La scène culturelle tunisienne vient de perdre récemment l'une des sommités de la chanson engagée en Tunisie : Zine Essafi, celui qui avait composé et chanté les paroles des grandes pointures de la poésie arabe et tunisienne, tels que Mahmoud Darwish, Abou El Kacem Chebbi, Mnawar Smadah, Adam Fathi, Ouled Ahmed... Quelques semaines après sa disparition, le Comité directeur du Festival International a pensé à lui rendre hommage en organisant ce mardi 04 août un spectacle musical avec le groupe Hess (avec Lobna Nooman et Mehdi Chakroun), et le groupe Ouyoun El Kalem (avec Amel Hamrouni et Khemaïs Bahri). Deux groupes qui s'inscrivent dans la nouvelle vague de la chanson alternative en Tunisie. Mais pour commencer, la scène fut cédée à la Troupe de feu Zine Safi qui interpréta l'éternelle chanson de Jacques Brel « Ne me quitte pas », traduite en arabe dialectal par Adam Fethi « Lê Mê Twaddaânich » une deuxième chanson « Mê Ntig Edhil » de Zine Haddad, suivi du chanteur Jamel Guella (frère de feu Hédi Guella) qui, accompagné de son luth, chanta deux morceaux en hommage à Zine Safi, d'abord « Hajar » (Pierre), paroles de Seghaier Ouled Ahmed et « El Dhalem El Mostabid » écrite par Abou Kacem Chebbi. Après quoi, le Groupe Ouyoun El Kalem d'Amel Hamrouni, prit la relève pour interpréter une suite de belles chansons engagées, comme « Mor El Kalem », « Gamra Ya Waggada » et une élégie dédiée à Zine Haddad, écrite récemment à l'occasion du 40è jour de son décès. Puis, la chanteuse enchaina avec deux chansons puisées dans le répertoire de Cheikh Limam : « Ya Abdelwadoud » et « Kelmiteen Li Masr », pour finir avec une chanson signée Adam Fethi. Le groupe Hess de Lobna Nooman avec la direction de Mahdi Chakroun monta sur scène vers 23h30, étant donné que le spectacle, prévu à 22h, n'a débuté que vers 22h35, un contre temps de problèmes de sonorisation, si bien que certains spectateurs commençaient à rentrer. Qu'à cela ne tienne ! Lobna a interprété un bouquet de chansons alternatives qui proposent une musique fusionnant patrimoine arabe et rythmes du monde, des chansons à texte, ayant une dimension universelle qui chantent l'amour, la paix, la liberté. Parmi ces chansons engagées, on peut citer « Watan », « Ala Hadhihi Al Ardh Me Yestahikkou Al Hayet » de Mahmoud Darwiche, suivie d'une autre chanson intitulée « Douâ » du poète indien Tagou et du compositeur Ridha Chmak et elle enchaina avec d'autres chansons qui révèlent un aspect novateur au niveau du texte et de la musique, qui repose sur notre patrimoine tout en s'ouvrant sur d'autres cultures musicales du monde. Cependant, à en juger par la modeste assistance de cette soirée, (le théâtre étant à moitié vide !), on remarque qu'il existe peut-être une certaine lassitude des jeunes tunisiens envers la chanson engagée en comparaison avec leur engomment suscité par ce genre de chansons, notamment pendant la Révolution. Serait-ce à cause des déceptions qu'ils ont éprouvées durant la phase post-Révolution où leurs rêves semblent être évanouis et que les objectifs de la Révolution tardent encore à se réaliser ? Pourtant, la chanson alternative évolue toujours en Tunisie grâce aux jeunes paroliers et musiciens qui ont une nouvelle vision de la chanson tunisienne actuelle qu'ils veulent fructifier par de nouvelles mélodies puisées dans les musiques du monde, sans pour autant dévaloriser notre patrimoine musical.