du mouvement de Nidaa Tounes à l'époque. Rappelant les vertus de ladite rencontre, qui aurait épargner au pays l'effondrement de son Etat et une guerre civile divisant son peuple, le mouvement islamiste a particulièrement été alarmant par rapport à ce point en question. Un tel communiqué est extrêmement révélateur quand on le lie au contexte général du pays. En effet quelques jours auparavant, l'ancien conseiller de Donald Trump avait affirmé qu'il existe une sorte de complot en Tunisie, menée par les islamistes tunisiens en collaboration avec leurs frères libyens, afin de faire tomber le gouvernement de Youssef Chahed. Cette déclaration avait justement coïncidé avec la première déclaration du mouvement islamiste comportant des avertissements à Chahed et à son équipe gouvernementale. Par ailleurs, ce second communiqué intervient à peine vingt-quatre heures après que le président du gouvernement ait avoué que son gouvernement n'est pas suffisamment soutenu par les partis qui le forment. Une tentative d'éloigner tout soupçon ou une preuve de bonne volonté à l'adresse de Youssef Chahed ? Cela reste à prouver. Quelques heures après la parade islamiste, l'UGTT a publié un communiqué à l'issu de la réunion de son bureau exécutif. La centrale syndicale a ainsi sévèrement critiqué les signataires du pacte de Carthage qui ne seraient plus en train de respecter son contenu et les principes sur lesquels il a été bâti. L'UGTT souligne aussi que toute perturbation du processus politique renverrait une image négative de la Tunisie au niveau international ce qui pourrait amener certains à remettre en question la réussite de l'expérience de notre pays. Une remise en question qui anéantirait tous les efforts et toutes les avancées déjà réalisés. Là aussi, le timing du communiqué est problématique ; il survient au lendemain de l'interview de Youssef Chahed accordé à des médias nationaux, mais aussi au lendemain de la rencontre du secrétaire-général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, avec le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Une réunion à l'issue de laquelle Taboubi a été très vague en parlant du consensus qui doit être suivi et appliqué à la lettre si l'on souhaitait résoudre réellement la question du chômage. Même si la centrale syndicale a renouvelé son soutien aux protestations sociales, elle a manifesté un calme sans précédent nous faisant presque oublier ses positions lors de la discussion de la loi des finances de 2017 ou encore s'agissant du sort du ministre de l'Education nationale, Néji Jalloul. Deux communiqués trop beaux pour être vrais, du moins pour Youssef Chahed et son équipe, qui révèlent plus d'angoisses que de signes réellement positifs. Entre-temps, le pays continue de gérer tant bien que mal l'effervescence sociale.