La crise opposant le gouvernement à l'Ugtt à propos de la révocation d'Abid Briki se poursuit. Noureddine Taboubi appelle à l'apaisement, alors que Nida Tounès et Ennahdha souhaitent l'intervention du chef de l'Etat On attendait du concret de la rencontre Youssef Chahed-Noureddine Taboubi tenue, hier, au palais de La Kasbah sur la révocation d'Abid Briki et son remplacement au ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance par Khalil Ghariani, vice-président de l'Utica et son négociateur attitré. Finalement, on a eu droit à un communiqué laconique publié par le service information et communication de la présidence de la République indiquant que Noureddine Taboubi «est convaincu que la voix de la raison finira par l'emporter et que le pays n'a pas besoin de nouvelles tensions», ce qui revient à dire que l'Ugtt a choisi pour le moment l'apaisement tout en attendant les résultats des tractations qu'elle mène avec les partis politiques, qu'ils appartiennent à l'opposition ou à la coalition gouvernementale. Faut-il rappeler que Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'Ugtt, devait rencontrer hier (après son entrevue avec Youssef Chahed) Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nida Tounès, «dans le but d'examiner les conséquences de la crise née à la suite de la révocation d'Abid Briki et de parvenir à une solution de nature à sauver le Document de Carthage et à calmer les ardeurs de ceux parmi les syndicalistes qui soulignent que le Document a été trahi par Youssef Chahed qui n'a consulté personne avant d'opérer le remaniement ministériel en question». Et Hafedh Caïd Essebsi devait rencontrer, hier, Noureddine Taboubi en enfilant l'habit de M. bons offices qui vient parler au patron de l'Ugtt au nom de Nida Tounès et d'Ennahdha qui ont publié, dimanche, un communiqué commun sur les derniers événements. Dans ce communiqué, Ennahdha et Nida Tounès donnent l'impression de jouer les pompiers qui essayent d'éteindre l'incendie avant que le feu n'atteigne ou ne ravage la barque entièrement. D'abord, ils soulignent «le rôle important joué par l'Ugtt et l'Utica dans le renforcement de l'unité nationale et de la stabilité politique». C'est un clin d'œil malin adressé aux deux premières organisations nationales du pays pour leur signifier que la stabilité politique ne peut perdurer qu'à la condition qu'elles restent toutes les deux dans l'esprit et la logique du Document de Carthage et qu'en définitive, il est insensé «de détruire ce qu'on a construit ensemble parce qu'Abid Briki est parti du gouvernement». C'est aussi un message aux syndicalistes de l'Ugtt selon lequel «l'avènement de Khalil Ghariani — dont beaucoup de syndicalistes de l'Ugtt reconnaissent la compétence et l'expérience — au sein du gouvernement ne signifie pas que l'Utica va supplanter l'Ugtt ou que ses approches vont avoir le dessus auprès du gouvernement». Toutefois, Ennahdha et Nida Tounès tiennent à préciser que «le chef du gouvernement a le droit de choisir les membres de son gouvernement», mais ils ajoutent une nuance de poids: Youssef Chahed choisit qui il veut mais «dans le cadre de la concertation et de la coordination avec les signataires du Document de Carthage». Et pour conclure, Hafedh Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi qui ont signé le communiqué commun au nom d'Ennahdha et de Nida Tounès, appellent Youssef Chahed «à rencontrer les signataires du Document de Carthage pour évaluer le rendement du gouvernement et préciser ses priorités en cette période sensible». Ils invitent également les signataires du Document de Carthage «à rencontrer le président de la République Béji Caïd Essebsi pour renouveler leur engagement à soutenir le gouvernement d'union nationale». En somme, on appelle à un nouveau dialogue national et à l'arbitrage du chef de l'Etat qui aura à proposer ou à souffler les solutions de nature à satisfaire «les syndicalistes qui se sentent écartés ou marginalisés par Youssef Chahed et n'hésitent pas à crier leur colère même si leur patron Noureddine Taboubi cherche à contenir les tensions et à calmer ses lieutenants connus pour leurs analyses excessives et pour les accusations qu'ils lancent facilement à la face du gouvernement». Et quand Sami Tahri, secrétaire général adjoint et porte-parole de l'Ugtt, poursuit ses diatribes médiatiques accusant le gouvernement d'obéir aux ordres du FMI «pour privatiser l'administration, la Sonede et les secteurs de la santé et de l'éducation et ferme les oreilles sur les recommandations du même FMI lui demandant de combattre effectivement la corruption, l'évasion fiscale et la contrebande», il ne faut pas comprendre que l'Ugtt use du double langage. Il s'agit, plutôt, comme le soulignent plusieurs observateurs, «d'une stratégie pour améliorer les conditions de négociations dans la mesure où tout indique que la crise n'est pas dépassée, que les prochains jours apporteront du nouveau et que les syndicalistes qui se sont habitués ces dernières années aux négociations les plus difficiles sauront, une fois de plus, sortir de la crise».