La cantatrice tunisienne Leïla Hjaiej a ouvert le 30 mai la 35è édition du festival de la Médina avec un récital intitulé : « Ajabi. » Un spectacle fort applaudi par un public nombreux. Elle était de retour à ce festival après deux années d'absence. Les nouveautés et les revisites de quelques œuvres du répertoire tunisien et oriental avaient constitué le menu de cette soirée où notre chanteuse a chanté plus qu'assise que debout, comme pour raviver le bon vieux temps de la chanson arabe. Le public savait parfaitement que le « Tarab » était garanti, avec la voix d'une chanteuse très respectueuse de l'art du chant et méticuleuse, de surcroit, dans ses choix. Disciple du grand musicien et maître du luth, feu Ali Sriti, Leïla Hjaiej n'avait pas dérogé à la règle et a respecté son contrat envers un public des plus mélomanes. L'intitulé du concert, « Ajabi », en l'occurrence, renvoyait au titre de la nouvelle chanson composée pour Leïla par notre ténor Lotfi Bouchnak, présent au spectacle, ce soir-là et écrite par le poète non moins célèbre et plus fécond auparavant : Adam Fethi. La surprise était de taille, car cette œuvre s'est avérée un « Mouachah. » (Excusez du peu ! Et touchons du bois !) L'orchestre, sous la direction d'Abdelbasset Elmetsahel, violoniste à la troupe de la radio tunisienne et qui excelle toujours avec ses solos particuliers, comptait des musiciens parmi les meilleurs de la place. Des visages connus et devenus amis des spectateurs. Le jeu juste et en harmonie était à son top niveau. La chorale, d'un autre côté, n'avait pas démérité. Et il n'y avait pas qu'une seule chanson de Bouchnak, dans la mesure où ce dernier a également composé pour Leïla Hjaiej un « Daour » qu'elle a savamment interprété. Le concert montait donc au créneau et on ne pouvait pas avoir mieux. On était des plus gâtés et on réalisait réellement que la musique tunisienne est non seulement et encore entre de bonnes mains, mais que son avenir n'est pas menacé par les « parasites. » Et jamais deux sans trois, comme dit l'adage, il y avait une troisième chanson signée Lotfi Bouchnak. « Yal mitnahda » était, comme ses précédentes dans le mode « Hijaz Kar » intelligemment « adapté » aux tonalités tunisiennes. Et avec un petit saut-hommage à notre grande chanteuse Nâama, Leïla Hjaiej a chanté du répertoire de cette dernière et après avoir eu son accord « Tisâlni », composée par Mohamed Triki. On restait avec Nâama et sa chanson « Il bir wissafsaf », un petit chef-d'œuvre dans le mode « Mezmoum » écrit par feu, le grand poète Tahar Kassar et composée par feu Abdelhamid Sleiti, qui le connait encore aujourd'hui ? Ancien chef du service musical de la radio nationale au premier milieu des années soixante du siècle dernier. Et pour clore la première partie de son spectacle, Leïla Hjaiej a interprété « Tounsia », qui vante la Tunisianité de la femme tunisienne (sans aucun pléonasme), une autre belle chanson composée par Bouchnak et qu'elle a enregistrée au lendemain de la révolution tunisienne. La seconde partie du spectacle était bien orientale. Leïla Hjaiej y a chanté Fairouz pour la première fois. Cela allait de « Ghannaitou Meccata », une œuvre de circonstance et « Ya ana ya ana », la merveilleuse adaptation des frères Rahabani de la 40è symphonie de Mozart. Abdelhalim Hafedh n'était pas en reste avec « Ana lak ala toul. » De même qu'Ismahane avec « Ya habibi tâala », Mohamed Abdelwahab et « Ala bali » et enfin Oum Kalthoum et « Hadhihi leilati. » Une nuit glorieuse et sans pareille pour notre cantatrice Leïla Hjaiej qui retrouvait ce sir-là, le public du festival de la Médina. On en redemande.