Les rapports de la Cour des comptes l'ont toujours abordé sans jamais nous communiquer de détails ; le financement des partis politiques tunisiens se fait dans une opacité terrifiante . De leur côté, les partis politiques n'ont jamais montré de gêne pour nous exposer, fièrement, leurs forces : il suffit de remonter au plus récent événement politique d'envergure pour comprendre l'ampleur de la situation. Bien qu'il se soit passé beaucoup de choses depuis, le dixième congrès du mouvement d'Ennahdha – tenu en mai 2016 – demeure l'événement phare de ces derniers mois. Un congrès qui a laissé plusieurs perplexes face aux moyens mobilisés et employés alors . Les millions de dinars se ressentaient partout dans la Coupole de Radès où les dirigeants du mouvement islamistes avaient tenu leur ‘congrès historique'. Une démonstration de force telle que les médias avaient presque laissé de côté le contenu du congrès pour focaliser sur les sources du financement et les réponses étaient des plus enrichissantes. On nous a en effet chanté les mérites des adhérents du mouvement qui auraient, à eux tous seuls, contribué non seulement au financement du congrès mais, en plus, ils permettront à leur formation de subsister partout dans la République et de tenir tous ses événements et d'honorer tous ses engagements financiers. Une version des faits qui a toujours été mises en doute par plusieurs acteurs politiques jusqu'à ce que la présidente du parti Destourien libre (PDL), Abir Moussi, vienne affirmer, en public, qu'Ennahdha a, pendant longtemps, bénéficié d'un financement étranger provenant du Qatar. Un secret de polichinelle pour beaucoup mais son dévoilement n'a pas plu d'autant plus qu'Abir Moussi a maintenu sa version des faits en expliquant que son parti demande officiellement à ce qu'une enquête soit ouverte pour déterminer tous les partis politiques qui bénéficient d'un financement étranger. Niant vouloir mener une campagne électorale anticipée, la présidente du PDL a annoncé avoir en sa possession des preuves tangibles confirmant ses dires. Répondant à ces accusations, le porte-parole du mouvement d'Ennahdha, Imed Khemiri, s'est contenté de qualifier les propos de Moussi de tentative désespérée de dénigrer le mouvement islamiste. Le concerné a enchaîné en demandant au PDL de publier lui-même les sources de son financement. Cependant ce qu'il a omis de dire, c'est qu'en septembre 2014, son mouvement a versé la somme de 147 000 dollars (soit 337 mille dinars tunisiens) au profit d'une boîte de communication américaine. Cette information pourtant majeure n'a été exploitée ni par la justice ni par les médias de la place pour le plus grand bonheur d'Ennahdha. Aujourd'hui, il serait peut-être temps d'y revenir juste pour que tout soit clair d'autant plus que l'histoire a été révélée grâce à un document publié sur le site officiel du ministère américain de la Justice attestant de la somme versée, du bénéficiaire et de celui qui l'a envoyée. Ennahdha n'est certainement pas le seul acteur politique à traîner des casseroles ; on se rappelle tous du fameux carnet perdu par le Congrès pour la République (CPR) au lendemain des élections 2011 ou encore des dérangeantes déclarations de Chafik Jarraya en ce qui concerne le financement du mouvement de Nidaa Tounes ou encore de celui d'Al Jomhroui lorsqu'Ahmed Néjib Chebbi était encore parmi ses dirigeants. Les accusations d'Abir Moussi seraient peut-être la meilleure occasion pour notre Justice de relancer ce sujet tant perturbant pour presque toutes les composantes de notre échiquier politique.